La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2017 | FRANCE | N°15NT01096

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 27 janvier 2017, 15NT01096


Vu la procédure suivante dans l'instance 15NT01096 :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2015 la Sarl Auto de l'Eau Blanche et la Sci Merabet, représentées par Me C..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 5 février 2015 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes ;

2°) de condamner Brest Métropole, venant aux droits de Brest Métropole Océane, à réparer les dommages subis par la Sci Merabet ;

3°) d'annuler la décision implicite du président de Brest

Métropole Océane portant refus de faire exécuter les travaux demandés par les deux sociétés ;

4°...

Vu la procédure suivante dans l'instance 15NT01096 :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2015 la Sarl Auto de l'Eau Blanche et la Sci Merabet, représentées par Me C..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 5 février 2015 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes ;

2°) de condamner Brest Métropole, venant aux droits de Brest Métropole Océane, à réparer les dommages subis par la Sci Merabet ;

3°) d'annuler la décision implicite du président de Brest Métropole Océane portant refus de faire exécuter les travaux demandés par les deux sociétés ;

4°) d'enjoindre à Brest Métropole de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert ;

5°) et de mettre à la charge de Brest Métropole la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la responsabilité de Brest Métropole est engagée du fait de l'insuffisance de l'ouvrage public constitué par le réseau d'évacuation des eaux pluviales ;

- leurs préjudices doivent être intégralement réparés ;

- la Sci Merabet n'a pas commis de faute de nature à exonérer Brest Métropole de sa responsabilité;

- la Sci Merabet subit un préjudice qui doit être réparé dès lors que les dommages permanents de travaux publics empêchent l'exploitation normale de son bien.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2015 Brest Métropole, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à la réformation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité, enfin à ce que soit mis à la charge de la Sarl Auto de l'Eau Blanche et de la Sci Merabet le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public n'est pas établie ;

- le préjudice allégué résulte d'une faute de la Sci Merabet qui constitue une cause exonératoire ;

- le préjudice invoqué par la Sarl Auto de l'Eau Blanche, qui a été indemnisée par son assureur, n'est pas démontré ;

- les premiers juges n'ont pas répondu à ce dernier moyen ;

- les travaux préconisés par l'expert ne tiennent pas compte de leur coût très important et des risques pour le bassin situé en aval.

Par une ordonnance du 3 mai 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juin 2016 à 12h00 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

II) Vu la procédure suivante dans l'instance 15NT01186 :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 avril et 2 octobre 2015, la communauté urbaine Brest Métropole, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 5 février 2015 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamnée à verser à la Sarl Auto de l'Eau Blanche la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de la Sarl Auto de l'Eau Blanche et de la Sci Merabet la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance n° 15NT01096.

Par des mémoires enregistrés le 5 octobre 2015 et le 4 mai 2016, la Sarl Auto de l'Eau Blanche et la Sci Merabet, représentées par Me C..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de Brest Métropole ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 5 février 2015 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes ;

3°) de condamner Brest Métropole, venant aux droits de Brest Métropole Océane, à réparer les dommages subis par la Sci Merabet ;

4°) d'annuler la décision implicite du président de Brest Métropole Océane portant refus de faire exécuter les travaux demandés par les deux sociétés ;

5°) d'enjoindre à Brest Métropole de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert ;

6°) et de mettre à la charge de Brest Métropole la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir les mêmes moyens que dans l'instance n°15NT01096.

Par une ordonnance du 3 mai 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juin 2016 à 12h00 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gauthier,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- les observations de MeA..., substituant Me C..., représentant la Sarl Auto de l'Eau Blanche et la Sci Merabet, et celles de MeB..., représentant Brest Métropole.

1. Considérant que la requête n°15NT01096 de la Sarl Auto de l'Eau Blanche et de la Sci Merabet et la requête n°15NT01186 de Brest Métropole sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que la Sci Merabet est propriétaire d'une parcelle cadastrée section IN n° 191 située dans la zone industrielle de Kergonan à Brest, qu'elle donne à bail à la Sarl Auto de l'Eau Blanche, laquelle exploite une activité de vente de véhicules automobiles ; qu'à la suite d'inondations répétées, ces deux sociétés ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes qui, par ordonnance du 20 octobre 2011, a désigné un expert afin de préciser les circonstances des sinistres survenus entre 2008 et 2011, de préciser les travaux exécutés par Brest Métropole Océane, devenue depuis Brest Métropole, et d'indiquer, le cas échéant, la nature et le coût des travaux propres à remédier aux désordres ; que l'expert a déposé son rapport le 26 novembre 2012 ; que, par un courrier du 8 avril 2013 la Sarl Auto de l'Eau Blanche et la Sci Merabet ont demandé à Brest Métropole Océane de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur cette demande ; que, par les deux requêtes visées ci-dessus, la Sarl Auto de l'Eau Blanche et la Sci Merabet d'une part et Brest Métropole d'autre part relèvent appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné Brest Métropole Océane à verser à la Sarl Auto de l'Eau Blanche la somme de 9 000 euros en réparation des préjudices subis, a rejeté la demande de réparation présentée par la Sci Merabet ainsi que la demande tendant à l'annulation de la décision du président de Brest Métropole Océane refusant implicitement de faire exécuter les travaux demandés par les deux sociétés, enfin a mis à la charge de Brest Métropole et de la Sci Merabet les frais d'expertise à concurrence de 6 643,63 euros et a mis à la charge de Brest Métropole la somme de 1 500 euros à verser à la Sarl Auto de l'Eau Blanche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de Brest Métropole, ont pu évaluer le préjudice subi par la Sarl Auto de l'Eau Blanche en jugeant implicitement que ses dommages n'avaient pas été réparés par son assureur ; qu'ainsi, le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, n'est pas irrégulier ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la rue de l'Eau Blanche, où se situe le garage exploité par la Sarl Auto de l'Eau Blanche, présente une pente franche, collecte les eaux de ruissellement des fonds supérieurs et subit des inondations qui ont justifié la réalisation par Brest Métropole de travaux en 2003 puis en 2009 ; que toutefois cette rue a de nouveau été inondée en 2010, 2011 et 2012 ; que ces inondations sont causées par l'insuffisance des réseaux publics d'évacuation des eaux pluviales et leur engorgement lors de très fortes intempéries, en particulier du fait d'un exutoire final qui ne peut remplir son office qu'en cas de précipitations pluvieuses normales mais ne peut pas absorber des précipitations pluvieuses importantes sous orage pendant quelques dizaines de minutes ; que ces inondations répétées sont, alors même que Brest Métropole fait valoir que la préservation des zones situées en aval de l'exutoire justifie son refus de revoir le dimensionnement du réseau d'évacuation, de nature à engager la responsabilité sans faute de cette collectivité, maître de l'ouvrage public dont l'insuffisance est ainsi constatée ;

6. Considérant que si Brest Métropole invoque, pour dégager sa responsabilité, une faute de la victime, elle n'est pas fondée à le faire en faisant valoir que la Sarl Auto de l'Eau Blanche et la Sci Mérabet auraient méconnu l'article 44 du règlement sanitaire départemental du Finistère qui impose à la charge du riverain " toutes dispositions pour s'opposer à tout reflux d'eaux usées provenant de l'égout en cas de mise en charge de celui-ci ", dès lors que n'est nullement en cause, en l'espèce, un reflux d'eaux usées provenant de l'égout du parking ; que, toutefois, la communauté urbaine fait également valoir que les sociétés concernées auraient pu limiter les dommages résultant des inondations par la réalisation des travaux de reprofilage de la cour du garage préconisés par un expert lors d'une instance civile, auxquels elles ont choisi de ne pas procéder ; que si la Sarl Auto de l'Eau Blanche, preneur en place, soutient que cette carence n'est imputable qu'à la Sci Mérabet, propriétaire des locaux, et ne peut en conséquence être qualifiée de faute de la victime, il résulte de l'instruction que les deux sociétés ont le même gérant et que leur fonctionnement repose sur une communauté d'intérêts ; que, par suite, et alors même que chacune de ces sociétés dispose d'une personnalité morale propre, la carence reprochée à la Sci Mérabet, qui ne peut être regardée comme un tiers par rapport à la Sarl, constitue, dans les circonstances de l'espèce, une faute de la victime de nature à exonérer partiellement Brest Métropole de sa responsabilité ; que le pourcentage d'exonération de 30 % évalué par l'expert et retenu par les juges de première instance doit, dans ces conditions, être confirmé ;

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Considérant que la Sarl a droit à la réparation de 70 % de ses dommages ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, qu'à la suite des inondations qui ont eu lieu les 27 novembre, 7 et 28 décembre 2009, 21 et 27 février 2010, 30 avril, 2 mai, 24 octobre 2011 et 11 juin 2012, le garage a été rendu inaccessible pour les clients, qu'il a été nécessaire de déplacer et replacer les véhicules après décrues et de procéder au nettoyage du garage et des abords ; que l'ensemble de ces préjudices, liés à la perturbation de l'activité du garage et qui n'ont pas été indemnisés par l'assureur de la Sarl, a pu à bon droit être évalué par les juges de première instance à la somme globale de 9 000 euros ; que, compte tenu de la part de responsabilité incombant à Brest Métropole, la Sarl Auto de l'Eau Blanche est en droit de prétendre à une indemnisation de 6 300 euros ;

8. Considérant, par ailleurs, que si la Sci Merabet invoque des préjudices qui lui sont propres, la réalité de ces dommages n'est pas établie par les éléments au dossier ;

Sur les autres conclusions :

9. Considérant que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif a préconisé divers travaux à la charge de Brest Métropole, en particulier le doublage de l'exutoire existant par une canalisation de diamètre 1 600 sur toute la longueur du réseau enterré avec raccordement de la canalisation de diamètre 1 000 actuellement raccordée au diamètre 2 000, indiquant toutefois que ces travaux représenteraient une dépense de plusieurs centaines de milliers d'euros ; que Brest Métropole soutient à cet égard, sans être contestée, que des tels travaux, outre qu'ils correspondent à un coût exorbitant, présentent des risques pour le bassin versant situé en aval où se trouve un parc paysager, conservatoire d'intérêt national, créé en 1975 et qui souffre déjà de l'érosion de ses berges lors de précipitations importantes ; qu'ainsi, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'impose à une autorité de faire droit à une demande tendant à la réalisation de travaux destinés à mettre fin à des dommages de travaux publics, la Sarl Auto de l'Eau Blanche et la Sci Merabet ne sont pas fondées à soutenir qu'en refusant de réaliser les travaux préconisés par l'expert, le président de Brest Métropole aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, ces sociétés ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le président de Brest Métropole a refusé de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert ; que leurs conclusions à fin d'injonction de faire procéder à ces travaux ne peuvent en conséquence qu'être rejetées ;

Sur les dépens :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés par ordonnance du 29 novembre 2012 du président du tribunal administratif de Rennes à la somme totale de 6 643,63 euros, à la charge à concurrence de 70 % de Brest Métropole et de 30 % de la Sarl Auto de l'Eau Blanche et de la Sci Merabet ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Sarl Auto de l'Eau Blanche et la Sci Merabet ne sont pas fondées à demander la réformation du jugement attaqué ; que Brest Métropole est fondée pour sa part à demander la réformation de ce jugement dans la mesure énoncée aux points 6 et 7 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Brest Métropole, qui n'est pas la partie perdante, le versement à la Sarl Auto de l'Eau Blanche et à la Sci Merabet de la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la Sarl Auto de l'Eau Blanche et de la Sci Merabet le versement de la somme que Brest Métropole demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 15NT01096 de la Sarl Auto de l'Eau Blanche et de la Sci Merabet est rejetée.

Article 2 : La somme que Brest Métropole a été condamnée à payer à la Sarl Auto de l'Eau Blanche est ramenée à 6 300 euros.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive de Brest Métropole pour un montant de 4 650,54 euros, et à la charge solidaire de la Sarl Auto de l'Eau Blanche et de la Sci Merabet pour un montant de 1 993,09 euros.

Article 4 : Le jugement n° 1302430 du 5 février 2015 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par les parties dans les requêtes n° 15NT01096 et 15NT01186 est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Auto de l'Eau Blanche, à la Sci Merabet et à Brest Métropole.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Gauthier, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique le 27 janvier 2017.

Le rapporteur,

E. GauthierLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01096, 15NT01186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01096
Date de la décision : 27/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric GAUTHIER
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL CHEVALLIER ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-27;15nt01096 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award