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21/12/2016 | FRANCE | N°14NT03090

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 décembre 2016, 14NT03090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo Fougères a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la région Bretagne à lui verser la somme de 1 443 150 euros, assortie des intérêts à compter du 1er janvier 2010 et de leur capitalisation, au titre des avances remboursables, consenties par elle et arrêtées au 31 décembre 2006, destinées à contribuer au financement des déficits d'exploitation de l'aéroport de Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo.

Par un jugement n° 1104

165 du 26 septembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a :

- condamné la ré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo Fougères a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la région Bretagne à lui verser la somme de 1 443 150 euros, assortie des intérêts à compter du 1er janvier 2010 et de leur capitalisation, au titre des avances remboursables, consenties par elle et arrêtées au 31 décembre 2006, destinées à contribuer au financement des déficits d'exploitation de l'aéroport de Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo.

Par un jugement n° 1104165 du 26 septembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a :

- condamné la région Bretagne à payer à la chambre de commerce de d'industrie territoriale de Saint-Malo Fougères la somme de 1 443 150 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2011 et de leur capitalisation au 15 juillet 2012 et à chaque échéance annuelle ultérieure (article 1er), ainsi que les dépens de 35 euros (article 2)

- condamné l'Etat à garantir la région Bretagne des condamnations prononcées à son encontre par les articles 1er et 2, à l'exception des intérêts mentionnés à l'article 1er, qui restent à la charge de la région Bretagne (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2014, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'industrie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2014 ;

2°) de rejeter l'appel en garantie formé à son encontre par la région Bretagne.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car le dispositif le condamne à verser 1 443 150 euros à la région Bretagne alors que les motifs limitaient sa garantie à 1 321 256,46 euros ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'annexe X de la convention de transfert Etat-Région du 28 février 2007 avait un caractère contractuel ;

- certaines des avances consenties par l'organisme consulaire ont contribué à financer des investissements et non à combler les déficits d'exploitation de l'aéroport, de sorte que la totalité de la somme de 1 321 256,46 euros ne pouvait pas être mise à sa charge.

Par deux mémoires, enregistrés le 27 mars 2015 et le 24 juin 2016, la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo Fougères conclut au rejet de la requête et demande que soient mis à la charge de la partie perdante les dépens ainsi que la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de l'Etat ne concerne que l'article 3 du jugement relatif aux relations entre l'Etat et la région Bretagne ;

- la région n'a pas relevé appel du jugement ;

- à titre principal, la région Bretagne ne conteste pas sa dette de 1 433 150 euros, elle n'en conteste le montant qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la garantie de l'Etat ne serait pas confirmée ;

- la condamnation de la région Bretagne à lui payer une somme de 1 433 150 euros ne pourra qu'être confirmée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2015, la région Bretagne conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête de l'Etat, et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2014 en ce qu'il a limité le quantum de la garantie de l'Etat à la somme de 1 321 256,46 euros et à la condamnation de l'Etat à le garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, ou subsidiairement à le garantir à hauteur de 1 443 150 euros ; elle demande également que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, à l'annulation du jugement du 26 septembre 2014 en tant qu'il l'a condamnée à verser la somme de 1 443 150 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, à la chambre de commerce et d'industrie territoriale Saint-Malo Fougères, au rejet de la demande présentée par celle-ci devant le tribunal administratif de Rennes et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo Fougères au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à la lecture du jugement, il est aisé de comprendre qu'il a cantonné la garantie de l'Etat à la somme de 1 321 256,46 euros ; une requête en rectification d'erreur matérielle aurait suffit à résorber la difficulté ;

- la méthode de calcul présentée dans l'annexe X de la convention de transfert n'a aucune valeur contractuelle ;

- il résulte de la dernière phrase de l'article 4 de la convention de transfert conclue le 28 février 2007 que l'Etat s'est engagé à garantir la région Bretagne des conséquences des recours liés aux avances apportées par la CCIT de Saint-Malo Fougères avant le 1er mars 2007 ;

- subsidiairement, il ressort clairement du tableau dénommé " calcul de la garantie de l'Etat " figurant au budget exécuté de l'exercice clos le 31 décembre 2006 que le montant cumulé des avances financières consenties par l'organisme consulaire à l'aéroport en vue de combler les déficits d'exploitation et qui a été implicitement approuvé par l'Etat s'établit à la somme de 1 443 150 euros ;

- si l'appel de l'Etat était satisfait, cela porterait atteinte à sa situation, de sorte qu'elle serait recevable à former un appel provoqué ;

- la région Bretagne et la CCIT Saint-Malo Fougères ont explicitement et contractuellement prévu que la première n'assumerait pas le remboursement des avances objet de la demande de première instance de la seconde ;

- la condamnation de la région Bretagne devra être cantonnée au remboursement des seules avances dont l'affectation à un déficit d'exploitation est établie.

Par ordonnance du 5 juillet 2016, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, en particulier son article 28 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo Fougères et celles de Me D...B...pour la région Bretagne.

.

1. Considérant que la chambre de commerce et d'industrie territoriale (CCIT) de Saint-Malo Fougères, venant aux droits de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo, a été titulaire d'une concession pour l'exploitation de l'aérodrome de Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo accordée par l'Etat le 29 décembre 1969 pour une durée de quarante ans ; que le 1er mars 2007, l'Etat a transféré, en application de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la propriété de cet aérodrome à la région Bretagne ; que la concession a pris fin le 28 février 2010 ; que le 27 octobre 2010, la région Bretagne et la CCIT de Saint-Malo Fougères ont signé une convention de clôture de la concession ; que si cette convention prévoyait le remboursement par la région des avances consenties sur ses ressources propres par la CCIT de Saint-Malo Fougères depuis le 1er janvier 2007, un litige est né quant au remboursement de ces avances pour la période antérieure courant jusqu'au 31 décembre 2006 ; que par un jugement du 26 septembre 2014, le tribunal administratif de Rennes, d'une part, a condamné la région Bretagne à verser à la CCIT de Saint-Malo Fougères la somme de 1 443 150 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2011 et de leur capitalisation au 15 juillet 2012 puis à chaque échéance annuelle ultérieure, et d'autre part, a condamné l'Etat à garantir la région Bretagne de cette condamnation au principal, les intérêts restant à la charge de la région Bretagne ; que l'Etat relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à garantir la région Bretagne de la somme de 1 443 150 euros ; que par la voie de l'appel incident, la région Bretagne demande que la garantie de l'Etat couvre toutes les condamnations prononcées contre elle par le jugement du 26 septembre 2014 et, subsidiairement, par la voie de l'appel provoqué, demande l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser la somme susmentionnée à la CCIT de Saint-Malo Fougères ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'après avoir affirmé dans le point 16 du jugement attaqué que la région n'était fondée à demander la garantie de l'Etat qu'à concurrence de la somme de 1 321 256,46 euros, le tribunal administratif de Rennes a, dans le dispositif, condamné l'Etat à garantir la région Bretagne de la condamnation prononcée à son encontre au principal, soit de la somme de 1 443 150 euros ; qu'ainsi, ce jugement comporte une contrariété entre ses motifs et son dispositif ; que l'Etat est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'article 3 du jugement qui le condamne à garantir la région Bretagne ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la région Bretagne devant le tribunal administratif de Rennes tendant à se voir garantir par l'Etat à hauteur du montant des condamnations prononcées contre elle au profit de la CCIT de Saint-Malo Fougères ;

Sur les demandes de la région Bretagne :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 4-2 de la convention de transfert conclue entre l'Etat et la région le 28 février 2007 : " Pour ce qui concerne l'engagement financier lié aux avances défini à l'article 48-2 du cahier des charges de la concession d'outillage public de l'aérodrome de Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo accordée le 29 décembre 1969, l'Etat prend en charge la garantie au titre des avances financières versées au 31 décembre 2006 ayant contribué au financement des déficits d'exploitation. La méthodologie de calcul appliquée par l'Etat pour la prise en charge de sa garantie est présentée pour information en annexe X de la présente convention. Le versement correspondant se fera au profit de la région à l'échéance de la concession. Les recours liés aux avances apportées par le concessionnaire avant la date du transfert resteront intégralement à la charge de l'Etat tant pour le suivi que pour leurs conséquences." ; qu'aux termes de l'article 31 de cette même convention : " Les pièces contractuelles sont constituées de la présente convention, de ses annexes et des protocoles techniques mentionnées à l'article 1er. " ;

5. Considérant, d'une part, que si l'article 31 de la convention de transfert conclue le 28 février 2007 stipule que les annexes constituent des pièces contractuelles, l'annexe X à laquelle il est fait référence à l'article 4-2 est explicitement présentée comme un document d'information ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que l'application de la méthode de calcul présentée dans cette annexe X n'est pas compatible avec les stipulations précitées de l'article 4-2, qui prévoient la garantie de l'Etat pour toutes les avances financières, versées au 31 décembre 2006, ayant contribué au financement des déficits d'exploitation ; que par suite, la méthodologie de calcul dont l'Etat demande l'application, décrite dans cette annexe X, ne peut être regardée comme ayant un caractère contractuel ;

6. Considérant, d'autre part, que si l'Etat soutient que les avances ayant contribué à financer des dépenses d'investissements devraient être exclus de sa garantie, il résulte de l'annexe V au contrat de concession que les investissements réalisés devaient être financés par emprunt, de sorte que les avances consenties par la CCIT sur ses fonds propres ne pouvaient en principe couvrir que des déficits d'exploitation ; que par suite, l'Etat n'établit pas que des avances auraient été faites pour financer des investissements et devraient ainsi être exclues de la garantie prévue par les stipulations précitées de l'article 4.2 ;

7. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que le montant, au 31 décembre 2006, des avances consenties par la CCIT pour financer les déficits d'exploitation de l'aérodrome s'élève, tant dans le document intitulé " garantie de l'Etat " joint au budget exécuté 2006 de l'aérodrome, qui a nécessairement été transmis à l'Etat, autorité concédante, que dans les comptes de clôture de la concession, établis en 2010, qui ont reçus l'agrément du préfet d'Ille et Vilaine, à la somme de 1 443 150 euros ; que, par suite, il y a lieu de condamner l'Etat à garantir la région Bretagne à concurrence de cette somme de 1 443 150 euros ;

8. Considérant que dés lors que l'Etat est condamné à garantir la région Bretagne de la somme mise à charge au principal, cette garantie doit s'étendre aux intérêts liés au paiement de cette somme ; que par suite, l'Etat doit être condamné à garantir la région des intérêts qu'elle a été condamnée à verser à la CCIT de Saint-Malo Fougères, à compter du 15 juillet 2011, sur la somme de 1 443 150 euros, ainsi que les capitalisations de ces intérêts au 15 juillet 2012 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les dépens :

9. Considérant que la présente instance ne comporte aucun dépens ; que, par suite, les conclusions de la CCIT de Fougères Saint Malo tendant à la condamnation de la partie perdante aux dépens ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la région Bretagne et par la CCIT de Saint-Malo Fougères sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2014 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à garantir la région Bretagne de la somme de 1 443 150 euros, assortie des intérêts à compter du 15 juillet 2011 et de leur capitalisation au 15 juillet 2012 et à chaque échéance annuelle ultérieure, que la région Bretagne a été condamnée à payer à la CCIT de Saint-Malo Fougères par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2014.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions présentées par la région Bretagne et par la CCIT de Saint-Malo Fougères sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à la région Bretagne et à la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo Fougères.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2016.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

14N03090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT03090
Date de la décision : 21/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET JEAN-PAUL MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-21;14nt03090 ?
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