Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 avril 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 13 février 2015 des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer un visa de long séjour à l'enfant Franck Bih.
Par un jugement n° 1505121 du 6 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision, a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement et a condamné l'Etat au versement d'une somme de 1 500 euros en réparation du préjudice moral subi par les demandeurs.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 7 mars 2016, le ministre de l'intérieur conclut à l'annulation de ce jugement et au rejet de la demande présentée par M. et Mme C...devant le tribunal administratif de Nantes.
Le ministre soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a validé une adoption prononcée en méconnaissance du droit camerounais et des principes de l'adoption internationale ;
- le consentement de la mère à l'adoption plénière n'est pas démontré ;
- l'acte de naissance de l'enfant Franck Bih est irrégulier ;
- le tribunal ne pouvait pas condamner l'Etat au versement d'une somme de 1 500 euros en réparation du préjudice qu'auraient subi les intéressés du fait du refus de visa qui leur a été opposé, dès lors qu'aucune demande préalable d'indemnisation n'avait été formée.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2016, M. et MmeC..., représentés par MeB..., concluent :
1°) au rejet du recours ;
2°) par la voie de l'appel incident, à ce que la somme de 1 500 euros au versement de laquelle l'Etat a été condamné en réparation de leur préjudice moral soit portée à
10 000 euros ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent qu'aucun des moyens du ministre n'est fondé, qu'il y a lieu de reprendre les autres moyens soulevés en première instance et que c'est à tort que les premiers juges ont limité à 1 500 euros le montant de l'indemnité accordée au titre de leur préjudice moral.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Massiou a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par un jugement du 3 avril 2014 devenu définitif, le tribunal de première instance du Mfoundi (Cameroun) a prononcé l'adoption plénière par M. et MmeC..., ressortissants français, de l'enfant Franck Bih, né le 15 mars 2013 à Yaoundé ; que
M. et Mme C...ont, le 10 février 2015, sollicité la délivrance d'un visa de long séjour pour cet enfant ; que cette demande a été rejetée par les autorités consulaires françaises à Yaoundé par une décision du 12 février 2015, confirmée le 23 avril suivant par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France au motif que la procédure d'adoption n'était pas conforme aux exigences procédurales camerounaises et heurtait l'ordre public ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 6 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cette dernière décision, lui a enjoint de délivrer le visa sollicité et a condamné l'Etat à verser 1 500 euros à M. et Mme C...en réparation de leur préjudice moral ;
Sur l'appel principal :
S'agissant des conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 avril 2015 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du 3 avril 2014 prononçant l'adoption plénière de l'enfant Franck Bih par M. et MmeC..., dont le caractère authentique n'est pas contesté par le ministre, est devenu définitif ; qu'en conséquence, cette adoption est revêtue de l'autorité de la chose jugée ; que la circonstance, au demeurant non établie, selon laquelle la procédure d'adoption suivie aurait méconnu les exigences du droit camerounais, n'est pas de nature à remettre en cause l'adoption ainsi définitivement prononcée ; que, dès lors, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait fonder sa décision sur la circonstance que la procédure d'adoption en cause n'était pas conforme à ces exigences et heurtait l'ordre public ;
3. Considérant, par ailleurs, que si le ministre soutient que l'acte d'état-civil présenté pour justifier de l'identité de l'enfant Franck Bih serait apocryphe, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation du 23 octobre 2015 établie par l'officier d'état-civil du centre de Nkolfon, que l'acte présenté a été régulièrement établi afin de prendre en compte la nouvelle filiation de cet enfant telle qu'elle résulte de l'application du jugement d'adoption du 3 avril 2014 ; que ce moyen doit en conséquence être écarté ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 22 avril 2015 ;
S'agissant des conclusions à caractère indemnitaire de M. et MmeC... :
5. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C...n'ont pas présenté de demande préalable indemnitaire auprès de l'administration avant qu'il ne soit statué par le tribunal administratif de Nantes sur leurs conclusions à fin de condamnation de l'Etat à leur verser des dommages et intérêts, il ressort de la lecture des mêmes pièces que le ministre de l'intérieur a présenté devant ce même tribunal une défense au fond sans avoir opposé de fin de non-recevoir ; que cette défense peut être regardée, faute de précision en sens inverse, comme ayant porté à la fois sur les conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation de M. et MmeC... ; qu'elle a été, dès lors, de nature à lier le contentieux ; que le ministre de l'intérieur n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser 1 500 euros à M. et Mme C...en réparation de leur préjudice moral ;
Sur l'appel incident :
6. Considérant que le tribunal administratif a fait une juste appréciation du montant du préjudice moral subi par M. et Mme C...en l'évaluant à la somme de 1 500 euros ; que, par suite, les conclusions présentées par ces derniers tendant à ce que cette somme soit portée à un montant de 10 000 euros doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par M. et MmeC... ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : L'appel incident de M. et Mme C...ainsi que leurs conclusions tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. et Mme A...et VirginieC....
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président assesseur,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 octobre 2016.
Le rapporteur,
B. MASSIOULe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00786