Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Earl Ferme de l'Orme a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 septembre 2013 par laquelle le préfet de la Sarthe a prononcé la réduction de 3% de ses aides agricoles soumises à la conditionnalité au titre de la campagne 2012.
Par un jugement n° 1308511 du 3 avril 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 2 juin 2015 le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 avril 2015 ;
2°) de rejeter la demande de l'Earl La Ferme de l'Orme ;
Il soutient que :
- le fait pour un éleveur professionnel de ne jamais notifier les mouvements des ovins ou caprins de son exploitation est une négligence sanctionnée par une réduction de 3% des aides agricoles européennes soumises aux règles de la conditionnalité ; cette pénalité vise le non respect des règles communautaires de traçabilité des ovins et caprins qui permettent de garantir la santé publique et animale, s'applique à tout détenteur d'ovins et de caprins, quel que soit le nombre d'animaux détenus, et concerne tous les mouvements, y compris lorsque les animaux sont détenus aux seules fins d'autoconsommation pour la conservation d'une race ou pour le loisir ;
- dès lors l'anomalie constatée lors du contrôle ne peut être considérée comme mineure ; seule l'absence partielle de notification de mouvement, lorsqu'une partie des mouvements ont été notifiés, peut justifier l'application d'une sanction inférieure, au taux de 1% ; en l'espèce, l'absence de notification de mouvement d'un lot de cinq agneaux au cours de l'année 2012, qui était le seul mouvement intervenu sur l'exploitation durant cette année, constitue une absence totale de notification des mouvements, ce qui justifie l'application d'une réduction de 3% des aides ; les autres mouvements déclarés concernant l'élevage bovin ne peuvent être pris en compte pour l'appréciation du manquement aux règles d'identification ovine et caprine ; c'est à tort que le tribunal a jugé que la sanction prévue en cas d'absence partielle de notification pouvait être appliquée à l'Earl ; c'est à bon droit que le préfet de la Sarthe a réduit de 3% les aides soumises aux règles de la conditionnalité perçues en 2012 par la société ;
- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés ; en application du III de l'article D. 615-53 du code rural et de la pêche maritime, les agents de l'Agence de services et de paiement étaient compétents pour réaliser le contrôle ; la décision contestée a été signée par le chef du service économie agricole de la direction départementale des territoires de la Sarthe, qui disposait d'une délégation de signature régulière ; enfin, la décision contestée est suffisamment motivée.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2015, l'Earl Ferme de l'Orme, représentée par Me A..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Sarthe d'ordonner le paiement de la somme de 2 660,23 euros dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 février 2013 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 mai 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2016 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006 et (CE) n° 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) n° 1782/2003 ;
- le règlement (CE) n° 1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d'application du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d'aide prévu pour le secteur vitivinicole ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 19 décembre 2005 relatif à l'identification des animaux des espèces ovine et caprine ;
- l'arrêté du 13 septembre 2012 relatif à la mise en oeuvre de la conditionnalité au titre de 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gauthier,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que l'Earl Ferme de l'Orme, dont le gérant est M.C..., exploite dans la commune de Corme (Sarthe) un élevage de bovins, et, à titre accessoire, un élevage d'ovins de la race Bleue du Maine ; que l'entreprise a fait l'objet le 22 octobre 2012 d'un contrôle sur place pour la campagne 2012, portant sur le respect des exigences communautaires d'identification des espèces animales de l'exploitation, dit " contrôle de la conditionnalité des aides ", à l'issue duquel elle a été informée, par un courrier du 20 février 2013, que, compte tenu des anomalies relevées, les aides soumises à la conditionnalité perçues au titre de la campagne 2012 allait être réduites de 3%, et a été invitée à présenter ses éventuelles observations ; qu'après réception des observations formulées le 28 février 2013 par l'Earl Ferme de l'Orme, le préfet de la Sarthe a prononcé, par une décision du 2 septembre 2013, la réduction annoncée ; que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel du jugement du 3 avril 2015 par lequel le tribunal administratif a fait droit à la demande de l'Earl Ferme de l'Orme en annulant la décision contestée ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant qu'en application de l'article 4 du règlement (CE) n° 73/2009 du 19 janvier 2009, tout agriculteur qui perçoit des paiements directs est tenu de respecter les exigences règlementaires en matière de gestion et de bonnes conditions agricoles et environnementales ; qu'en application de l'article 5 du même texte et du point A 8 de l'annexe II au règlement, les exigences règlementaires en matière de gestion portent notamment sur le respect des règles d'identification et d'enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine ; que, par ailleurs, en application de l'article 8 du même règlement, les Etats membres mettent en place un système qui garantit un contrôle efficace du respect de la conditionnalité ; qu'aux termes de l'article 23 de ce règlement : " 1. Lorsque les exigences réglementaires en matière de gestion ou les bonnes conditions agricoles et environnementales ne sont pas respectées à tout moment au cours d'une année civile donnée, ci-après dénommée "année civile concernée" et que la situation de non-respect en question est due à un acte ou à une omission directement imputable à l'agriculteur qui a présenté la demande d'aide durant l'année civile concernée, l'agriculteur concerné se voit appliquer une réduction du montant total des paiements directs octroyés ou à octroyer après application des articles 7, 10 et 11, ou il est exclu du bénéfice de ceux-ci, conformément aux modalités prévues à l'article 24. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 24, intitulé " Modalités applicables aux réductions et exclusions en cas de non-respect des règles de la conditionnalité " : " 1. Les règles détaillées relatives aux réductions et aux exclusions visées à l'article 23 sont fixées conformément à la procédure visée à l'article 141, paragraphe 2. Ce faisant, il est tenu compte de la gravité, de l'étendue, de la persistance et de la répétition de la situation de non-respect constatée ainsi que des critères fixés aux paragraphes 2, 3 et 4, du présent article./ 2. En cas de négligence, le pourcentage de réduction ne peut pas dépasser 5 % ou, s'il s'agit d'un cas de non-respect répété, 15 %. / Dans les cas dûment justifiés, les États membres peuvent décider de ne pas appliquer de réduction, lorsqu'il y a lieu de considérer un cas de non-respect comme mineur, compte tenu de sa gravité, de son étendue et de sa persistance. Toutefois, les cas de non-respect constituant un risque direct pour la santé humaine ou la santé animale ne sont pas considérés comme mineurs. / L'autorité compétente prend les mesures nécessaires qui peuvent, selon le cas, se limiter à une vérification administrative, pour garantir que l'agriculteur remédie à la situation de non-respect constatée, sauf si l'agriculteur a mis en oeuvre une action corrective immédiate mettant fin à la situation de non-respect en question. / La constatation du non-respect mineur et l'obligation de mettre en oeuvre une action corrective sont notifiées à l'agriculteur(...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article D. 615-57 du code rural et de la pêche maritime relatif à la suite des contrôle en matière de conditionnalité des mesures de soutien agricole : " I.-Pour l'application de l'article 23 du règlement du 19 janvier 2009 et des chapitres II et III du titre IV du règlement du 21 avril 2004 susmentionnés, un arrêté du ministre chargé de l'agriculture classe par domaines et sous-domaines subdivisés, le cas échéant, en points de contrôle l'ensemble des cas de non-conformité relatifs au respect des exigences réglementaires en matière de gestion mentionnées à l'article D. 615-45 ou des bonnes conditions agricoles et environnementales mentionnées à la sous-section 2. / (...) III.-Les cas de non-conformité aux exigences relevant du domaine " santé publique, santé des animaux et des végétaux "sont regroupés en deux domaines de contrôle dénommés " santé-productions végétales " et " santé-productions animales" : (...) b) Les cas de non-conformité aux exigences relevant du domaine de contrôle "santé-productions animales" sont classés en sous-domaines relatifs : / (...) -à l'identification et à l'enregistrement, respectivement, des bovins, des porcins, des ovins et caprins. / (...) V.- L'arrêté mentionné au I affecte aux cas de non-conformité une valeur en pourcentage qui prend en compte leur gravité, leur étendue et leur persistance. En ce qui concerne le domaine "protection et bien-être animal" une valeur en pourcentage distincte est affectée à chaque point de contrôle d'un même sous-domaine, en fonction du nombre d'éléments de non-conformité constatés. / Pour l'application du 2 de l'article 24 du règlement du 19 janvier 2009 susmentionné, ce même arrêté détermine, en tenant compte de leur gravité, de leur étendue et de leur persistance, les cas de non-conformité considérés comme mineurs ainsi que le délai dans lequel il peut y être remédié conformément au 2 ter de l'article 66 du règlement (CE) n°796 / 2004 de la Commission du 21 avril 2004 modifié portant modalités d'application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article D. 615-58 du même code : " Lorsque, pour un ou plusieurs des domaines mentionnés à l'article D. 615-57, des cas de non-conformité sont constatés lors du contrôle du respect des bonnes conditions agricoles et environnementales mentionnées à la sous-section 2 et du respect des exigences réglementaires mentionnées au II de l'article D. 615-57, il est déterminé, pour chaque domaine, un pourcentage de réduction. /(...) " ; que l'arrêté du 13 septembre 2012 relatif à la mise en oeuvre de la conditionnalité a défini la grille nationale des cas de non-conformité pour l'année 2012 ; que selon cette grille, s'agissant des cas d'anomalie en ce qui concerne la notification des mouvements des animaux d'espèce ovine ou caprine, les aides sont réduites de 0 % ou 1 % lorsque le nombre de notification absente est située entre 1 et 4 ; que lorsque 5 notifications ou plus sont absentes, le pourcentage de réduction des aides est de 1 % et qu'enfin, en cas d'absence totale de notification de mouvement, le taux de réduction des aides est de 3 % ;
4. Considérant que le préfet de la Sarthe a fondé sa décision du 2 septembre 2013 sur la constatation d'une non-conformité aux règles d'identification et d'enregistrement des ovins, en l'absence de notification du mouvement concernant un lot de cinq agneaux sur le troupeau d'ovins comportant 21 animaux le jour du contrôle ; que, ce mouvement étant le seul événement intervenu en 2012 en ce qui concerne le cheptel ovin, le préfet a estimé qu'il s'agissait d'une absence totale de toute notification de mouvement, justifiant l'application d'un taux de réduction des aides de 3 % ;
5. Considérant cependant qu'en vertu de la grille nationale des anomalies rappelée au point 3, l'absence de notification de mouvement en litige pouvait tout aussi bien relever du cas n° 2 et être qualifiée d'absence de 5 notifications ou plus ; qu'au surplus, cette anomalie, immédiatement corrigée après le contrôle, a été qualifiée de mineure dans le rapport de contrôle établi par les agents de l'Agence de services et de paiement, ; qu'enfin le contrôle qui a, par ailleurs, porté sur le troupeau de bovins comportant 290 animaux, dont l'élevage constitue l'activité principale de la société, n'a révélé aucune autre anomalie ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les juges de première instance ont estimé que l'anomalie litigieuse ne pouvait pas conduire à une sanction supérieure à 1 % des aides perçues et ont, pour ce motif, annulé la décision contestée ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Considérant que l'exécution du présent arrêt n'implique pas que l'administration procède au remboursement de la somme de 2 660,23 euros en litige, mais seulement au réexamen de la situation de l'Earl Ferme de l'Orme ; que, par suite, les conclusions, réitérées en appel par l'Earl Ferme de l'Orme, tendant à ce que le préfet de la Sarthe procède au reversement de la somme correspondant au montant total de la réduction opérée sur les aides perçues au titre de la campagne 2012, majorée des intérêts de retard et de leur capitalisation, ne peuvent qu'être rejetées ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 2 septembre 2013 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que l'Earl Ferme de l'Orme demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à l'Earl Ferme de l'Orme la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'Earl Ferme de l'Orme devant la cour est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à l'Earl Ferme de l'Orme.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Gauthier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 octobre 2016.
Le rapporteur,
E. GauthierLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M.B...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01704