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27/01/2017 | FRANCE | N°15NT01092

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 27 janvier 2017, 15NT01092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La mutuelle d'assurance des pharmaciens a, en sa qualité de subrogée dans les droits de M.D..., son assuré, demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la communauté urbaine de Brest, dénommée Brest Métropole Océane, à réparer les préjudices subis par son assuré à la suite des inondations survenues les 31 août 2008 et 24 octobre 2011.

Par un jugement n° 1003939, 1203074 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Rennes a partiellement fait droit à sa demande en condamnant

Brest Métropole Océane à lui verser pour les deux sinistres les sommes respectives de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La mutuelle d'assurance des pharmaciens a, en sa qualité de subrogée dans les droits de M.D..., son assuré, demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la communauté urbaine de Brest, dénommée Brest Métropole Océane, à réparer les préjudices subis par son assuré à la suite des inondations survenues les 31 août 2008 et 24 octobre 2011.

Par un jugement n° 1003939, 1203074 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Rennes a partiellement fait droit à sa demande en condamnant Brest Métropole Océane à lui verser pour les deux sinistres les sommes respectives de 19 508,59 euros et 744,90 euros .

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 2 avril 2015 et 30 mai 2016, Brest Métropole Océane, devenue Brest Métropole, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 février 2015 ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement et de ramener les indemnités accordées à de plus justes proportions ;

3°) de mettre à la charge de la mutuelle d'assurance des pharmaciens la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre l'ouvrage public et les dommages n'est pas établi ;

- sa responsabilité n'est pas engagée dès lors que ces dommages résultent d'un cas de force majeure ;

- les préjudices subis par l'officine de M. D...ne présentent pas un caractère anormal et spécial ;

- la mutuelle d'assurance des pharmaciens ne peut prétendre à une somme supérieure à celle versée à son assuré.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 juin 2015 et 2 juin 2016, la mutuelle d'assurance des pharmaciens, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Brest Métropole le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- une des demandes de première instance portant sur la somme de 3 623 euros HT, le jugement s'y rapportant n'était pas susceptible d'appel ;

- les moyens soulevés par Brest Métropole ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2016 à 12h00 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gauthier,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- les observations MeB..., substituant MeC..., représentant Brest Métropole, et de Me A...du Fretay, substituant MeF..., représentant la mutuelle d'assurance des pharmaciens.

1. Considérant que M.D..., qui exploite depuis 2007 une officine de pharmacie au 82 rue de Kervern à Brest, a vu son officine inondée à deux reprises à la suite de fortes pluies survenues dans la nuit du 30 au 31 août 2008 puis le 24 octobre 2011 ; que la mutuelle d'assurance des pharmaciens, son assureur, a recherché la responsabilité de Brest Métropole Océane, devenue Brest Métropole, à raison des préjudices consécutifs à ces deux inondations ; que Brest Métropole interjette appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à la mutuelle d'assurance des pharmaciens les sommes respectives de 19 508,59 euros et de 744,90 euros en réparation des préjudices subis à la suite de ces deux sinistres ;

Sur la compétence de la cour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 8° Sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. (...) Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 222-14 du même code : " Les dispositions du 7° de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros. " ;

3. Considérant que les deux demandes présentées par la mutuelle d'assurance des pharmaciens devant le tribunal administratif de Rennes concernaient le même assuré, la même officine et mettaient en cause les mêmes ouvrages publics ; que ces demandes présentaient ainsi un lien certain de connexité ; que, dès lors que la demande n°1003939 de la mutuelle, relative à l'inondation du 31 août 2008, portait sur une somme de 62 333 euros, supérieure au montant prévu à l'article R. 222-14 précité, la circonstance que la demande enregistrée sous le n°1203074 n'a porté que sur une somme inférieure à ce montant ne fait pas obstacle à ce qu'en application des dispositions citées au point 2 l'appel formé à l'encontre du jugement attaqué, qui a prononcé la jonction des deux demandes, soit recevable dans sa totalité ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les pluies du 31 août 2008 et celles du 24 octobre 2011, qui sont à l'origine des inondations qui ont ravagé une partie de la ville de Brest, ont présenté, en raison de leur violence et de leur intensité exceptionnelles et imprévisibles le caractère d'événements de force majeure ; que, dès lors, la responsabilité de Brest Métropole à l'occasion de ces inondations ne peut être retenue que pour autant que les conséquences dommageables de ces événements ont été aggravées par un ouvrage public lui appartenant ;

6. Considérant, d'une part, qu'en ce qui concerne le 31 août 2008 il résulte de l'instruction, en particulier des rapports d'expertise produits et notamment du rapport d'expertise établi par l'entreprise Saretec pour la Smacl, assureur de Brest Métropole, que les inondations, récurrentes dans le quartier de Kérinou où est située la pharmacie sinistrée, qui constitue un déversoir naturel, ont été aggravées par l'insuffisance du système d'évacuation des eaux pluviales en aval et par un dysfonctionnement du système de régulation du bassin de rétention dit de Choiseul situé en amont ; que, compte tenu de l'importance des précipitations du 31 août 2008, qui ont atteint en une heure une hauteur de 30 à 35 mm et localement de 35 à 40 mm, le tribunal a fait une juste appréciation de la part de responsabilité revenant à Brest Métropole, maître de ces ouvrages, en la fixant à 60 % ; que, d'autre part, en ce qui concerne l'inondation du 24 octobre 2011, il résulte de l'instruction que là encore l'insuffisance du réseau public d'évacuation des eaux pluviales en aval a aggravé les conséquences dommageables du phénomène pluvieux ; que cependant, compte tenu de l'importance toute particulière des précipitations, qui ont atteint en six heures une hauteur de 80,6 mm et de 105,1 mm en 12 heures, dépassant ainsi largement les valeurs centennales, le tribunal a fait une juste appréciation de la part de responsabilité revenant à Brest Métropole, maître de l'ouvrage, en la fixant à 30 % ;

7. Considérant, enfin, que le préjudice subi par M.D..., dont l'officine a été à deux reprises totalement envahie par l'eau qui a endommagé le mobilier et détruit les marchandises, présente, alors même que d'autres riverains ont subi des dommages analogues, un caractère anormal et spécial qui est, contrairement à ce qu'elle soutient, de nature à engager la responsabilité sans faute de Brest Métropole ;

Sur les préjudices :

8. Considérant que si Brest Métropole fait valoir que les sommes qu'elle a été condamnée à payer à la mutuelle d'assurance des pharmaciens, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de M. D...sont excessives, elle n'apporte à l'appui de ses affirmations aucun élément précis de nature à permettre à la cour d'apprécier le bien-fondé de sa critique ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Brest Métropole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à la mutuelle d'assurance des pharmaciens les sommes de 19 508,59 euros et de 744,90 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge Brest Métropole le versement à la mutuelle d'assurance des pharmaciens de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la mutuelle d'assurance des pharmaciens, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Brest Métropole demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Brest Métropole est rejetée.

Article 2 : Brest Métropole versera à la mutuelle d'assurance des pharmaciens la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Brest Métropole et à la mutuelle d'assurance des pharmaciens.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Gauthier, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique le 27 janvier 2017.

Le rapporteur,

E. GauthierLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01092
Date de la décision : 27/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric GAUTHIER
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET JEAN-PAUL MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-27;15nt01092 ?
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