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08/12/2016 | FRANCE | N°16NT03099

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 08 décembre 2016, 16NT03099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'entreprise de la société par action simplifiée (SAS) AEG Power Solutions et l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre-Val de Loire d'homologation du document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la SAS AEG Power Solutions.

Par un jugement n° 1601

376 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'entreprise de la société par action simplifiée (SAS) AEG Power Solutions et l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre-Val de Loire d'homologation du document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la SAS AEG Power Solutions.

Par un jugement n° 1601376 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre et 17 novembre 2016, le comité d'entreprise de la SAS AEG Power Solutions et l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire, représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 juillet 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre-Val de Loire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est entachée d'illégalité dès lors que les catégories professionnelles impactées ont été définies de manière trop restrictive par la société afin de pouvoir cibler les salariés concernés par les licenciements ; l'employeur n'établit pas que le passage d'une catégorie à une autre nécessiterait une formation de base spécifique ou une formation complémentaire excédant l'obligation d'adaptation ; même pour les catégories comprenant plusieurs salariés la société a intégré un critère d'ordre professionnel en fonction des seules augmentations individuelles qu'elle a unilatéralement consenties en juin 2015 à certains salariés ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'insuffisance du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des mesures d'accompagnement, de formation et d'adaptation consenties par la société ; il n'est pas établi que la société aurait respecté les dispositions conventionnelles de l'article 28 de l'accord de branche nationale du 12 juin 1987 en saisissant les commissions régionale et territoriale pour l'emploi de la métallurgie et en leur communiquant les informations utiles sur le projet de restructurations ; aucune garantie n'est apportée par l'employeur pour assurer que tous les postes disponibles au sein du groupe seront identifiés et proposés aux salariés visés par la mesure de licenciement ; la société ne fait que reprendre les dispositions légales s'imposant à elle en matière de reclassement externe sans consentir d'efforts particuliers en faveur des salariés susceptibles d'en bénéficier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le comité d'entreprise de la SAS AEG Power Solutions et l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 4 et 23 novembre 2016, la SAS AEG Power Solutions, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le comité d'entreprise de la SAS AEG Power Solutions et l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

- et les observations de MeC..., représentant le comité d'entreprise de la SAS AEG Power Solutions et l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire, de MeD..., représentant la SAS AEG Power Solutions, et de M.B..., de la direction région régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre-Val de Loire, représentant le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

1. Considérant que le groupe AEG Power Solutions, auquel appartient la société du même nom, a engagé au cours du mois d'août 2015 un plan de restructuration mondial impliquant notamment la suppression de plus d'une centaine d'emplois ; que les 16, 17 et 19 novembre 2015, la société AEG Power Solutions, qui est située à Chambray-lès-Tours et qui est spécialisée dans la conception, le développement et la commercialisation de convertisseurs d'énergie et de produits connexes, a elle-même initié une réorganisation en présentant aux membres du comité d'entreprise un projet induisant la modification de 14 contrats de travail, la suppression de 31 postes pour motif économique et la création de 4 postes ; que les négociations avec le représentant du syndicat CGT désigné par l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire ayant échoué, la société a fixé unilatéralement les mesures sociales d'accompagnement du projet de réduction de ses effectifs ; que le 29 janvier 2016, la société AEG Power Solutions a adressé aux services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Centre-Val de Loire une demande d'homologation du document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi qu'elle a établi ; que le comité d'entreprise de la SAS AEG Power Solutions et l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire relèvent appel du jugement du 12 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite d'homologation de ce document résultant du silence gardé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre-Val de Loire ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements (...) " ; que selon l'article L. 1233-24-2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, cet accord collectif fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi " peut également porter sur : (...) / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées (...) " ; que l'article L. 1233-24-4 dispose que : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur " ; qu'enfin l'article L. 1233-57-3 prévoit qu'en l'absence d'accord collectif : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, (...), le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe tout ou partie des éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail, en raison, soit de l'absence d'accord collectif de travail portant sur le plan de sauvegarde de l'emploi, soit de l'absence, dans cet accord collectif, de tout ou partie des éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ces éléments aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables ; qu'en particulier, s'agissant des catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement, mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2, il appartient à l'administration de vérifier qu'elles regroupent, chacune, l'ensemble des salariés qui exercent au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ;

4. Considérant que la société AEG Power Solutions, qui employait 145 salariés à la date à laquelle le plan de sauvegarde de l'emploi a été arrêté, a défini 62 catégories professionnelles, 25 d'entre elles étant concernées par ce plan et les licenciements envisagés alors qu'en 2011, 31 catégories professionnelles étaient affectées par des licenciements ; que parmi les 25 catégories professionnelles ainsi définies, 18 ne comprenaient qu'un seul salarié ; que le comité d'entreprise de la SAS AEG Power Solutions et l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire soulignent notamment que les 14 postes du service recherche et développement dit " RetD " et " RetD support ", étaient répartis en 14 catégories professionnelles alors qu'en 2011 les 19 techniciens supérieurs et ingénieurs de ce service étaient répartis en 5 catégories ; que toutefois s'ils soutiennent que les postes de " technicien RetD informatique industrielle ", de " technicien RetD Bases composants électronique/qualification " et de " technicien développement électronique de puissance " comportent des similarités, il ressort des pièces du dossier que deux de ces postes ont finalement été exclus du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il n'est pas établi que les autres catégories du service RetD auraient été déterminées de façon trop restrictive de façon à " cibler " les licenciements ; que par ailleurs, les salariés affectés au service bureau d'études appliquées BEA ont été répartis en deux catégories, les techniciens " BEA Eplan " et les techniciens " BEA Solidedge " ; que la société, interrogée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi sur l'existence de ces deux catégories, a indiqué que cette distinction se justifiait par l'utilisation de logiciels différents : le logiciel Eplan et son complément Propanel pour la production de plans 3 D électriques et mécaniques et le logiciel Solidedge pour les plans mécaniques, qu'en outre, les formations de base requises de ces salariés étaient différentes et qu'enfin, leurs fonctions n'étaient pas de même nature ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des attestations produites par les requérants, que les salariés du service BEA ont été amenés au cours de leur carrière à exercer à la fois des tâches mécaniques et des tâches électriques et que leur affectation soit au " BEA Eplan " soit au " BEA Solidedge " ne correspond pas systématiquement à leurs diplômes et formations initiales ; qu'en outre, après restructuration des services, le nouveau service RetD doit comprendre un " technicien BEA Eplan/Solidedge/Sap ", poste au demeurant susceptible d'être occupé par au moins deux salariés issus pour l'un du " BEA Eplan " et pour l'autre du " BEA Solidedge " ; qu'enfin, si la société AEG Power Solutions soutient que certains salariés ne pourraient réaliser dans leur intégralité les tâches relevant du service " BEA " dans lequel ils ne sont pas affectés actuellement, il n'est pas établi qu'ils seraient dans l'impossibilité d'accomplir ces tâches après avoir suivi une formation complémentaire n'excédant pas l'obligation d'adaptation qui incombe à tout employeur ; que dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que pour les postes du service BEA les catégories professionnelles ont été définies de manière trop restrictive et que la décision contestée est, pour ce motif, entachée d'illégalité ; que cette illégalité entraîne l'annulation, dans sa totalité, de la décision implicite du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre-Val de Loire d'homologation du document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la SAS AEG Power Solution ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le comité d'entreprise de la SAS AEG Power Solutions et l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement au comité d'entreprise de la SAS AEG Power Solutions et à l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire de la somme de 1 500 euros chacun qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1601376 du tribunal administratif d'Orléans du 12 juillet 2016 ainsi que la décision implicite du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre-Val de Loire d'homologation du document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la SAS AEG Power Solutions sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros chacun au comité d'entreprise de la SAS AEG Power Solutions et à l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au comité d'entreprise de la SAS AEG Power Solutions, à l'Union départementale des syndicats confédérés CGT d'Indre-et-Loire, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société AEG Power Solutions.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT03099


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03099
Date de la décision : 08/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Conclusions.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : SELARL 2BMP

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-08;16nt03099 ?
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