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25/11/2016 | FRANCE | N°15NT00737

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 25 novembre 2016, 15NT00737


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...H...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du préfet de la Vendée des 3 et 14 février 2012 suspendant la chasse à la bécasse des bois, sur l'ensemble du département, pour la période du 5 au 14 février 2012, puis jusqu'au 20 février 2012, et de condamner l'État à lui verser une somme de 150 euros en réparation du préjudice moral subi.

Par un jugement n° 1203396 du 23 janvier 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 février 2015, 8 septembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...H...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du préfet de la Vendée des 3 et 14 février 2012 suspendant la chasse à la bécasse des bois, sur l'ensemble du département, pour la période du 5 au 14 février 2012, puis jusqu'au 20 février 2012, et de condamner l'État à lui verser une somme de 150 euros en réparation du préjudice moral subi.

Par un jugement n° 1203396 du 23 janvier 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 février 2015, 8 septembre 2015, 24 avril 2016, et 17 mai 2016, M.H..., représenté par Me Plateaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 janvier 2015 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler ces arrêtés du préfet de la Vendée des 3 et 14 février 2012 ;

3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 990 euros en réparation des préjudices qu'il a subi du fait de l'illégalité de ces arrêtés ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu le 23 janvier 2015 par la huitième chambre du tribunal administratif de Nantes alors qu'à cette date, le nombre de chambres de ce tribunal avait été fixé à sept par arrêté du Vice-président du Conseil d'État du 17 février 2014 ; ainsi, ce jugement, a été rendu par une formation de jugement irrégulière en méconnaissance de l'article R. 221-4 du code de justice administrative et de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les premiers juges ont procédé à une substitution de base légale en se fondant sur l'article L. 424-4 du code de l'environnement sans en avertir les parties au préalable ;

- il n'est pas établi que le signataire des arrêtés ait disposé d'une délégation de signature régulière pour y procéder ;

- les arrêtés contestés ne sont pas suffisamment motivés au regard des exigences posées par les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- ces arrêtés ont été pris sur le fondement de l'article R. 424-3 du code de l'environnement en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution dès lors qu'ils restreignent illégalement la liberté de la chasse qui est une liberté publique ;

- l'article L. 424-4 du code de l'environnement ne peut constituer la base légale des arrêtés en litige dès lors que ses dispositions confient au ministre chargé de la chasse et non aux préfets compétence en ce domaine ;

- les mesures de restriction contestées n'étaient pas justifiées sur le littoral vendéen, où les conditions climatiques étaient restées modérées ; à cet égard, le second arrêté a été pris alors que les conditions climatiques s'étaient améliorées, l'alerte au gel ayant été levée le 15 février 2012 ;

- l'interdiction générale et absolue n'était pas adaptée puisque le quota annuel de chasse faisait obstacle à un prélèvement excessif.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir, en se référant notamment aux observations produites par le préfet de la Vendée en première instance, qu'aucun des moyens développés par M. H...n'est fondé.

Par une ordonnance du 19 avril 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 19 mai 2016.

Par une ordonnance du 12 mai 2016, la clôture d'instruction a été reportée au 2 juin 2016 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son article 34 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Plateaux, avocat de M.H....

1. Considérant que M. H...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du préfet de la Vendée des 3 et 14 février 2012 suspendant la chasse à la bécasse des bois sur l'ensemble du département du 5 au 20 février 2012, date correspondant à celle de la fin de la saison de chasse, en raison d'une vague de grand froid et de gel sévissant sur une grande partie du territoire français ; que le requérant a également demandé à être indemnisé du préjudice que lui aurait causé ces décisions ; qu'il relève appel du jugement du 23 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté l'ensemble de sa demande ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il résulte des arrêtés des 14 juin 2000, 15 juin 2005, 22 juillet 2014 et 26 juillet 2011 affectant au tribunal administratif de Nantes respectivement M.A..., M. G..., M. Hougron, et MmeC..., ainsi que de l'arrêté du vice-président du Conseil d'État du 17 juillet 2014 portant désignation de Mme C...en qualité de rapporteur public, que, lors de l'audience à laquelle a été appelée l'affaire en litige, la formation de jugement qui a siégé puis délibéré, présidée par M. Hougron, président du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, affecté en tant que vice-président au tribunal administratif de Nantes habilité à présider indistinctement l'une des sept formations de jugement auxquelles l'arrêté du Vice-président du Conseil d'État du 17 février 2014 avait fixé la composition du tribunal administratif de Nantes, était composée de manière conforme aux dispositions du code de justice administrative ; que la circonstance que cette formation de jugement a eu pour intitulé " 8ème chambre " alors que la huitième chambre budgétaire n'a été validée qu'à compter du 1er septembre 2015 est sans incidence sur la régularité de la formation de jugement ainsi constituée ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité pour ce motif du jugement attaqué ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, qu'en indiquant que l'article R. 424-3 du code de l'environnement avait été pris pour l'application de l'article L. 424-4 du même code, les premiers juges se sont bornés à rappeler les fondements légal et règlementaire des arrêtés contestés sans procéder pour autant à une substitution de base légale dont ils auraient dû informer les parties ; que, par suite, les premiers juges n'ont pas davantage entaché le jugement attaqué d'irrégularité pour ce motif ;

Sur la légalité des arrêtés contestés :

4. Considérant, en premier lieu, que M. F...B..., directeur de cabinet du préfet et signataire des arrêtés contestés, a reçu délégation du préfet de la Vendée, par arrêté du 3 janvier 2012 régulièrement publié, afin de prendre, dans le cadre de ses permanences, toute décision nécessaire en cas d'urgence ; qu'il ne ressort des pièces du dossier, ni que le préfet n'aurait pas été absent ou empêché, ni qu'aucun tour de garde n'aurait été préétabli entre les différents délégataires visés par cet arrêté ; que la réunion des conditions de l'urgence n'est par ailleurs pas contestée ; que, par suite, M. H...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les arrêtés suspendant temporairement la chasse à la bécasse dans le département de la Vendée pris en application de l'article R. 424-3 du code de l'environnement ne constituent pas des décisions individuelles ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'ils auraient dû être motivés en application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'environnement : " Sans qu'il soit ainsi dérogé au droit de destruction des bêtes fauves édicté à l'article L. 427-9, le ministre chargé de la chasse prend des arrêtés pour : prévenir la destruction ou favoriser le repeuplement des oiseaux ou de toutes espèces de gibier (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 424-2 de ce code: " Nul ne peut chasser en dehors des périodes d'ouverture de la chasse fixées par l'autorité administrative selon des conditions déterminées par décret en Conseil d'État. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 424-4 du même code : " Dans le temps où la chasse est ouverte, le permis donne à celui qui l'a obtenu le droit de chasser de jour, soit à tir, soit à courre, à cor et à cri, soit au vol, suivant les distinctions établies par des arrêtés du ministre chargé de la chasse. (...) " ; que l'article R. 424-6 de ce code prévoit que : " La chasse à tir est ouverte pendant les périodes fixées chaque année par arrêté du préfet, pris sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs, et publié au moins vingt jours avant la date de sa prise d'effet. " ; qu'aux termes de l'article R. 424-9 du même code : " Par exception aux dispositions de l'article R. 424-6, le ministre chargé de la chasse fixe par arrêté les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau, après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage. Cet arrêté prévoit les conditions spécifiques de la chasse de ces gibiers. " ; qu'enfin l'article R. 424-3 dispose que : " En cas de calamité, incendie, inondation, gel prolongé, susceptible de provoquer ou de favoriser la destruction du gibier, le préfet peut, pour tout ou partie du département, suspendre l'exercice de la chasse soit à tout gibier, soit à certaines espèces de gibier. La suspension s'étend sur une période de dix jours maximum et renouvelable. L'arrêté du préfet fixe les dates et heures auxquelles entre en vigueur et prend fin la période de suspension. " ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, que, s'il ne peut modifier la période de chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau que le ministre chargé de la chasse est seul compétent pour fixer annuellement, le préfet dispose, pour des motifs de protection de la ressource cynégétique, du pouvoir de suspendre l'exercice de la chasse de certaines espèces de gibier pour une période de dix jours maximum en cas de gel prolongé ; que, si le législateur a confié au ministre le pouvoir général de prendre des arrêtés pour prévenir la destruction des oiseaux, les dispositions de l'article L 424-1 du code de l'environnement précitées ne font pas obstacle à la faculté que détiennent les préfets de département, sur le fondement de l'article R. 424-3 du code de l'environnement, de prendre, en cas de gel prolongé, des mesures de suspension limitées dans le temps et dans l'espace ; que, par suite, le préfet de la Vendée pouvait compétemment décider de suspendre la chasse à la bécasse des bois pour une période de dix jours du 5 au 15 février puis, par un second arrêté, du 15 au 20 février 2012 en raison de la menace particulière pesant sur la bécasse des bois du fait d'une période de gel prolongé dans d'autres départements et de la situation particulière du littoral vendéen constituant une zone de refuge pour ces oiseaux ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du préfet au regard des dispositions de l'article L 424-1du code de l'environnement ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi détermine les principes fondamentaux : (...) de la préservation de l'environnement ; du régime de la propriété (...) ; " ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 424-2 du code de l'environnement que le législateur a confié au pouvoir règlementaire, dans le cadre de son pouvoir d'application des lois, la détermination des modalités d'application de cet article en confiant aux autorités administratives le pouvoir de fixer les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse, activité qui ne présente pas le caractère d'une liberté publique ; que les dispositions de l'article R. 424-3 du code de l'environnement trouvant ainsi leur fondement dans une habilitation législative, M. H...n'est fondé à soutenir ni qu'elles empiéteraient sur le domaine réservé au législateur par l'article 34 de la Constitution ni, par la voie de l'exception, que les arrêtés sur lesquels se fondent les décisions contestées seraient entachés d'illégalité ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une période de gel tardif constatée à partir du 2 février 2012, et compte tenu des prévisions météorologiques s'accordant sur une prolongation de ces circonstances exceptionnelles d'une durée prévisible de six jours, l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) a déclenché une alerte au " gel prolongé " destinée à prévoir rapidement les mesures appropriées à la protection des oiseaux migrateurs et notamment de la bécasse des bois ; que les premières constatations dressées dans le cadre de ce dispositif le 3 février 2012 ont mis en évidence une migration significative des sujets hivernants dans le nord et l'est de la France vers les zones littorales refuges de la Manche et de l'Atlantique et attiré l'attention sur les difficultés prévisibles de ces oiseaux pour s'alimenter et résister au froid ; que les deux associations de chasse départementales consultées ont, par ailleurs, indiqué le même jour être favorables à une mesure de suspension eu égard à la situation exceptionnelle constatée ; que les relevés effectués par le " club national des bécassiers " et rapportés le 13 février 2012, qui faisaient état de nombreux sujets trouvés morts, amaigris, ou errants de façon aberrante, ont confirmé la réalité de la menace pesant sur cet oiseau migrateur ; que le communiqué de l'ONCFS du 9 février 2012, ainsi que la documentation d'information produite par cet office dressant le bilan de la saison hivernale 2012, confirme une augmentation nette de la population de bécasses des bois venues se réfugier dans les zones côtières plus tempérées ; qu'enfin, s'il ressort de ce dernier document que la température exceptionnellement froide a pris fin à compter du 13 février 2012, il est constant que la prolongation de la suspension de chasse au-delà de cette date était nécessaire pour permettre à ces oiseaux migrateurs de reconstituer, dans une période prénuptiale, leur potentiel physiologique avant de retourner sur leur lieu de reproduction et assurer ainsi le renouvellement de l'espèce ; qu'en se bornant à soutenir que l'objectif des arrêtés litigieux était de limiter les prélèvements des sujets et non de prévenir la destruction du gibier, M. H...n'établit pas en quoi le préfet de la Vendée qui a décidé de suspendre les prélèvements de bécasses au cours d'une période dont la durée était adaptée à son objectif et en vue d'en assurer la survie n'aurait pas pris des mesures conformes aux objectifs qui lui étaient fixés par les dispositions du code de l'environnement citées au point 5 ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés des 3 et 14 février 2012 du préfet de la Vendée suspendant la chasse à la bécasse des bois du 5 au 20 février 2012 n'auraient pas été adaptés, nécessaires et proportionnés à la situation exceptionnelle en cause ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. H...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Vendée des 3 et 14 février 2012 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées ; que, de même, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées :

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. H...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...H...et au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 novembre 2016.

Le rapporteur,

F. Lemoine

Le président,

I. Perrot

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT00737


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00737
Date de la décision : 25/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement.

Police - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : PLATEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-11-25;15nt00737 ?
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