Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable (SIAEP) de la région de Beaufort en Vallée a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement la société SAUR et l'Etat à lui verser une somme de 48 331,56 euros, indexée sur l'indice BT 01 du coût de la construction, au titre des travaux de reprise de la station de traitement des eaux potables de Mazé et la somme de 52 700 euros au titre de l'achat d'eau pendant les travaux.
Par un jugement n° 1207292 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser au SIAEP de la région de Beaufort en Vallée une somme de 7 249,70 euros au titre des travaux de reprise de la station de traitement d'eau potable, la somme de 7 905 euros au titre de l'achat d'eau pendant la réalisation des travaux et la somme de 1 296,46 euros au titre des frais d'expertise.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mars 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 décembre 2014 en tant qu'il prononce des condamnations de l'Etat ;
2°) de rejeter les demandes formées contre l'Etat par le SIAEP de la région de Beaufort en Vallée devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car la copie qui a été notifiée au préfet de Maine-et-Loire ne comporte pas les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- à la date d'apparition des désordres litigieux, la garantie contractuelle qui pesait sur le maître d'oeuvre en vertu de son marché était éteinte ;
- subsidiairement, la DDT du Maine-et-Loire n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission contractuelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2015, le SIAEP de la région de Beaufort en Vallée conclut au rejet de la requête et demande la réformation du jugement en tant qu'il a retenu une faute de sa part. Il demande également que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il suffit que la minute du jugement comporte les signatures, de sorte que l'absence de signature sur la copie notifiée au préfet n'entache pas le jugement d'irrégularité ;
- l'expiration de la garantie de parfait achèvement n'empêche pas l'engagement de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre ;
- le tribunal a retenu à juste titre la carence fautive du maître d'oeuvre lors des opérations de réception ;
- en revanche, dés lors que le SIAEP n'avait aucune compétence technique pour assurer la réception des travaux, aucune faute de sa part ne devait être retenue.
Par un courrier du 26 août 2016, la société SAUR a été mise en demeure, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, de présenter des observations en réponse ;
Par une ordonnance du 3 novembre 2016, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rimeu,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me Meschin, avocat du syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de la région de Beaufort en Vallée.
1. Considérant que par un marché signé le 22 avril 2002, modifié par un avenant du 30 décembre 2002, le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable (SIAEP) de la région de Beaufort en Vallée, a confié à la société SAUR les travaux d'extension de la station de traitement d'eau potable de Mazé ; que la maîtrise d'oeuvre des travaux a été assurée par les services de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de Maine-et-Loire ; que les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 6 novembre 2003 ; qu'en raison de problèmes d'étanchéité affectant les ouvrages, le SIAEP de la région de Beaufort en Vallée a sollicité une expertise, qui a été ordonnée par le président du tribunal administratif de Nantes le 19 décembre 2010 ; que le rapport de l'expertise, réalisée par M.A..., a été déposé au greffe du tribunal le 8 décembre 2011 ; que l'Etat relève appel du jugement du 31 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser au SIAEP de la région de Beaufort en Vallée la somme de 7 249,70 euros au titre des travaux de reprise des désordres affectant la station de traitement d'eau potable, la somme de 7 905 euros au titre de l'achat d'eau pendant la réalisation des travaux de reprise, et la somme de 1 296,46 euros au titre des frais d'expertise ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " ;
3. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement du 31 décembre 2014 attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ; que les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative n'exigent pas que la copie du jugement notifiée aux parties comporte ces signatures ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier ;
Sur le bien fondé du jugement :
4. Considérant que les maîtres d'oeuvre ne sont pas soumis à la garantie de parfait achèvement ; que, par suite, la circonstance que le délai de la garantie de parfait achèvement, d'une durée d'un an à compter de la date d'effet de la réception des travaux, était expiré lors de l'apparition des désordres en mars 2005, est sans incidence sur la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre pour manquement à son devoir de conseil lors des opérations de réception ;
5. Considérant qu'après la réception des travaux, qui met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, le maître d'ouvrage ne peut rechercher la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre que pour des manquements à son obligation de conseil au moment des opérations de réception des travaux ou des fautes commises dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des comptes des entreprises ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres consistent en des tâches d'humidité sur le revêtement en plastique extérieur du réservoir ; que ces tâches d'humidité sont apparues pour la première fois en mars 2003 et ont fait l'objet d'une première réparation par la société EGDC au printemps 2003, avant une première remise en eau le 28 mai 2003 ; que pendant l'été 2003, ces tâches d'humidité sont réapparues, de sorte que la société EGDC est intervenue pour y remédier, les 14 et 15 octobre 2003, avant une nouvelle remise en eau le 20 octobre 2003 ; que les opérations de réception ont eu lieu trois semaines plus tard, le 6 novembre 2003 ; que si le maître d'ouvrage reproche au maître d'oeuvre d'avoir accepté la réception sans émettre de réserve et alors que trop peu de temps s'était écoulé depuis la dernière réparation réalisée par la société EGDC, il est constant que, le 6 novembre 2003, lors des opérations de réception, il n'existait plus aucune trace d'humidité sur la partie extérieure en plastique du réservoir et que ces traces d'humidité ne sont réapparues que plus de 16 mois plus tard, en mars 2005 ; que dès lors que les désordres, qui étaient alors connus tant du maître d'oeuvre que du maître d'ouvrage, avaient fait l'objet de travaux de réparation avant la réception des travaux, la seule circonstance qu'ils s'étaient déjà produits deux fois avant la réception n'est pas suffisante pour établir que le maître d'oeuvre aurait dû conseiller au maître d'ouvrage de refuser celle-ci, ou d'émettre des réserves, en raison des risques que de tels désordres se produisent à nouveau dans l'avenir ; que, par suite, l'Etat est fondé à soutenir qu'il n'a pas manqué à son obligation de conseil au maître d'ouvrage lors des opérations de réception ;
7. Considérant cependant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel de statuer sur les autres fondements de responsabilité invoqués en première instance ;
8. Considérant, d'une part, que la réception sans réserve des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et la société chargée de la réalisation des travaux ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la réception des travaux a été prononcée sans réserve le 6 novembre 2003 ; que, par suite, le SIAEP ne peut pas invoquer, au soutien de sa demande de réparation de désordres apparus en mars 2005, la responsabilité contractuelle de la société SAUR ;
9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les désordres dont le SIAEP demande réparation, qui consistent en des tâches d'humidité sur la partie extérieure en plastique du réservoir, ne sont pas de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et ne compromettent pas sa solidité ; que par suite, la responsabilité de l'Etat et de la société SAUR ne peut pas être engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser au SIAEP de la région de Beaufort en Vallée la somme de 7 249,70 euros TTC au titre des travaux de reprise de la station de traitement d'eau potable et la somme de 7 905 euros au titre de l'achat d'eau pendant la réalisation des travaux ;
Sur les frais d'expertise :
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 8 643,09 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes, doivent être mis à la charge définitive du SIAEP de la région de Beaufort en Vallée ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que le SIAEP de la région de Beaufort en Vallée demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de la région de Beaufort en Vallée devant le tribunal administratif de Nantes, ainsi que ses conclusions présentées en appel, sont rejetées.
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 8 643,09 euros sont mis à la charge définitive du syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de la région de Beaufort en Vallée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, au syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de la région de Beaufort en Vallée, à la société SAUR et à la société EGDC.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 février 2017.
Le rapporteur,
S. RIMEULe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01019