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02/11/2016 | FRANCE | N°15NT03263

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 02 novembre 2016, 15NT03263


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...'hun a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 95 460 € en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du refus de l'administration de valider ses cotisations d'assurance vieillesse sur la base d'un équivalent temps plein de sa rémunération, à la suite des demandes qu'elle a successivement présentées au directeur de services départementaux de l'éducation nationale du Finistère, au recteur de l'académie de Rennes et au minis

tre de l'éducation nationale.

Par un jugement n° 0905828 du 22 juin 2012, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...'hun a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 95 460 € en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du refus de l'administration de valider ses cotisations d'assurance vieillesse sur la base d'un équivalent temps plein de sa rémunération, à la suite des demandes qu'elle a successivement présentées au directeur de services départementaux de l'éducation nationale du Finistère, au recteur de l'académie de Rennes et au ministre de l'éducation nationale.

Par un jugement n° 0905828 du 22 juin 2012, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de MmeA...'hun.

Par un arrêt n° 12NT02244 du 6 février 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé contre ce jugement par MmeA...'hun.

Par une décision n° 377238 du 30 septembre 2015 le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 6 février 2014 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 août 2012, 13 mars 2013 et 28 décembre 2015, MmeA...'hun, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905828 du 22 juin 2012 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 95 460 euros ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer le montant de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les services du rectorat commettent une faute en lui refusant le choix de bénéficier du maintien de l'assiette des cotisations d'assurance-vieillesse et de la possibilité d'acquérir des points complémentaires calculées sur un temps plein ;

- ce refus méconnaît le code de la Sécurité sociale tel que modifié par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 et interprété par la circulaire Agirc-Arrco du 21 décembre 2005 ;

- le refus de lui accorder le bénéfice de la surcotisation constitue une méconnaissance du principe d'égalité entre enseignants du privé exerçant dans des académies différentes compte tenu des circulaires, applicables dans les académies de Haute-Loire, de Guyane et de la Martinique, qui offrent cette possibilité aux enseignants du privé sous contrat ;

- ce refus méconnaît le principe d'égalisation des situations entre enseignants du public et du privé figurant au 1er alinéa de l'article L. 914-1 du code l'éducation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 janvier 2013 et 21 décembre 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- si la juridiction administrative demeure compétente pour statuer sur l'action en responsabilité dirigée contre l'Etat, elle ne peut en revanche statuer sur la légalité d'une décision de l'administration relevant du contentieux de la sécurité sociale, les différends relatifs à l'assiette des cotisations de sécurité sociale relevant de la compétence des juridictions de la sécurité sociale en dépit de la circonstance que le litige oppose un fonctionnaire de l'Etat à son employeur ;

- la requérante ne mentionne aucune disposition précise de la loi du 21 août 2003 ou des autres textes invoqués susceptible de fonder sa demande et dont la violation constituerait une faute de l'administration et se contente de citer la dénomination de cette loi ;

- la requérante qui exerçait ses fonctions dans l'académie de Rennes ne peut se prévaloir de circulaires prises par les autorités académiques de la Haute-Loire, de la Guyane et de la Martinique, lesquelles ne lui sont pas applicables ; les autorités académiques ne disposent d'aucun pouvoir règlementaire leur permettant de fixer l'assiette des cotisations sociales de retraite des maîtres contractuels de l'enseignement privé et des maîtres de l'enseignement public autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ;

- ni la loi du 21 août 2003, ni la circulaire Agirc-Arrco du 21 décembre 2005 ne prévoient une obligation pour l'administration de proposer ou d'accorder un maintien des cotisations sur la base d'un travail à temps plein des maîtres contractuels de l'enseignement privé admis à travailler à temps partiel ;

- si l'intéressée a entendu invoquer le bénéfice de l'article R. 241-0-3 du code de la sécurité sociale, ces dispositions ne sont applicables qu'aux salariés disposant d'un contrat de travail ; en tout état de cause, et dans les cas où cet article est applicable, le bénéfice du maintien des cotisations d'assurance vieillesse sur la base d'un service à temps plein est expressément subordonné à l'accord exprès de l'employeur qui n'est tenu ni de le proposer, ni de l'accorder ;

- en ce qui concerne le préjudice allégué, MmeA...'hun se fonde sur une expertise comptable qui ne permet pas d'établir le caractère certain de son préjudice de retraite dès lors qu'elle se fonde sur une espérance de vie moyenne d'une femme à l'âge de 60 ans et sur la valeur d'une pension de retraite perçue à compter de 2014 en supposant que la législation sur les pensions de retraite demeure inchangée ; en outre, elle ne peut être assurée d'exercer ses fonctions à temps partiel à hauteur de 50 % jusqu'au terme de sa carrière dans la mesure où le renouvellement annuel d'une autorisation de travail à temps partiel n'est pas un droit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des pensions civiles et militaires ;

- le code de la Sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de Me E...substituant MeC..., représentant MmeA...'hun.

Une note en délibéré présentée pour MmeA...'hun a été enregistrée le 17 octobre 2016.

1. Considérant que Mme A...'hun, professeur des écoles de classe normale adjoint de classe élémentaire de l'enseignement privé, affecté à l'école Saint-Joseph de Gouesnou (Finistère) depuis 1976, exerce son activité professionnelle à temps partiel à raison de 50 % depuis le mois de septembre 1983 ; qu'à plusieurs reprises, elle a sollicité en vain le maintien de l'assiette de ses cotisations sociales d'assurance vieillesse au niveau de la rémunération équivalente à un temps plein, avec effet au 1er janvier 2004 ; que par un jugement du 22 juin 2012 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 95 460 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du refus qui lui est opposé par l'administration ; qu'elle relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fins d'indemnisation :

En ce qui concerne l'application du code de la Sécurité sociale :

2. Considérant en premier lieu, que MmeA...'hun se prévaut de l'article L. 241-3-1 du code de la Sécurité sociale, dans sa version modifiée par l'article 35 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; qu'aux termes de cet article : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 241-3, en cas d'emploi exercé à temps partiel au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail ou, dans des conditions fixées par décret, en cas d'emploi dont la rémunération ne peut être déterminée selon un nombre d'heures travaillées, l'assiette des cotisations destinées à financer l'assurance vieillesse peut être maintenue à la hauteur du salaire correspondant à son activité exercée à temps plein. La part salariale correspondant à ce supplément d'assiette n'est pas assimilable, en cas de prise en charge par l'employeur, à une rémunération au sens de l'article L. 242-1. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'exercice de cette disposition par les employeurs. Un décret en Conseil d'Etat fixe le taux de ces cotisations." ; et qu'aux termes des dispositions d'application de l'article R. 241-0-3 du même code : " I.-Le maintien de l'assiette des cotisations d'assurance vieillesse à hauteur de la rémunération correspondant à l'activité exercée à temps plein résulte de l'accord du salarié et de l'employeur. Cet accord est écrit, daté et signé par les deux parties. Il figure dans le contrat de travail initial ou dans un avenant à celui-ci si l'accord est postérieur à la conclusion du contrat " ;

3. Considérant qu'il résulte expressément de ces dispositions, applicables, malgré leur qualité d'agent public, aux maîtres exerçant dans les enseignements privés sous contrat dès lors que ces maitres sont soumis, pour le risque vieillesse, au régime général de la Sécurité sociale, que le bénéfice de la cotisation à taux plein qu'elles prévoient en faveur des salariés et assimilés à temps partiel est subordonné à l'accord de l'employeur et ne saurait donc constituer une obligation pour l'Etat ; qu'ainsi, à défaut pour les dispositions invoquées par MmeA...'hun d'avoir institué en sa faveur une obligation, à la charge de l'Etat, d'accepter les modalités de surcotisation qu'elles prévoient, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'inspecteur d'académie, puis le recteur et enfin le ministre de l'Education nationale auraient commis une faute du fait des refus qui lui ont été opposés concernant la possibilité de cotiser à temps plein durant ses périodes d'exercice à temps partiel ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que MmeA...'hun ne peut se prévaloir utilement de la circulaire du 21 décembre 2005 par laquelle le directeur général de l'Agirc se borne à commenter le régime issu de la loi déjà mentionnée du 21 août 2003 portant réforme des retraites, en rappelant au demeurant que la décision de cotiser sur un salaire temps plein " n'a pas de caractère collectif " et " doit résulter de l'accord du salarié et de l'employeur et figurer dans le contrat de travail " ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si MmeA...'hun invoque la possibilité de surcotisation pour laquelle les recteurs des académies de la Guyane et de la Martinique auraient donné leur accord aux maîtres de l'enseignement privé relevant de leur autorité, les circulaires correspondantes sont dépourvues de tout caractère réglementaire en la matière et ne peuvent être utilement invoquées, alors même qu'elles auraient fait l'objet de publication ; que, pour le même motif, est sans incidence sur la légalité des refus opposés à MmeA...'hun l'argumentation selon laquelle la possibilité de surcotisation donnée aux maîtres du privé dans ces circonscriptions méconnaîtrait le principe d'égalité entre ces agents publics ; que la circulaire de l'inspecteur d'académie de Haute-Loire du 14 janvier 2010, également invoquée, ne comporte en tout état de cause aucune indication relative à la possibilité d'une surcotisation en cas d'exercice à temps partiel ;

En ce qui concerne l'application du code des pensions civiles et militaires :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 11 bis du code des pensions civiles et militaires, applicable notamment aux maîtres titulaires de l'enseignement public : " Les périodes de travail effectuées à temps partiel à compter du 1er janvier 2004 peuvent être décomptées comme des périodes de travail à temps plein, sous réserve du versement d'une retenue pour pension dont le taux est fixé par décret. Cette retenue est appliquée au traitement correspondant à celui d'un agent de même grade, échelon et indice travaillant à temps plein. Cette prise en compte ne peut avoir pour effet d'augmenter la durée de services mentionnée à l'article L. 13 de plus de quatre trimestres " ;

7. Considérant que MmeA...'hun se prévaut du " principe d'égalisation des situations " entre enseignants du public et du privé prévu à l'article L. 914-1 du code de l'éducation ; qu'aux termes du premier alinéa de ces dispositions : " Les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat. Ces maîtres bénéficient également des mesures de promotion et d'avancement prises en faveur des maîtres de l'enseignement public (...) ; et que selon le 4ème alinéa du même article : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'accès à la retraite des maîtres de l'enseignement privé en application du principe énoncé au premier alinéa " ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dernières dispositions que l'Etat, à qui incombe la rémunération des maîtres contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat, doit supporter également les charges sociales afférentes à ces rémunérations, à la condition que ces charges soient légalement obligatoires pour l'employeur et dans la mesure où le taux des cotisations n'excède pas ce qui est nécessaire pour assurer l'égalisation de traitement prévue par les dispositions précitées ; qu'il appartient au gouvernement de déterminer par voie réglementaire, sous le contrôle du juge, la proportion desdites cotisations nécessaire pour atteindre cette égalisation ; d'autre part, que les dispositions législatives précitées créent en outre à la charge de l'Etat l'obligation de supporter les cotisations afférentes à la rémunération de ces maîtres, lorsque le paiement de ces cotisations, sans être légalement obligatoire pour l'employeur, est nécessaire en vue de parvenir à l'égalité de traitement prévue aux dispositions précitées de l'article L. 914-1 du code de l'éducation ; que la mise en oeuvre de ce principe ne peut toutefois être assurée que par les décrets qu'il incombe au gouvernement de prendre pour l'application desdites dispositions ;

9. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la surcotisation que l'Etat serait amené à exposer, en tant qu'employeur, en conséquence de la satisfaction accordée aux maîtres de l'enseignement privé à temps partiel désireux de cotiser à concurrence du traitement relatif à un temps plein, ne constitue pas une charge sociale légalement obligatoire ; que, d'autre part, si ces surcotisations sont au nombre de celles dont le paiement est nécessaire pour réaliser, au sens du premier alinéa de l'article L. 914-1 du code de l'éducation, la parité avec les maîtres titulaires de l'enseignement public et dont, par suite, l'Etat doit en principe supporter la charge, la mise en oeuvre de cette obligation est subordonnée à l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat, ainsi qu'il résulte des dispositions précitées du 4ème alinéa du même article ; qu'en l'absence d'un tel décret MmeA...'hun ne saurait prétendre au bénéfice de la surcotisation au régime de retraite dont elle relève ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MmeA...'hun n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant ses demandes successives, l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Finistère, le recteur de l'académie de Rennes ou le ministre de l'éducation nationale auraient commis des fautes susceptibles de lui ouvrir droit à indemnisation ; que dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, MmeA...'hun n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande MmeA...'hun au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MmeA...'hun est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...'hun et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 novembre 2016.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03263


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03263
Date de la décision : 02/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

48-03 Pensions. Régimes particuliers de retraite.


Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : BRETLIM

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-11-02;15nt03263 ?
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