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07/12/2016 | FRANCE | N°16NT00501

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 décembre 2016, 16NT00501


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 8 janvier 2016 ordonnant sa remise aux autorités polonaises, et d'autre part, l'arrêté du même jour ordonnant son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours et lui faisant obligation de se présenter tous les jours à 16 heures au commissariat d'Angers sauf les samedis, dimanches et jours fériés et d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loir

e de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1600216 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 8 janvier 2016 ordonnant sa remise aux autorités polonaises, et d'autre part, l'arrêté du même jour ordonnant son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours et lui faisant obligation de se présenter tous les jours à 16 heures au commissariat d'Angers sauf les samedis, dimanches et jours fériés et d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1600216 et n°1600217 du 13 janvier 2016 le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 10 février 2016 sous le n°16NT00501, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du vice-président désigné du tribunal administratif de Nantes du 13 janvier 2016 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2016 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant sa réadmission en Pologne ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 8 janvier 2016 ordonnant sa réadmission en Pologne.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 16 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le renvoi en Pologne pour l'examen de sa demande d'asile l'expose à un risque d'expulsion vers la Biélorussie où elle risque la prison ;

- en prenant l'arrêté litigieux le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il y a un lien de dépendance entre elle et sa soeur qui a obtenu le statut de réfugiée en France et si la décision était exécutée les deux soeurs seraient séparées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2016, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 10 février 2016 sous le n°16NT00502, MmeB..., représentée par Me C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 janvier 2016 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2016 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire et l'obligeant à se présenter tous les jours à 16 heures au commissariat de police d'Angers, sauf les samedis, dimanches et jours fériés ;

2°) d'annuler cet arrêté d'assignation à résidence.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le renvoi en Pologne pour l'examen de sa demande d'asile l'expose à un risque d'expulsion vers la Biélorussie où elle risque la prison ;

- il n'y a aucune perspective raisonnable d'exécution de cette mesure ;

- l'obligation de pointage au commissariat est lourde, d'autant qu'elle n'a pas l'intention de quitter la France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2016, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 10 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur.

1. Considérant que les requêtes n°16NT00501 et n°16NT00502 de Mme B...sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que MmeB..., ressortissante biélorusse, est entrée irrégulièrement en France le 7 novembre 2015 munie d'un visa délivré par les autorités polonaises et valable du 21 octobre 2015 au 3 novembre 2015 ; qu'elle a présenté au préfet de Maine-et-Loire une demande d'asile le 27 novembre 2015 ; que le préfet a saisi le 30 novembre 2015 les autorités polonaises, d'une demande de prise en charge sur le fondement de l'article 12 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que lesdites autorités ont accepté explicitement la prise en charge de Mme B...le 21 décembre 2015 ; que par deux décisions du 8 janvier 2016 le préfet de Maine-et-Loire a ordonné, d'une part, la remise de Mme B...aux autorités polonaises, et d'autre part, son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante cinq jours avec obligation de se présenter aux services de police tous les jours à 16 heures, sauf les samedis, dimanches et jours fériés ; que Mme B...relève appel du jugement du 13 janvier 2016 par lequel le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du préfet de Maine-et-Loire ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités polonaises :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit " ; que pour se prévaloir de ces dispositions pour la détermination de l'Etat responsable du traitement de la demande d'asile d'un ressortissant étranger, il faut que celui-ci puisse justifier non seulement de la présence en France d'un membre de famille y résidant légalement, mais également de sa dépendance à l'égard de ce membre de famille ;

4. Considérant que Mme B...fait valoir qu'elle pourra bénéficier du soutien de sa soeur et de son beau-frère, qui résident en France et y ont obtenu le statut de réfugiés le 15 décembre 2014 et seront en mesure de l'héberger avec son compagnon durant l'examen de leur demande d'asile et se prévaut en outre de la présence de membres de la famille d'un cousin de son compagnon; que, toutefois, les circonstances ainsi invoquées ne permettent pas de tenir pour établies les conditions de dépendance prévues par les dispositions précitées du règlement (UE) du 26 juin 2013 ; que, dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas méconnu les dispositions précités de l'article 16 de ce règlement ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...soutient que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, dès lors que sa réadmission en Pologne pour l'examen de sa demande d'asile l'exposerait à une expulsion vers la Biélorussie où elle risque la prison après avoir fui ce pays ; que toutefois, d'une part, la requérante ne produit aucun élément probant permettant d'établir qu'il existe un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités polonaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le droit d'asile alors qu'au demeurant la Pologne, Etat-membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complété par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, d'autre part, l'intéressée ne peut utilement se prévaloir des risques auxquels elle serait exposée en cas de retour en Biélorussie, dès lors que l'arrêté qui décide sa remise aux autorités polonaises n'a ni pour objet ni pour effet de la contraindre à regagner son pays d'origine ; qu'ainsi, le préfet de Maine-et-Loire n'a ni méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant, en troisième lieu, que dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le compagnon de Mme B...fait également l'objet d'une décision de réadmission en Pologne et que la décision contestée n'a dans ces conditions ni pour objet ni pour effet de séparer la cellule familiale, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il serait ainsi porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ; que l'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci ;

8. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que son renvoi en Pologne pour l'examen de sa demande d'asile exposerait Mme B...à un risque d'expulsion vers la Biélorussie où elle risque la prison, est inopérant pour contester l'arrêté décidant son assignation à résidence compte tenu de son objet susmentionné ; qu'en tout état de cause, l'illégalité de la décision contestée du 8 janvier 2016 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant la remise de l'intéressée aux autorités polonaises pour l'examen de sa demande d'asile n'étant pas établie, la décision d'assignation à résidence ne saurait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de réadmission en Pologne ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à se prévaloir de son refus de quitter la France, Mme B...n'établit pas que l'exécution de la décision de remise aux autorités polonaises ne demeurerait pas une perspective raisonnable ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ; qu'aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) " ;

11. Considérant que l'arrêté assignant Mme B...à résidence lui impose de se présenter chaque jour à 16 heures, à l'exclusion des samedis, dimanches et jours fériés, au commissariat de police d'Angers ; que si la requérante soutient qu'il s'agit d'une " fréquence extrêmement lourde ", elle n'invoque toutefois aucune difficulté particulière ou l'existence d'une activité qui serait spécialement affectée par cette sujétion ; que, dans ces conditions, l'obligation de présentation mise à sa charge n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de Mme B...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président assesseur,

- et Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2016.

Le rapporteur,

C. LOIRAT

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°16NT00501, N°16NT00502 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00501
Date de la décision : 07/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET BERAHYA-LAZARUS ; CABINET BERAHYA-LAZARUS ; CABINET BERAHYA-LAZARUS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-07;16nt00501 ?
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