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12/10/2016 | FRANCE | N°15NT01263

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 12 octobre 2016, 15NT01263


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 décembre 2011 par laquelle l'inspectrice du travail de la 1ère section de la Sarthe a accordé à Me A...D..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Serim, l'autorisation de procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1201482 du 13 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mé

moire enregistrés les 22 avril 2015 et 3 juin 2016, M. E..., représenté par MeG..., demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 décembre 2011 par laquelle l'inspectrice du travail de la 1ère section de la Sarthe a accordé à Me A...D..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Serim, l'autorisation de procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1201482 du 13 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 avril 2015 et 3 juin 2016, M. E..., représenté par MeG..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 mars 2015 du tribunal administratif de Nantes;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 5 décembre 2011 de l'inspectrice du travail de la 1ère section de la Sarthe ;

3°) de lui allouer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'inspectrice du travail ne pouvait se borner à apprécier les difficultés économiques au regard de la seule situation de l'entreprise sans examiner la situation des sociétés du groupe auquel elle appartient ; la société Sigma doit être regardée comme co-employeur avec la société Serim ;

- l'entreprise n'a pas satisfait à son obligation légale de reclassement interne au sein du groupe ni à son obligation conventionnelle de reclassement ;

- la procédure de convocation à l'entretien préalable est entachée d'irrégularité ; l'adresse de la section de l'inspection du travail d'Eure et Loir, compétente, n'a pas été mentionnée ;

- l'acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle avant autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail entraînant la rupture d'un commun accord du contrat de travail constitue une rupture illicite du contrat de travail ; il a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 15 novembre et son contrat de travail a été rompu le 16 novembre 2011 alors que la décision de l'inspecteur du travail a été accordée le 5 décembre 2011 ;

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juin 2015 et 16 septembre 2016, MeF..., liquidateur judiciaire de la société Serim, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. E... à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Une mise en demeure a été adressée le 30 septembre 2015 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public.

1. Considérant que M. E... relève appel du jugement du 13 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 décembre 2011 par laquelle l'inspectrice du travail de la 1ère section de la Sarthe a accordé à Me A...D..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Serim, l'autorisation de procéder à son licenciement pour motif économique ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. (...) " ; qu' aux termes de l'article L. 1232-4 du même code : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. / Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. / La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. " ;

3. Considérant que la lettre de convocation à l'entretien préalable mentionne les adresses de l'unité territoriale de la Sarthe de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Pays de la Loire, de l'unité territoriale d'Eure-et-Loir de la DIRECCTE du Centre et de la mairie où l'intéressé peut consulter la liste des conseillers pouvant l'assister lors de son entretien ; que, par suite, et alors même qu'elle ne précise pas l'adresse de l'inspection du travail n° 3 " Beauce " de l'unité territoriale d'Eure-et-Loir, dont M. E...n'établit pas, ainsi qu'il l'allègue, que seule celle-ci pouvait lui remettre cette liste, le procédure de convocation n'est pas entachée d'irrégularité ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. ( ... )" ;

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l' ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié ; qu'à ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire ;

6. Considérant que, dès lors que la demande d'autorisation de licenciement fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative, pour apprécier la réalité du motif de cessation d'activité invoqué à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société faisant partie d'un groupe, d'examiner la situation économique des autres entreprises de ce groupe ; qu'il lui incombe, en revanche, de vérifier que la cessation de cette activité est totale et définitive en tenant compte, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité ;

7. Considérant, d'une part, que, par jugement du 18 octobre 2011, le tribunal de commerce du Mans a prononcé la liquidation judiciaire de la société Serim ; qu'il est constant que la cessation d'activité de cette société était totale et définitive ; que, d'autre part, il n'est pas contesté que si la société Serim et la société Sigma Corporation font partie du même groupe Sigma, ont le même dirigeant et leur siège social à la même adresse, elles exercent des activités distinctes ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait entre ces deux sociétés, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre des sociétés appartenant au même groupe, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction caractérisant une situation de co-emploi ; que, par suite, la société Sigma Corporation ne peut être regardée comme co-employeur avec la société Serim, de M.E... ; que, dans ces conditions, compte tenu de la cessation d'activité de la société Serim, la réalité du motif économique de licenciement est établie de sorte que les moyens tirés de ce que la situation du groupe Sigma, qui a connu une croissance de 5% sur l'exercice 2009-2010 et des résultats stables au cours de l'exercice 2010, " excluait que puisse être retenue la réalité du motif économique et le bien fondé du licenciement de M.E... " et que " la qualité de co-employeur de la société Sigma devait incontestablement conduire l'inspection du travail à examiner la situation économique et financière du groupe Sigma " sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : "Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises" ;

9. Considérant, enfin, qu'il est constant que la liquidation judiciaire de la société Serim prononcée par le jugement du 18 octobre 2011 du tribunal de commerce du Mans a entraîné la suppression de la totalité des postes de travail de l'entreprise ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettres du 18 octobre 2011, Me A...D..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire, a interrogé les autres sociétés du groupe Sigma, à savoir les sociétés Sigma Corporation, Atem et Cortinovis, pour connaître tout poste de reclassement disponible, en précisant les qualifications des salariés dont le licenciement était envisagé ; que, par lettre du 19 octobre 2011, ces sociétés ont précisé qu'elles ne disposaient pas de postes de reclassement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le groupe Sigma disposerait, ainsi que le soutient M.E..., d'une société implantée en Chine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le liquidateur judiciaire n'aurait pas satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombe en vertu de l'article L. 1233-4 du code du travail ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 28 de l'accord national de la métallurgie sur les problèmes généraux de l'emploi du 12 juin 1987, si l'entreprise " est amenée à envisager un licenciement collectif d'ordre économique, elle doit : (...) / - rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en particulier dans le cadre des industries des métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi (...) / - informer la commission territoriale de l'emploi (...) " ; qu'il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si les règles de procédure d'origine conventionnelle préalables à sa saisine sont observées ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettres des 17 et 22 novembre 2011, le liquidateur judiciaire de la société Serim a saisi, conformément aux stipulations de l'article 28, les commissions paritaires territoriales de l'emploi de Chartres et du Mans, lesquelles lui ont répondu les 18 et 30 novembre suivants ; que ces lettres étaient accompagnées d'une liste précisant les fonctions et qualifications des salariés de l'entreprise ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le mandataire liquidateur aurait manqué à son obligation conventionnelle de reclassement doit être écarté ; que la circonstance que cette saisine a eu lieu postérieurement à la demande d'autorisation administrative de licenciement de M. E... est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors, et en tout état de cause, que l'inspecteur du travail a été mis à même de s'assurer, avant l'édiction de sa décision d'autorisation, du respect par l'entreprise de cette obligation ; qu'en outre, les recherches de reclassement externe ont été étendues à d'autres sociétés qui ont abouti à des offres d'emploi dont M. E...a été rendu destinataire ;

12. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 1233-66 du code du travail : " Dans les entreprises non soumises à l'article L. 1233-71, l'employeur est tenu de proposer, lors de l'entretien préalable ou à l'issue de la dernière réunion des représentants du personnel, le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique. A défaut d'une telle proposition, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 propose le contrat de sécurisation professionnelle au salarié.(...) " ; que la convention collective du 19 juillet 2011 relative au contrat de sécurisation professionnelle stipule qu'un délai de vingt et un jours est accordé pour accepter ou refuser un tel contrat à partir de la date de la remise du document proposant le contrat de sécurisation professionnelle et que, pour les salariés dont le licenciement est soumis à autorisation, ce délai de réflexion est prolongé jusqu'au lendemain de la date de notification à l'employeur de la décision de l'autorité administrative compétente ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le délai de réflexion accordé à l'intéressé s'est trouvé prolongé, en vertu de ces dispositions, jusqu'au lendemain de la date du 7 décembre 2011 de notification à l'employeur de la décision du 5 décembre 2011 de l'inspecteur du travail, ainsi que cela lui a été rappelé dans la lettre du 31 octobre 2011 adressée par le liquidateur judiciaire l'informant, à la suite du jugement du 18 octobre 2011 du tribunal de commerce du Mans, de sa décision d'engager une procédure de licenciement pour motif économique ; que l'acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle est sans incidence sur la mise en oeuvre de la procédure de protection instituée par le législateur au profit des salariés investis de mandats représentatifs ; que, par suite, le moyen tiré par M. E...de ce qu'il a accepté, le 15 novembre 2011, de bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle et de ce que cette acceptation vaudrait " rupture de son contrat de travail d'un commun accord ", intervenue illégalement avant la décision d'autorisation contestée, doit être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. E...puisse prétendre au bénéfice de ces dispositions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de M.E..., le versement de la somme que MeF..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Serim, demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de MeF..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Serim, tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Me F...es qualité de liquidateur de la société Serim.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2016.

Le rapporteur,

C. BUFFET Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01263


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01263
Date de la décision : 12/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : CABINET BEZARD GALY COUZINET CONDON

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-10-12;15nt01263 ?
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