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07/12/2016 | FRANCE | N°15NT03324

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 décembre 2016, 15NT03324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés du 15 septembre 2015 par lesquels la préfète de la Manche a décidé, d'une part, sa remise aux autorités hongroises pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n°1501859 du 1er octobre 2015, le tribunal administratif de Caen a annulé ces arrêtés, a enjoint à la préfète de la Manche de délivrer à M. B...une autorisation pro

visoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'asile dans le délai d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés du 15 septembre 2015 par lesquels la préfète de la Manche a décidé, d'une part, sa remise aux autorités hongroises pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n°1501859 du 1er octobre 2015, le tribunal administratif de Caen a annulé ces arrêtés, a enjoint à la préfète de la Manche de délivrer à M. B...une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2015, la préfète de la Manche demande à la cour d'annuler ce jugement du 1er octobre 2015 du tribunal administratif de Caen.

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé ses arrêtés du 15 septembre 2015 au motif qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Hongrie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 22 décembre 2015 et le 10 novembre 2016, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour ;

1°) de rejeter la requête de la préfète de la Manche ;

2°) d'enjoindre à la préfète de la Manche de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'asile ou de procéder à un nouvel examen de sa situation à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeA..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la préfète de la Manche ne sont pas fondés ;

- l'arrêté de remise méconnaît les dispositions des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que la préfete de la Manche relève appel du jugement du 1er octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé ses arrêtés du 15 septembre 2015 par lesquels elle a décidé, d'une part, la remise de M.B..., ressortissant afghan, aux autorités hongroises pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, lui a enjoint de délivrer à M. B...une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, dans sa rédaction applicable : " Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° " ; qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable " ;

3. Considérant que si la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles une demande d'asile est susceptible d'être traitée par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; qu'il résulte des dispositions précitées que la présomption selon laquelle un État membre respecte les obligations découlant de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est renversée lorsqu'il existe de sérieuses raisons de croire qu'il existe, dans " l'État membre responsable " de la demande d'asile au sens du règlement précité, des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile impliquant pour ces derniers un risque d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ;

4. Considérant qu'en l'espèce, le tribunal administratif de Caen a annulé les arrêtés susvisés pris par la préfète de la Manche le 15 septembre 2015 en se fondant, d'une part, sur la circonstance que le gouvernement hongrois a modifié à l'été 2015 sa législation régissant la prise en charge des personnes entrées de façon irrégulière sur son territoire, au nombre desquelles figurent des demandeurs d'asile, et que les nouvelles dispositions prévoient notamment que l'assistance d'un interprète ne sera plus systématiquement garantie et punissent d'une peine privative de liberté le seul fait d'entrer sur le territoire hongrois de façon irrégulière, d'autre part, que la Hongrie a également fait connaître via Dublinet dès le 11 août 2015 que ses capacités d'accueil des réadmissions étaient atteintes jusqu'au 19 octobre 2015 ; que la préfète de la Manche ne conteste pas utilement, en se référant à des éléments antérieurs à l'adoption de cette nouvelle législation et aux pratiques en découlant, les défaillances systémiques en résultant dans l'accueil des demandeurs d'asile en Hongrie et le traitement de leurs demandes, alors que l'agence des Nations Unies pour les réfugiés s'est inquiétée du traitement des demandeurs d'asile qui traversent illégalement la frontière hongroise en quête de protection dès le mois de septembre 2015 et que, par ailleurs, le 10 décembre 2015 la Commission européenne a ouvert une procédure d'infraction à l'encontre des autorités hongroises en relevant notamment que sa procédure d'asile était incompatible sur plusieurs points avec le droit de l'Union européenne ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la préfète de la Manche n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé ses arrêtés du 15 septembre 2015, lui a enjoint de délivrer à M. C...B...une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'asile et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Manche est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...B....

Une copie en sera transmise au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2016.

Le président, rapporteur,

L. LAINÉ L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,

C. LOIRAT

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 15NT033242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03324
Date de la décision : 07/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-07;15nt03324 ?
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