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21/12/2016 | FRANCE | N°14NT02409

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 décembre 2016, 14NT02409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Mayenne a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier de Laval à lui verser, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 462 882,60 euros, en remboursement des débours qu'elle a exposés en faveur de MmeC..., son assurée.

Par un jugement n° 1000235 du 23 juillet 2014, le tribunal administratif de Nantes a jugé que les droits de la CPAM de la Mayenne à l'égard du centre hospitalier de Laval s'élevaient à

la somme de 66 979 euros et a condamné l'établissement, compte-tenu du montant de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Mayenne a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier de Laval à lui verser, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 462 882,60 euros, en remboursement des débours qu'elle a exposés en faveur de MmeC..., son assurée.

Par un jugement n° 1000235 du 23 juillet 2014, le tribunal administratif de Nantes a jugé que les droits de la CPAM de la Mayenne à l'égard du centre hospitalier de Laval s'élevaient à la somme de 66 979 euros et a condamné l'établissement, compte-tenu du montant de la provision de 100 000 euros accordée par le juge des référés dans son ordonnance n° 0805015 du 7 octobre 2009, à rembourser à la caisse, dès lors que ce montant aura été atteint, les dépenses futures de santé en lien avec le syndrome de la queue de cheval de MmeC..., sur présentation de justificatifs et dans la limite du pourcentage de perte de chance de 60 %.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, représentée par la SCP d'avocats Barbary Morice L'Helias, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 juillet 2014 du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il a rejeté sa demande au titre des dépenses de santé actuelles liées aux conséquences de la faute commise par le centre hospitalier de Laval à l'égard de MmeC..., s'élevant à 46 336,42 euros, soit après application du pourcentage de perte de chance de 60 % retenu par le tribunal, à hauteur de 27 801,85 euros ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Laval à lui rembourser les dépenses de santé futures en lien avec le syndrome de la queue de cheval de MmeC..., dès que, compte tenu d'une créance totale de 94 780,85 euros, le montant de la provision de 100 000 euros accordée par le juge des référés aura été atteint ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Laval la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner le centre hospitalier de Laval aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- les dépenses de santé actuelles liées aux conséquences de la faute commise par le centre hospitalier de Laval dans la prise en charge du syndrome de la queue de cheval de Mme C...s'élèvent à la somme de 46 336,42 euros, ce qui, compte-tenu du pourcentage de perte de chance de 60 % tel que retenu par le tribunal et qu'elle ne conteste pas, établit le montant de son droit à remboursement à la somme de 27 801,85 euros ; il y aura lieu de tenir compte de cette créance supplémentaire, qui porte l'ensemble de ses droits à remboursement de ses débours à 94 780,85 euros, pour apprécier quand le montant de la provision de 100 000 euros accordée par le juge des référés sera atteint ;

- elle justifie, par l'attestation établie par son médecin conseil le 16 juin 2008, de l'imputabilité à l'acte médical du 13 juin 2005 des diverses hospitalisations de MmeC..., du 13 juin au 20 décembre 2005, ainsi que des frais médicaux, pharmaceutiques et de transport qu'elle a engagés au profit de son assurée sociale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2015, le centre hospitalier de Laval, et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), son assureur, représentés par MeD..., concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense et des pièces nouvelles, enregistrés les 22 et 24 juin 2016, Mme A...C..., représentée par la SCP d'avocats Chevalier Merly et associés, demande à la cour :

- de confirmer les dispositions du jugement du 23 juillet 2014 du tribunal administratif de Nantes en ce qui la concerne ;

- de mettre à la charge du centre hospitalier de Laval et de son assureur, la SHAM, et subsidiairement la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requête a été communiquée à la mutuelle des professions de l'automobile, laquelle n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 9 septembre 2016, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouchardon ;

- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que Mme C...a été hospitalisée le 7 juin 2005 dans le service de rhumatologie du centre hospitalier de Laval après avoir ressenti un soudain engourdissement au niveau de la fesse gauche ; qu'au cours de cette hospitalisation, elle a présenté, le 13 juin, des troubles sensitifs et sphinctériens évoquant un syndrome de la queue de cheval ; qu'après la réalisation d'un scanner et d'une IRM le 15 juin suivant, elle a été transférée dans la soirée au centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers où elle fut opérée le lendemain ; qu'elle est demeurée atteinte de troubles neurologiques et sphinctériens ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, auprès de laquelle Mme C...est affiliée, a demandé le remboursement des débours exposés en faveur de celle-ci à raison du syndrome de la queue de cheval dont elle estime qu'il a été mal pris en charge par le centre hospitalier de Laval ; que, par le jugement du 23 juillet 2014, le tribunal administratif de Nantes, en premier lieu, a reconnu la faute du centre hospitalier de Laval en raison du retard dans la prise en charge chirurgicale du syndrome de la queue de cheval de MmeC..., a évalué à 60% la perte de chance de la victime d'éviter les complications résultant du syndrome dont elle a souffert, a évalué au montant total de 334 618,40 euros l'ensemble des préjudices de Mme C...en rapport avec la faute et, compte tenu du taux de perte de chance et de la provision de 30 000 euros déjà perçue par l'intéressée, a condamné le centre hospitalier de Laval à lui verser la somme de 170 771 euros assortie des intérêts ; que le tribunal a, en second lieu, jugé que les droits de la CPAM de la Mayenne à l'égard du centre hospitalier s'élevaient à la somme de 66 979 euros et condamné l'établissement, compte-tenu du montant de la provision de 100 000 euros précédemment accordée par le juge des référés dans son ordonnance du 7 octobre 2009, à rembourser à la caisse, dès lors que ce montant aura été atteint, les dépenses futures de santé en lien avec le syndrome de la queue de cheval de Mme C...; que la CPAM relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juillet 2014, en tant qu'il a rejeté sa demande au titre des dépenses de santé actuelles liées aux conséquences de la faute commise par le centre hospitalier de Laval sur la personne de MmeC..., qu'elle évalue à 46 336,42 euros avant application du taux de perte de chance ;

Sur la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne :

2. Considérant qu'il n'est pas contesté que la faute commise par le centre hospitalier de Laval, consistant à attendre plus de quarante-huit heures avant de décider de transférer Mme C...en milieu chirurgical spécialisé, alors que le syndrome de la queue de cheval pouvait être diagnostiqué dès les symptômes apparus le 13 juin 2005 et aurait dû faire l'objet d'un traitement immédiat, a entraîné pour elle une perte de chance d'éviter les séquelles dont elle souffre, qui doit être évaluée à 60 % ;

En ce qui concerne les frais d'hospitalisation :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise et de l'attestation d'imputabilité du médecin-conseil en date du 16 juin 2008 produite en appel, que Mme C...a été hospitalisée, en lien avec la faute commise telle qu'énoncée ci-dessus, du 13 au 15 juin 2005 au centre hospitalier de Laval, du 15 juin au 3 juillet 2005 au CHU d'Angers, et du 4 juillet au 13 août 2005 puis du 12 au 20 décembre 2005 au centre de médecine physique et de réadaptation Notre-Dame-de-Lourdes à Rennes ; que dans la mesure où elle justifie de ces différentes périodes d'hospitalisation, en lien avec la faute de l'établissement hospitalier, la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne a effectivement droit au remboursement d'une somme supplémentaire de 27 549,95 euros au titre de ces frais ; qu'il suit de là que le centre hospitalier de Laval doit être condamné à verser à la caisse, compte tenu du pourcentage de perte de chance rappelé au point 2, la somme de 16 529,97 euros ;

En ce qui concerne les frais médicaux et pharmaceutiques :

4. Considérant que la CPAM de la Mayenne sollicite l'indemnisation intégrale des frais médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage qu'elle a exposés du 7 juin 2005 au 19 février 2007 pour le compte de Mme C...et produit sur ce point un décompte précis faisant apparaître un montant total de 10 379,14 euros ; que s'il ressort de l'attestation du médecin conseil que ces frais sont imputables au " seul acte médical du 13 juin 2005 " au centre hospitalier de Laval, il convient toutefois de déduire, s'agissant des frais médicaux, ceux des débours engagés entre le 7 et le 13 juin 2005, soit la somme de 48,27 euros ; qu'il suit de là que le centre hospitalier de Laval doit être condamné à verser à la CPAM de la Mayenne, compte tenu du pourcentage de perte de chance, la somme de 6 198,52 euros ;

En ce qui concerne les frais de transport :

5. Considérant que la CPAM de la Mayenne sollicite l'indemnisation intégrale des frais de transport de Mme C...qu'elle a exposés entre le 7 juin 2005 et le 14 février 2007, pour un montant de 8 407,33 euros ; qu'elle produit l'attestation d'imputabilité du médecin-conseil du 16 juin 2008 qui fait état de ces frais, en lien avec la faute de l'établissement hospitalier ; qu'il convient toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, de déduire les frais engagés entre le 7 et le 13 juin 2005, soit la somme de 83,10 euros ; qu'il suit de là que le centre hospitalier de Laval doit être condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, compte tenu du pourcentage de perte de chance, la somme de 4 994,53 euros ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CPAM de la Mayenne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a refusé de condamner le centre hospitalier de Laval à lui verser la somme de 27 723,02 euros au titre du remboursement des débours exposés par la caisse au bénéfice de son assurée en lien avec la faute de l'établissement tenant au retard dans la prise en charge du syndrome de la queue de cheval de Mme C...; que l'article 2 dudit jugement du 23 juillet 2014 sera réformé dans cette mesure ;

Sur l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : "Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat (...) " ; que la présente instance d'appel n'ayant pas donné lieu à dépens au sens de l'article susvisé, les conclusions de la CPAM de la Mayenne, tendant à ce que le centre hospitalier de Laval soit condamné à lui verser les dépens ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, par application de ces dispositions, de mettre à la charge du centre hospitaliser de Laval une somme de 1 500 euros à verser à la CPAM de la Mayenne ; qu'en revanche, dans la mesure où l'appel de la CPAM de la Mayenne ne tend pas à la réformation du jugement en ce qui concerne la créance de MmeC..., il n'y a pas lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Laval, ni en tout état de cause de son assureur, la somme demandée par cette dernière au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 66 979 euros que le centre hospitalier de Laval a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne par l'article 2 du jugement du 23 juillet 2014 est portée à 94 702,02 euros.

Article 2 : Le centre hospitalier de Laval remboursera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, dès que, compte tenu de la créance de 94 702,02 euros, le montant de la provision de 100 000 euros accordée par le juge des référés aura été atteint, les dépenses futures de santé en lien avec le syndrome de la queue de cheval de MmeC..., sur présentation de justificatifs par la caisse et dans la limite du pourcentage de perte de chance de 60%. Les intérêts au taux légal afférents à ces sommes seront dus entre la date à laquelle la caisse aura saisi depuis deux mois le centre hospitalier d'une demande de remboursement et la date à laquelle ce dernier procédera au paiement des sommes concernées.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juillet 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier de Laval versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de Mme C...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, au centre hospitalier de Laval, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à Mme A...C...et à la mutuelle des professions de l'automobile.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président assesseur,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2016.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDONLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 14NT02409


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02409
Date de la décision : 21/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SCP BARBARY MORICE L'HELIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-21;14nt02409 ?
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