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06/01/2017 | FRANCE | N°15NT01393

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 janvier 2017, 15NT01393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D...et Mme A...C...épouse D...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Amboise-Château Renault à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis du fait de la prise en charge de M. D... dans cet établissement le 3 janvier 2011.

Par un jugement n° 1302683 du 12 mars 2015, le tribunal administratif d'Orléans a fait partiellement droit à leur demande et a condamné le CHI Amboise-Château Renault à verser la somme de 9 920 euros à

M.D..., la somme de 2 800 euros à MmeD..., ainsi que les sommes de 5 089 euros et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D...et Mme A...C...épouse D...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Amboise-Château Renault à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis du fait de la prise en charge de M. D... dans cet établissement le 3 janvier 2011.

Par un jugement n° 1302683 du 12 mars 2015, le tribunal administratif d'Orléans a fait partiellement droit à leur demande et a condamné le CHI Amboise-Château Renault à verser la somme de 9 920 euros à M.D..., la somme de 2 800 euros à MmeD..., ainsi que les sommes de 5 089 euros et 1 037 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher au titre respectivement des débours exposés et de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2015, M. G... D...et Mme A...C...épouseD..., représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 mars 2015 en tant qu'il a évalué la perte de chance de M. D...d'échapper au préjudice résultant de l'intervention pratiquée à 40% et de fixer ce pourcentage à 95% ;

2°) de condamner le CHI Amboise-Château Renault à verser à M. D...la somme de 81 700 euros et à Mme D...la somme de 14 250 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de leur réclamation préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement hospitalier le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il retient la responsabilité du centre hospitalier du fait de l'absence d'information de M. D...au sujet d'un risque relativement fréquent et aux conséquences graves ;

- le taux de perte de chance doit être fixé à 95% dès lors que, ainsi que cela ressort du rapport d'expertise, l'intervention chirurgicale ne s'imposait pas, notamment s'agissant d'un patient jeune, et n'était pas urgente ;

- M. D...n'étant âgé que de 37 ans à la date de consolidation, la valeur du point pour l'évaluation du déficit fonctionnel permanent, évalué à 10%, doit être fixée à 1 700 euros ;

- les souffrances qu'il a endurées, évaluées à 2/7, justifient le versement d'une somme de 4 000 euros ;

- le préjudice sexuel, constitué de la diminution du plaisir sexuel et d'une atteinte à sa virilité qui a rendu nécessaire un suivi psychologique, doit être évalué à 40 000 euros ;

- il subi également un préjudice spécifique d'infertilité compte tenu de son jeune âge, en dépit du fait qu'il est déjà père de quatre enfants, ce qui justifie le versement d'une somme de 25 000 euros ;

- Mme D...subit un préjudice par ricochet du fait de l'altération de l'état de son mari et de l'impossibilité d'avoir d'autres enfants avec lui, préjudice que doit être évalué à 15 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 11 septembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de réformer le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 mars 2015 en tant qu'il a évalué le taux de perte de chance de M. D...à 40%, de porter ce taux à 95% et, en conséquence, de condamner le CHI Amboise-Château Renault à lui verser la somme de 12 086,77 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2014, au titre des débours qu'elle a engagés pour la prise en charge de la complication survenue suite à l'intervention subie par M.D... ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 mars 2015 en tant qu'il a condamné le CHI Amboise-Château Renault à lui verser la somme de 5 089 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2014 ;

3°) en tout état de cause, de condamner cet établissement hospitalier à lui verser la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ainsi que les consorts D...l'exposent dans leur requête en appel, le taux de perte de chance doit être évalué à 95% ;

- elle justifie d'une créance, au titre des frais hospitaliers, médicaux et pharmaceutiques actuels et futurs se rapportant aux complications, d'un montant total de 12 722,92 euros ;

- elle peut prétendre à une indemnité de gestion de 1 037 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 19 décembre 2014.

Par des mémoires enregistrés les 14 septembre et 12 octobre 2015 le centre hospitalier intercommunal Amboise-Château Renault, représenté par MeH..., demande à la cour :

1°) de rejeter les conclusions présentées par les consorts D...et par la Cpam de Loir-et-Cher ;

2°) de réformer le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 mars 2015 en tant qu'il a évalué le préjudice total de M.D..., avant application du taux de perte de chance, à une somme supérieure à 13 000 euros, et en tant qu'il a accueilli la demande de réparation présentée par MmeD....

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif d'Orléans doit être confirmé en tant qu'il évalue le taux de perte de chance de M. D...à 40% ;

- l'incapacité permanente partielle n'est pas caractérisée, en dehors du préjudice sexuel ;

- la demande de Mme D...doit être rejetée dès lors que les séquelles que conserve son mari n'ont pas de retentissement sur son plaisir sexuel.

Les parties ont été informées par une lettre du 26 septembre 2016 que l'affaire était susceptible, à compter du 17 octobre 2016, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

La clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2016 par une ordonnance du même jour en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 19 décembre 2014 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L.376-1 et L.454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que M.D..., alors âgé de 36 ans, a été victime en mai 2010 de violentes douleurs abdominales qui ont conduit à diagnostiquer, après investigation, une diverticulose du colon sigmoïde ; que le docteur Dalmasso, chef du service de chirurgie générale et viscérale du centre hospitalier intercommunal (CHI) Amboise-Château Renault, lui a proposé en septembre 2010 de pratiquer une colectomie sigmoïdienne, intervention susceptible de faire disparaître définitivement les conséquences de cette pathologie ; qu'à la suite de l'opération chirurgicale, pratiquée le 3 janvier 2011, il est apparu que M. D...souffrait d'une éjaculation rétrograde ; que, suite à une requête en référé devant le tribunal administratif d'Orléans, un expert a été désigné, qui a déposé son rapport le 20 janvier 2013 ; que, par une lettre du 13 mai 2013, M. et Mme D...ont demandé au CHI Amboise-Château Renault de réparer les préjudices subis par eux du fait des conséquences de l'intervention, demande qui a été rejetée le 24 juillet 2013 ; que, par un jugement du 12 mars 2015, le tribunal administratif d'Orléans a fait partiellement droit aux conclusions indemnitaires qu'ils avaient présentées devant lui ainsi qu'à celles présentées par la caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) de Loir et Cher, en condamnant le centre hospitalier à leur verser les sommes respectives de 9 920 et 2 800 euros, et à la Cpam les sommes de 5 089 et 1 037 euros ; que M. et Mme D...et la Cpam de Loir et Cher demandent la réformation de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la totalité de leurs demandes ; que le CHI Amboise-Château Renault demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de ramener le montant de l'indemnité accordée à M. D...à la somme de 5 200 euros et de rejeter la demande présentée par MmeD... ;

Sur la responsabilité du CHI Amboise-Château Renault et la perte de chance :

2. Considérant qu'il est constant que le médecin qui a pratiqué l'intervention en litige n'avait pas connaissance du risque de survenance d'une éjaculation rétrograde lors d'une colectomie sigmoïdienne et n'en a, par suite, pas informé M.D..., alors qu'il ressort du rapport d'expertise que cette complication survient avec une fréquence de 2 à 4% et est suffisamment référencée dans la littérature spécialisée ; que ce manquement à l'obligation d'information du patient constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CHI Amboise-Château Renault dès lors que l'intervention ne présentait pas un caractère indispensable ; que la réalité de cette faute n'est pas contestée en appel par le CHI Amboise-Château Renault ;

3. Considérant qu'en ne permettant pas à M. D...de mesurer le risque particulier inhérent à l'intervention, le CHI Amboise-Château Renault l'a privé d'une chance d'y échapper ; que, cependant, il ressort du rapport d'expertise que, si elle n'était pas indispensable, l'indication opératoire était fortement recommandée en raison de la persistance des douleurs et de la probabilité de survenance d'une nouvelle crise compte tenu du jeune âge du patient, et que celui-ci avait été informé des risques de fistule anastomique et de colostomie liés à l'intervention et y avait consenti ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, c'est par une juste appréciation de la part de responsabilité du centre hospitalier du fait de ce manquement que le tribunal administratif a fixé à 40 % des dommages subis par M. D... la perte de chance pour lui d'échapper aux complications de l'opération qu'il a subie ;

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne M.D... :

4. Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation des souffrances endurées par M. D..., évaluées à 2 sur une échelle de 7, en fixant la somme due à ce titre à 720 euros compte tenu de l'ampleur de la perte de chance précédemment évaluée à 40% ;

5. Considérant que l'expert a fixé à 10% le déficit fonctionnel permanent de M. D...résultant de l'infertilité dont il est atteint à la suite de l'intervention, en tenant compte du fait qu'il était âgé de 37 ans et père de quatre enfants à la date de consolidation ; que c'est par une juste appréciation de ce poste de préjudice que les premiers juges lui ont alloué la somme de 5 200 euros compte tenu du taux de perte de chance retenu ; qu'il n'y a pas lieu d'indemniser en outre un préjudice d'infertilité qui ne se distingue pas du préjudice indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent ;

6. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que M. D...a pu reprendre une activité sexuelle comparable, par sa fréquence, à celle qu'il avait avant l'intervention, mais qu'il connaît une diminution du plaisir qu'il en retire ; que, dans ces conditions, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur d'appréciation en fixant la somme due au titre du préjudice sexuel qu'il subit à 4 000 euros compte tenu du taux de perte de chance retenu au point 4 ;

En ce qui concerne MmeD... :

7. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une inexacte appréciation du préjudice subi par Mme D...du fait de l'infertilité de son conjoint et des séquelles qu'il conserve à la suite de l'intervention en fixant à 2 800 euros la somme qui lui est due après application du taux de perte de chance de 40% ;

Sur les conclusions de la Cpam de Loir et Cher :

8. Considérant, d'une part, que la Cpam de Loir-et-Cher justifie avoir exposé la somme non contestée de 12 722,92 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques et des frais d'hospitalisation engagés pour M. D... entre le 3 janvier 2011 et le 31 octobre 2011 directement et exclusivement imputables aux complications résultant de l'intervention chirurgicale en litige ; que c'est par une juste appréciation que les premiers juges lui ont accordé le remboursement de la somme de 5 089 euros à ce titre compte tenu de la fraction de 40 % de perte de chance retenue ; que cette somme doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2014, date d'enregistrement du mémoire de cette caisse devant le tribunal administratif d'Orléans ;

9. Considérant, d'autre part, que la Cpam de Loir-et-Cher demande que l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale soit portée de 1 028 euros à 1 037 euros en application des dispositions de l'arrêté du 19 décembre 2014 ; que, cependant, les premiers juges lui ont déjà accordé une somme de 1 037 euros à ce titre ; que ces conclusions sont, par suite, dépourvues d'objet et ne peuvent qu'être rejetées ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux D...et la Cpam de Loir-et-Cher ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans n'a que partiellement fait droit à leurs demandes indemnitaires ; que les conclusions d'appel incident présentées par le CHI Amboise-Château Renault doivent également être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHI Amboise-Château Renault, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement aux époux D...et à la Cpam de Loir-et-Cher de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées en appel par la Cpam de Loir-et-Cher et par le CHI Amboise-Château Renault sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D..., à Mme A...C...épouseD..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir et Cher et au centre hospitalier intercommunal Amboise-Château Renault.

Délibéré après l'audience du 22 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Lemoine, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 janvier 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°15NT01393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01393
Date de la décision : 06/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP ARCOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-06;15nt01393 ?
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