Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Champagné a demandé au tribunal administratif de Nantes de mettre à la charge de l'Etat la somme de 77 443,22 euros en réparation du préjudice que lui ont causé les manifestations organisées entre les 7 et 12 juin 2009 devant les entrepôts Socomaine par des agriculteurs, ladite somme devant porter intérêts au taux légal à compter du 6 août 2009 et anatocisme.
Par un jugement n° 1310042 du 17 avril 2015, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à la commune de Champagné, d'une part, la somme de 77 443,22 euros, assortie des intérêts à compter du 6 août 2009, avec capitalisation à la date du 6 août 2010, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, d'autre part la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin la somme de 35 euros au titre des dépens.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2015, le préfet de la Sarthe demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 avril 2015 ;
Il soutient que :
- les dommages relèvent d'actions préméditées, ce qui exonère l'Etat de toute responsabilité au sens de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ;
- le tribunal a dénaturé les faits en retenant qu'en raison de leur caractère spontané et incontrôlé, les dégradations ne pouvaient être regardées comme résultant d'une action préméditée et organisée ; les dommages causés par les manifestants entre les 7 et 12 juin 2009 suite à l'appel de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles étaient prémédités et ne présentent pas le caractère d'un attroupement ou rassemblement qui aurait dégénéré ; il apparait évident que le but de ces actions était la création de dommages afin de protester " contre les marges trop élevées des distributeurs " ; les moyens matériels mobilisés et la durée de l'action démontrent également le caractère prémédité et organisé de la manifestation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2015, suivi de la production de pièces complémentaires le 11 mai 2016, la commune de Champagné, représentée par Me Villemont, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de rejeter la requête du préfet de la Sarthe et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'appel du préfet est irrecevable en raison, d'une part du défaut de production du jugement attaqué et, d'autre part, de l'incompétence du signataire du mémoire d'appel ;
- sur le fond, c'est à bon droit que le tribunal a retenu la responsabilité sans faute de l'Etat, au regard des pièces du dossier ; elle a été victime de dommages collatéraux qui entrent parfaitement dans le cadre du régime prévu par l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ;
- si par impossible le jugement entrepris venait à être réformé, elle entend voir confirmer l'illégalité de la décision préfectorale, la responsabilité de l'Etat se trouvant engagée, soit sans faute du fait des attroupements et rassemblements ou pour rupture d'égalité devant les charges publiques, soit pour faute en raison de l'inaction des forces de l'ordre présentes sur place entrainant une carence du service de maintien de l'ordre public.
Une ordonnance du 4 novembre 2016 a porté clôture de l'instruction au 25 novembre 2016 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;
- et les observations de Me Villemont, avocat de la commune de Champagné.
1. Considérant que, du 7 au 12 juin 2009, l'accès au dépôt de la société Socamaine situé sur le territoire de la commune de Champagné (Sarthe), où sont stockées des marchandises vendues par une enseigne d'hypermarchés, a fait l'objet d'une action de blocage de la part d'agriculteurs qui ont déversé des déchets de différentes natures et commis des dégradations sur le domaine public de la commune ; que, le 27 juin 2011, la commune de Champagné a sollicité du préfet de la Sarthe le remboursement des dommages arrêtés à un montant total de 77 443,22 euros ; qu'en l'absence de réponse de la part du préfet, la commune a sollicité du tribunal administratif de Nantes qu'il condamne l'Etat à lui verser cette somme ; que le préfet de la Sarthe relève appel du jugement du 17 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à la commune de Champagné, d'une part, la somme de 77 443,22 euros assortie des intérêts à compter du 6 août 2009, avec capitalisation à la date du 6 août 2010, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, d'autre part, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin la somme de 35 euros au titre des dépens ;
Sur la recevabilité de la requête :
2. Considérant que la requête du préfet est signé par M. A...B..., directeur des ressources humaines, de l'administration générale et de l'interministérialité de la préfecture de la Sarthe ; qu'alors que la compétence de ce fonctionnaire a été mise en cause par la commune défenderesse, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que celui-ci dispose d'une délégation pour signer, au nom du préfet, un recours juridictionnel devant la cour ; que le préfet de la Sarthe n'a produit aucun texte comportant une telle délégation de signature au profit du directeur des ressources humaines, de l'administration générale et de l'interministérialité ; que, dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Champagné doit être accueillie ; qu'ainsi, la requête du préfet de la Sarthe n'est pas recevable et doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
3. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la commune de Champagné d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Sarthe est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la commune de Champagné une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à la commune de Champagné.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2017.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 15NT01891