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23/12/2016 | FRANCE | N°16NT00965

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 décembre 2016, 16NT00965


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl Amycel France a demandé au tribunal administratif d'Orléans de rétablir les résultats déficitaires des exercices clos de 1998 à 2001 et de la décharger des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008.

Par un jugement n°s 0803933, 0904291 du 29 novembre 2011, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 12NT00223 du 25 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a reje

té l'appel formé par la société Amycel France contre ce jugement.

Par une décision n°37237...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl Amycel France a demandé au tribunal administratif d'Orléans de rétablir les résultats déficitaires des exercices clos de 1998 à 2001 et de la décharger des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008.

Par un jugement n°s 0803933, 0904291 du 29 novembre 2011, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 12NT00223 du 25 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Amycel France contre ce jugement.

Par une décision n°372372 du 16 mars 2016, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 12NT00223 du 25 juillet 2013 de la cour administrative d'appel de Nantes et renvoyé l'affaire devant cette cour.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 janvier 2012, 8 octobre 2012, 7 mars 2013 et 7 juin 2013, la Sarl Amycel France, représentée par MeB..., a demandé à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0803933, 0904291 du 29 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant au rétablissement des résultats déficitaires des exercices clos en 1998, 1999, 2000 et 2001 ainsi qu'à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008 ;

2°) de prononcer les décharge et rétablissement demandés ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de répondre à un moyen et n'a pas répondu à l'ensemble des arguments invoqués ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que d'une part l'administration n'a pas fait état dans le rapport qu'elle a établi devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires des éléments chiffrés qu'elle a communiqués le 28 juin 2005 et que la commission a demandé à l'administration d'examiner et que d'autre part la notification de redressements comporte des contradictions en ce qui concerne le prix de revient réel du litre de mycelium produit au cours de l'exercice clos en 2001 ;

- c'est à tort que l'administration a considéré que les ventes de mycélium à ses sociétés soeurs à des prix moindres que ceux pratiqués pour les autres clients constituaient des transferts indirects de bénéfices ; ces avantages tarifaires sont, en effet, justifiés par la prise en charge par ces sociétés de frais de commercialisation, de livraison, de stockage et de publicité et par des contreparties délivrées par la société mère du groupe ;

- la méthode d'évaluation de ces transferts retenue par l'administration est erronée dès lors que le prix de revient réel du mycélium tel qu'il a été déterminé par le service est moindre ; il y a en effet lieu d'exclure les frais pris en charge par les sociétés soeurs ainsi qu'une partie des frais fixes ; une partie de ces frais doit être également déduite pour tenir compte de la situation de sous-activité dans laquelle l'entreprise se trouvait ;

- les autorités fiscales néerlandaises ont, dans le cadre d'un contrôle de la société Amycel BV, adopté une analyse contraire.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 août 2012, 21 février et 15 avril 2013 le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État a conclu au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la Sarl Amycel France n'est fondé.

Procédure devant la cour après cassation :

Par des mémoires enregistrés les 17 juin et 14 novembre 2016 le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour de rejeter la requête de la Sarl Amycel France en se référant à ses précédentes écritures.

Il fait valoir en outre que la Sarl Amycel France ne saurait justifier d'un prix de vente inférieur à son coût de production ; les frais fixes à retenir pour calculer le prix de revient ne permettent pas de justifier les prix des ventes réalisées à l'étranger ; les pièces produites par la Sarl Amycel France ne permettent pas d'établir la réalité des frais de transport ou de commercialisation.

Par des mémoires enregistrés les 30 juin, 10 et 23 novembre 2016, la Sarl Amycel France maintient ses conclusions d'appel par les mêmes moyens en ramenant à 3 000 euros la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient en outre que la méthode de comparaison des prix de l'administration fiscale ne tient compte ni des situations différentes de ses clients, ni de la concurrence sur les marchés étrangers, ni de la situation de sous-activité à certaines périodes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (Sarl) Amycel France, détenue à 99 % par la société Amycel Holding BV, domiciliée ...; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos au 30 septembre des années 1999, 2000, 2001 et 2002 ; qu'à l'issue de ce contrôle l'administration, après avoir constaté que la société avait vendu ses produits à deux sociétés soeurs, les sociétés Amycel BV et Amycel UK, à un prix minoré par rapport à ceux pratiqués vis-à-vis des clients extérieurs au groupe, a réintégré dans les résultats des exercices vérifiés ainsi que de l'exercice immédiatement antérieur clos le 30 septembre 1998 le montant des bénéfices qu'elle estimait avoir été indirectement transférés au profit des sociétés Amycel BV et Amycel UK ; que les redressements en base effectués en matière d'impôt sur les sociétés restant inférieurs aux déficits fiscaux déclarés par la société, aucune mise en recouvrement n'a été toutefois effectuée par l'administration au titre de la période vérifiée ; qu'en revanche ont été mises en recouvrement au titre des exercices clos en 2007 et 2008 des cotisations d'impôt sur les sociétés correspondant aux résultats positifs résultant, pour ces exercices, de la réduction des déficits antérieurement constatés ; que la société Amycel France a saisi le tribunal administratif d'Orléans qui, par un jugement du 29 novembre 2011, a rejeté ses demandes tendant, d'une part, au rétablissement des résultats déficitaires des exercices clos en 1998, 1999, 2000 et 2001 et, d'autre part, à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés assignées au titre des exercices clos en 2007 et en 2008 ; que, par un arrêt n° 12NT00223 du 25 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Amycel France contre ce jugement ; que, par une décision n°372372 du 16 mars 2016, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé à la cour administrative d'appel de Nantes l'affaire, qui porte désormais le n°16NT00965 ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. / (...) A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont inférieurs à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d'autres clients dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des clients dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart s'explique par la situation différente de ces clients, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties aux moins équivalentes ; qu'à défaut d'avoir procédé à de telles comparaisons, l'administration n'est, en revanche, pas fondée à invoquer la présomption de transferts de bénéfices mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en facturant des prestations à un prix insuffisant, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu ;

3. Considérant qu'à l'issue du contrôle effectué dans les conditions rappelées au point 1, l'administration a mis en évidence que la Sarl Amycel France avait vendu, au cours des années en litige, à ses sociétés soeurs, les sociétés Amycel BV (Pays-Bas) et Amycel UK (Royaume Uni), ses produits à des prix inférieurs à ceux facturés à ses autres clients dépourvus de lien de dépendance avec elle, et avec lesquels elle réalisait environ la moitié de son chiffre d'affaires ; qu'à cet égard, la notification de redressement datée du 24 mars 2004 constatait que, pour l'exercice clos en 1998, le prix moyen de vente interne au groupe s'établissait à 4,71 et 4,82 francs par litre de mycélium, tandis que le prix facturé aux clients français extérieurs au groupe s'établissait en moyenne à 5,28 par litre ; qu'en ce qui concerne l'exercice clos en 1999, le prix intra-groupe était de 4,67 et 4,99 francs par litre, tandis que la moyenne des prix hors groupe était de 5,71 pour les ventes réalisées auprès d'un distributeur belge indépendant et de 5,72 pour les clients français ; qu'au titre de l'exercice clos en 2000 le prix intra-groupe était de 4,70 francs par litre, le prix de vente auprès d'un distributeur belge indépendant était de 5,57, de 5,06 auprès d'agents commissionnés en Espagne et de 5,48 auprès des clients français ; qu'en ce qui concerne l'exercice clos en 2001, le prix intra-groupe était de 4,58 francs par litre, le prix de vente auprès d'un distributeur belge indépendant était de 5,48, de 4,68 auprès d'agents commissionnés en Espagne, et de 5,30 auprès des clients français ; qu'enfin, pour l'exercice clos en 2002, le prix intra-groupe était de 0,71 euros par litre, le prix de vente auprès d'un distributeur belge indépendant était de 0,85, de 0,71 auprès d'agents commissionnés en Espagne et de 0,82 auprès des clients français ; que ces écarts de prix ne sont, si ce n'est pour des variations mineures, pas contestés ;

4. Considérant cependant qu'il résulte également de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que, tant lors de la commercialisation de ses produits à ses clients français finaux extérieurs au groupe que lors de la vente à des intermédiaires tels qu'un distributeur belge indépendant et des agents commissionnés espagnols et italiens, la Sarl Amycel France assumait la totalité des frais de transport, de stockage et de commercialisation du mycélium ; qu'en revanche, ces mêmes frais étaient pris en charge par les sociétés soeurs néerlandaise et britannique lors des transactions effectuées avec elles ; qu'ainsi, les termes de comparaison utilisés par l'administration fiscale, qui se rapportaient à des clients de la société Amycel bénéficiant d'un régime de facturation différent et se trouvant, par voie de conséquence, dans des situations différentes, n'étaient pas pertinents pour établir la présomption de distribution dont l'administration fiscale entendait se prévaloir sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus de l'article 57 du code général des impôts ;

5. Considérant, par ailleurs, que la circonstance que le prix moyen de vente intra-groupe a pu être, au cours des exercices en litige, inférieur au coût de revient calculé a posteriori par l'administration fiscale n'est pas de nature à démontrer l'existence d'un prix de vente inférieur à la valeur vénale réelle des produits concernés dès lors, notamment, que les prix de marché auxquels le mycélium est vendu varient selon les pays et les négociations commerciales entre sociétés ; qu'à cet égard, l'administration fiscale reconnaît elle-même que des taux de marge très différents peuvent être pratiqués en fonction de la stratégie commerciale de la société et de sa position vis-à-vis du marché national en cause ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale ne peut davantage être regardée comme démontrant que les prix inférieurs pratiqués par la société requérante à l'égard de ses sociétés soeurs étaient de nature à révéler l'existence d'un transfert indirect de bénéfices au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Sarl Amycel France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; qu'en conséquence, elle est fondée à obtenir, d'une part, le maintien du montant des déficits fiscaux qu'elle a déclarés au titre des exercices compris entre le 1er octobre 1999 et le 30 septembre 2001 et, d'autre part, la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercice clos les 30 septembre 2007 et 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à la société Amycel France d'une somme de 2 000 euros en remboursement des frais que celle-ci a exposés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 0803933, 0904291 du tribunal administratif d'Orléans du 29 novembre 2011 est annulé.

Article 2 : Les déficits constatés pour la Sarl Amycel France au titre des exercices clos en 1998, 1999, 2000 et 2001 sont respectivement majorés de 151 193,75 euros, 198 861,36 euros, 60 909,33 euros et 100 479,30 euros.

Article 3 : Il est accordé à la Sarl Amycel France la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008 pour la part formant surtaxe à raison des rétablissements de déficits prononcés à l'article 2.

Article 4 : L'État versera à la Sarl Amycel France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Amycel France et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Gauthier, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 décembre 2016.

Le rapporteur,

F. Lemoine

Le président,

I. Perrot

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16NT00965


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