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07/12/2016 | FRANCE | N°15NT03386

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 décembre 2016, 15NT03386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés du 29 septembre 2015 par lesquels la préfète de la Manche a décidé, d'une part, sa remise aux autorités hongroises pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n°1501952 du 6 octobre 2015, le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés du 29 septembre 2015 par lesquels la préfète de la Manche a décidé, d'une part, sa remise aux autorités hongroises pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n°1501952 du 6 octobre 2015, le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 6 novembre 2015, le 29 février 2016 et le 10 novembre 2016, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2015 du vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler les arrêtés du 29 septembre 2015 de la préfète de la Manche ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Manche de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'asile ou de procéder à un nouvel examen de sa situation à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeB..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté portant remise aux autorités hongroises a été pris en violation des dispositions des articles 4 et 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté portant remise aux autorités hongroises méconnaît les dispositions de l'article 3 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, le dernier alinéa de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'illégalité de l'arrêté de remise entache la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2016, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que M.C..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 6 octobre 2015 par lequel le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 29 septembre 2015 par lesquels la préfète de la Manche a décidé, d'une part, sa remise aux autorités hongroises pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, dans sa rédaction applicable : " Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° " ; qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la présomption selon laquelle un État membre respecte les obligations découlant de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est renversée lorsqu'il existe de sérieuses raisons de croire qu'il existe, dans " l'État membre responsable " de la demande d'asile au sens du règlement précité, des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile impliquant pour ces derniers un risque d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ;

3. Considérant que si la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles une demande est susceptible d'être traitée par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que le gouvernement hongrois a modifié à l'été 2015 sa législation régissant la prise en charge des personnes entrées de façon irrégulière sur son territoire, au nombre desquelles figurent des demandeurs d'asile, et que les nouvelles dispositions prévoient notamment que l'assistance d'un interprète ne sera plus systématiquement garantie et punissent d'une peine privative de liberté le seul fait d'entrer sur le territoire hongrois de façon irrégulière ; que l'agence des Nations Unies pour les réfugiés s'est inquiétée du traitement des demandeurs d'asile qui traversent illégalement la frontière hongroise en quête de protection dès le mois de septembre 2015 et que, par ailleurs, le 10 décembre 2015 la Commission européenne a ouvert une procédure d'infraction à l'encontre des autorités hongroises en relevant notamment que sa procédure d'asile était incompatible sur plusieurs points avec le droit de l'Union européenne ; que de nombreuses violations du droit de l'Union ont été constatées, telles que l'effet non suspensif des recours, l'absence de garantie d'indépendance des greffiers en charge des décisions, le caractère facultatif de l'audition des demandeurs, des carences dans l'interprétation et la traduction de leurs propos ; que, pris ensemble, ces éléments d'information attestent des défaillances du système hongrois dans l'accueil des demandeurs d'asile et le traitement de leurs demandes, de nature à exposer le requérant à des risques de traitement inhumains ou dégradants en cas de transfert en Hongrie pour l'examen de sa demande d'asile ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de la Manche du 29 septembre 2015 portant remise aux autorités hongroises ; que, par voie de conséquence, il est fondé à soutenir que c'est également à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence, pris en vue de l'exécution de la décision de remise aux autorités hongroises ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A...C..., implique nécessairement que le préfet réexamine sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et lui remette, durant la durée de cet examen, une autorisation provisoire de séjour ; qu'il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Manche de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que M. A...C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à Me B...de la somme de 1 200 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501952 du 6 octobre 2015 du vice-président désigné du tribunal administratif de Caen et les arrêtés du 29 septembre 2015 de la préfète de la Manche sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Manche de procéder au réexamen de la demande d'admission au séjour de M. A...C...au titre de l'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me B...la somme de 1 200 euros (mille deux cents euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....

Une copie en sera transmise au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2016.

Le président, rapporteur,

L. LAINÉ L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,

C. LOIRAT

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 15NT033862


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03386
Date de la décision : 07/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-07;15nt03386 ?
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