Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 26 mars 2012 par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire a rejeté sa demande tendant à la création d'un poste d'ingénieur à Nogent-sur-Vernisson et la décision du 11 avril 2012 le regardant comme ayant refusé le poste qui lui était proposé à l'issue de l'examen professionnel qu'il avait réussi.
Par un jugement n° 1203366 du 7 octobre 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 décembre 2014 et 16 mars 2016, M. A... B..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 octobre 2014 ;
2°) d'annuler les décisions du 26 mars 2012 et du 11 avril 2012 mentionnées ci-dessus ;
3°) d'annuler la décision non formalisée procédant à sa radiation de la liste des agents ayant réussi l'examen professionnel pour l'accès au corps des ingénieurs de l'agriculture ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens de légalité interne qu'il soulève en appel sont recevables, dès lors qu'il avait invoqué en première instance un moyen relevant de la même cause juridique ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision du 26 mars 2012 refusant la création d'un poste sur son lieu d'affectation ne saurait constituer une simple mesure d'organisation du service, dès lors qu'elle modifie sa situation en privant de tout effet utile sa réussite à un examen professionnel et en lui imposant un changement d'employeur ; cette décision constitue un refus d'accéder à sa demande d'affectation et à celle, convergente, de son établissement de tutelle ; cette décision, en ce qu'elle confère une portée juridique à son comportement, lui fait grief ;
- cette décision qui, sans motif d'intérêt général, le prive du bénéfice de la réussite à un examen professionnel, constitue une atteinte à un bien incorporel au sens du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision du 11 avril 2012 par laquelle l'administration le regarde comme ayant refusé le poste proposé fait obstacle à sa nomination en qualité d'ingénieur et lui fait ainsi incontestablement grief ;
- aucune disposition législative ou règlementaire n'autorise l'administration à interpréter le silence gardé par un fonctionnaire comme valant renonciation au bénéfice d'un avantage ;
- sa requête doit en réalité être regardée comme dirigée contre la décision le radiant de la liste des lauréats à l'examen professionnel, non formalisée, mais dont l'existence est incontestable contre laquelle il soulève les moyens invoqués à l'encontre des décisions du 26 mars 2012 et du 11 avril 2012 ;
- la décision par laquelle l'administration radie un agent de la liste des fonctionnaires ayant vocation à être nommé dans un autre corps au seul motif qu'il n'a pas explicitement accepté le poste proposé est dépourvue de toute base légale ; l'administration ne saurait se fonder sur les dispositions de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984, qui concernent les seuls avancements de grade ;
- la décision procédant à la radiation d'un fonctionnaire de la liste des lauréats d'un examen professionnel constitue une atteinte disproportionnée à un bien prohibée par l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il se rapporte intégralement à ses moyens de première instance tirés de l'incompétence, l'insuffisance de motivation et le vice de procédure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- M. B...est dépourvu d'un intérêt à agir contre la décision du 26 mars 2016, qui constitue une mesure d'organisation du service ;
- le courriel du 11 avril 2012 qui, se borne à prendre acte du refus de promotion de M.B..., ne lui fait pas grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux ;
- les nouveaux moyens soulevés par M. B...en appel, qui reposent sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposait les moyens soulevés en première instance, sont irrecevables ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- l'ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives ;
- loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 2006-8 du 4 janvier 2006 relatif au statut particulier du corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement ;
- le décret n° 2011-489 du 4 mai 2011 portant statut particulier du corps des techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture ;
- le décret n° 96-501 portant statut particulier du corps des techniciens supérieurs des services du ministère chargé de l'agriculture ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur
- et les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
1. Considérant que M. A...B..., technicien supérieur du ministère de l'agriculture, en poste à Nogent-sur-Vernisson (Loiret), a été reçu à l'examen professionnel d'accès au corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement organisé au titre de l'année 2011 ; qu'il été invité par lettre 16 février 2012 à indiquer, avant le 8 mars 2012, ses préférences parmi les postes proposés à l'issue de cet examen ; qu'il s'est abstenu de procéder à ce classement, mais a, par courrier daté du 21 février 2012, sollicité la création d'un poste de même nature sur son lieu d'affectation ; par lettre du 26 mars 2012, l'autorité gestionnaire a refusé de faire droit à cette dernière demande et lui a demandé s'il acceptait de postuler sur un emploi à l'Office National des Forêts (ONF) de Centre-Ouest-Auvergne-Limousin, non encore attribué après affectation des autres lauréats, en attirant son attention sur le fait qu'une réponse négative vaudrait renoncement au bénéfice de l'examen professionnel ; que, par courriel du 11 avril 2012, M. B...a été informé par le gestionnaire des personnels de ce qu'en l'absence de réponse au courrier du 26 mars, il était considéré comme ayant refusé le poste proposé à l'ONF ; que M. B... relève appel du jugement du 7 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 mars 2012 et du 11 avril 2012 ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision du 26 mars 2012, en tant qu'elle oppose un refus à la demande de M. B...de voir créer un poste d'ingénieur de l'agriculture et de l'environnement sur son lieu d'affectation, constitue une mesure d'organisation du service ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle porterait atteinte aux droits et prérogatives statutaires du requérant ni qu'elle affecterait ses conditions d'emploi et de travail ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que M. B...ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de cette décision ;
3. Considérant, en second lieu, que, par la même lettre, l'autorité gestionnaire informait également M. B...qu'à défaut d'accepter l'unique poste non choisi par les autres candidats avant le 2 avril suivant, elle serait amenée à considérer que le requérant avait renoncé au bénéfice de l'examen professionnel pour l'année 2011 et à faire appel aux lauréats inscrits sur la liste complémentaire ; que par un courriel du 11 avril 2012, le ministre chargé de l'agriculture, en indiquant à M. B...qu'il considérait qu'il refusait le poste à l'ONF qui lui avait été proposé, doit être regardé comme ayant effectivement privé le requérant du bénéfice de sa réussite à l'examen professionnel dont s'agit ; que cette dernière décision fait grief à M.B..., qui est dès lors recevable à en demander l'annulation ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté comme irrecevables les conclusions qu'il dirigeait contre la décision du 11 avril 2012 par laquelle le ministre chargé de l'agriculture a considéré qu'il avait renoncé au bénéfice de l'examen professionnel organisé au titre de l'année 2011 pour l'accès au corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement ; que le jugement attaqué est dans cette mesure irrégulier et doit être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif d'Orléans à l'encontre de la décision que comportait le courriel du 11 avril 2012 ;
6. Considérant, en premier lieu, que M. B...n'est pas fondé à mettre en cause la compétence de Mme E...C..., chef de bureau de gestion des personnels de catégorie A, expéditrice de ce courriel et bénéficiaire d'une délégation de signature du 4 novembre 2008 également publiée, au motif que ne seraient pas respectées les prescriptions de l'ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, lesquelles ne sont pas applicables aux relations entre les agents et leurs supérieurs hiérarchiques ; que le moyen tiré de l'incompétence des auteurs des décisions contestées doit dès lors être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...n'est en tout état de cause pas fondé à invoquer les dispositions des articles 1 et 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, dès lors que la décision par laquelle le ministre chargé de l'agriculture a constaté la renonciation de M. B...au bénéfice de se résultats à l'examen professionnel est expressément motivée par le refus de l'intéressé de choisir l'un des postes proposés aux lauréats de cet examen ;
8. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que l'administration aurait indiqué de façon erronée à M. B...qu'il était tenu à une obligation de mobilité structurelle pour accéder au corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement sur le fondement des dispositions de l'article 58 de la loi susvisé du 11 janvier 1984, lesquelles ne s'appliquaient qu'aux changements de grade, est sans incidence sur sa situation dès lors que la réussite à l'examen professionnel en cause impliquait que l'intéressé, s'il donnait suite aux propositions qui lui étaient faites, renonce au grade précédemment détenu ; que la circonstance qu'il ait gardé le silence au lieu de refuser expressément les postes proposés est indifférente dès lors que l'administration l'avait informé de manière répétée de la liste des postes disponibles ainsi que des dates limites imparties pour procéder au classement de ces postes ;
9. Considérant, enfin, que la conservation du bénéfice de la réussite à un examen professionnel, laquelle est soumise à la condition d'accepter l'un des postes à pourvoir, ne saurait être regardée comme constitutive d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit dès lors être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité des moyens d'appel de M.B..., que ce dernier n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 11 avril 2012 par laquelle le ministre chargé de l'agriculture l'a considéré comme renonçant au bénéfice de son admission au corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 octobre 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. B...dirigées contre la décision du 11 avril 2012 par laquelle le ministre chargé de l'agriculture a estimé qu'il avait renoncé au bénéfice de l'examen professionnel d'accès au corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement au titre de l'année 2011.
Article 2 : Les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'agriculture du 11 avril 2012 et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2016.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
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N° 14NT03104