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07/10/2016 | FRANCE | N°15NT00796

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 octobre 2016, 15NT00796


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Celtipharm a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 juin 2012 du groupement d'intérêt économique (GIE) Sesam-Vitale refusant de faire droit à sa demande tendant à l'obtention de clés de déchiffrement des feuilles de soins électroniques et, à titre subsidiaire, la décision du 18 octobre 2011 du même groupement, ainsi que d'enjoindre à ce groupement de lui autoriser l'accès à une boîte noire contenant les clés de déchiffrement ou, le cas échéa

nt, de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 1208266 du 30 décembre 2014, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Celtipharm a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 juin 2012 du groupement d'intérêt économique (GIE) Sesam-Vitale refusant de faire droit à sa demande tendant à l'obtention de clés de déchiffrement des feuilles de soins électroniques et, à titre subsidiaire, la décision du 18 octobre 2011 du même groupement, ainsi que d'enjoindre à ce groupement de lui autoriser l'accès à une boîte noire contenant les clés de déchiffrement ou, le cas échéant, de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 1208266 du 30 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 26 juin 2012 du GIE Sesam-Vitale et a enjoint à celui-ci de réexaminer la demande de la SA Celtipharm.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 mars 2015 et 10 mai 2016, le groupement d'intérêt économique Sesam-Vitale, représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 décembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SA Celtipharm devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de cette société le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le litige n'a pas perdu son objet du fait que le jugement attaqué a fait l'objet d'une mesure d'exécution ;

- les dispositions de l'article 10 du contrat constitutif du GIE n'ont jamais eu pour objet de permettre à tout tiers d'utiliser les systèmes d'échanges sécurisés et services associés ; seuls les tiers ayant la qualité d'AMx peuvent avoir accès au système Sesam-Vitale ; le juge devait rechercher l'intention des parties quant à la définition de la notion de tiers ; la société Celtipharm, qui n'est pas un organisme dispensant des prestations d'assurance maladie complémentaire, n'appartient pas à la catégorie des AMx ;

- la demande de la société Celtipharm du 20 avril 2012 était contraire aux dispositions de la loi du 17 juillet 1978 d'autant qu'il n'existait pas de garantie assurant une parfaite protection de la vie privée et du secret médical dans le cadre du traitement des données issues des feuilles de soins électroniques ; les finalités du traitement telles qu'autorisées par la délibération de la CNIL, qui ne s'inscrivent pas dans le cadre de la promotion du système Sesam-Vitale, ne peuvent être regardées comme légitimes au sens de la loi du 17 juillet 1978 ;

- les finalités de l'activité poursuivie par un tiers souhaitant accéder au système Sesam-Vitale doivent être conformes à l'intérêt commun des membres du GIE et relèvent de leur seule compétence ; en l'absence de toute décision expresse des membres du GIE il n'appartient pas au juge d'interpréter la conformité des finalités poursuivies par un tiers avec l'intérêt commun des membres du groupement, lequel doit être interprété strictement ;

- la société Celtipharm ne peut se prévaloir des stipulations du contrat constitutif du GIE par rapport auquel elle est tiers.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2015, la SA Celtipharm, représentée par Me A...et MeB..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, au GIE Sesam-Vitale de lui autoriser l'accès à une boîte noire contenant les clés de déchiffrement dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du GIE Sesam-Vitale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du GIE du 18 mars 2015, prise en exécution du jugement attaqué, prive d'objet la présente requête ;

- les moyens soulevés par le GIE Sesam-Vitale ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., substituant MeC..., représentant le GIE Sesam-Vitale.

1. Considérant que le groupement d'intérêt économique (GIE) Sesam-Vitale a été créé le 1er octobre 1994 sur le fondement des dispositions de l'article L. 115-5 du code de la sécurité sociale, qui prévoient que les caisses nationales des régimes de base d'assurance maladie peuvent constituer un GIE afin de lui confier des tâches communes de traitement de l'information ; que les principales fédérations et organisations d'assurance maladie complémentaires ont au cours de l'année 2000 rejoint ce GIE, qui regroupe aujourd'hui l'ensemble des régimes d'assurance maladie obligatoire et des organismes d'assurance maladie complémentaire ; que le GIE Sesam-Vitale a, dans le cadre de sa mission de service public, notamment pour objet la gestion et la promotion de la carte Vitale ; que des clés de chiffrement et de déchiffrement de certaines données sensibles ont été mises au point par lui et sont activées chaque fois que des feuilles de soins électroniques, qui contiennent des données de santé à caractère personnel, sont échangées entre les professionnels de santé et l'assurance maladie ; que la société anonyme Celtipharm, qui souhaitait réaliser des études pharmaco-épidémiologiques à partir des données des feuilles de soins électroniques en vue de les commercialiser auprès des industriels du médicament et avait obtenu à cette fin l'autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) par une délibération du 8 septembre 2011, s'est vu opposer par le GIE Sesam-Vitale, le 26 juin 2012, un refus de communication des clés de déchiffrement des feuilles de soins électroniques ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant, notamment, à l'annulation de cette décision ; que le GIE Sesam-Vitale relève appel du jugement du 30 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 26 juin 2012 ;

2. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient en défense la société Celtipharm, la circonstance que, par une décision du 18 mars 2015 prise à la suite du jugement attaqué, le comité directeur du GIE Sesam-Vitale, après avoir procédé à un nouvel examen de sa demande, a réitéré le refus du groupement de lui communiquer les clés de déchiffrement litigeuses n'a pas pour effet de rendre sans objet le présent litige ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 des statuts modifiés du GIE Sesam-Vitale : " Le Groupement d'Intérêt Economique Sesam-Vitale a pour objet : l'étude, la réalisation, la normalisation, l'émission, la gestion et la promotion de la carte d'assurance maladie carte vitale définie par l'article R. 161-33-l du code de la sécurité sociale : l'étude, la réalisation, la normalisation, la gestion et la promotion des systèmes d'échanges sécurisés, dont Sesam et les flux de facturation, ainsi que les services associés à l'exclusion du service des prestations, entre les acteurs des systèmes d'information de santé et, notamment, entre les offreurs de soins, les structures dans lesquelles ils exercent et les organisations d'assurance maladie obligatoire et complémentaire. A cet effet, il est notamment chargé : de l'homologation des produits et logiciels nécessaires à son objet, de la coordination des projets internationaux entrant dans le cadre de son objet. " ; que l'article 10 de ces statuts indique : " L'utilisation par des tiers des systèmes d'échanges sécurisés et des services associés s'inscrit dans l'intérêt commun des membres du G.I.E. SESAM-Vitale. / Cette utilisation s'effectue sur décision du Comité Directeur du G.I.E. SESAM-Vitale et selon des modalités définies au Règlement Intérieur et Financier. " ; qu'enfin les décisions n° 770 et 771 du comité directeur du groupement adoptées le 13 octobre 2004 prévoient que : " les membres reconnaissent à l'unanimité que l'accès au système Sesam-Vitale pour des organismes non-membres du GIE (AMx) contribue à la promotion du système Sesam-Vitale et s'inscrit en conformité avec l'intérêt de ses membres, dans le respect de son objet social " et que : " les membres ont décidé qu'un droit d'usage du système sesam-Vitale sera perçu des organismes complémentaires qui n'appartiendraient pas à des fédérations ou organismes professionnels regroupant des organismes d'assurance maladie complémentaire ou dont les fédérations ou organisations professionnelles n'auraient pas signé l'accord cadre (AMx) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions statutaires et décisions que l'accès aux systèmes d'échange sécurisés et services associés mis en place et gérés par le GIE Sesam-Vitale est réservé aux seuls membres de ce groupement et que leur utilisation par des tiers ne peut être entendue qu'en ce qui concerne les organismes non membres dispensant des prestations d'assurance maladie complémentaires et dénommés AMx ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'ont estimé les juges de première instance, il n'était pas de la volonté des membres fondateurs du GIE Sesam-Vitale de permettre à tout type de tiers, quelle que soit la finalité qu'il poursuit, d'accéder aux données confidentielles transitant par les systèmes d'échanges sécurisés concernés ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 26 juin 2012 du GIE Sesam-Vitale au motif que, les textes régissant son activité ne révélant pas une incompatibilité entre l'intérêt commun de ses membres et l'exploitation des données envisagée par la SA Celtipharm, cette décision de refus était entachée d'erreur de droit ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SA Celtipharm tant devant le tribunal administratif de Nantes que devant elle ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 12.5 des statuts modifiés du GIE Sesam-Vitale : " Hormis les sujets qui relèvent de l'Assemblée Générale en application de l'article 11 du présent Contrat, le Comité Directeur est l'organe de mise en oeuvre des orientations générales définies par les membres du Groupement et par l'Assemblée générale. / Le Comité Directeur nomme le Directeur et règle par ses décisions les activités du Groupement. (...) " ; qu'aux termes de l'article 14 des mêmes statuts : " (...) Le Directeur assure le fonctionnement du Groupement sous l'autorité du Comité Directeur du Groupement dans les conditions fixées par le Règlement Intérieur et Financier. (...) " ; qu'il ressort de ces dispositions combinées qu'en dehors des attributions explicitement dévolues à l'assemblée générale, le comité directeur a compétence pour prendre toute décision visant à mettre en oeuvre les missions du GIE Sesam-Vitale et, notamment, pour autoriser un tiers à accéder aux traitements de données personnelles et aux services associés dont le GIE assume la responsabilité ; que, par suite, le directeur du groupement n'avait pas compétence pour prendre la décision du 26 juin 2012 refusant à la SA Celtipharm l'accès aux clés de déchiffrement des feuilles de soins électroniques ; qu'ainsi la décision contestée, laquelle devait être regardée comme faisant grief ainsi que l'ont estimé à juste titre les juges de première instance, ne pouvait qu'être annulée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GIE Sesam-Vitale n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision en date du 26 juin 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Celtipharm, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au GIE Sesam-Vitale de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du GIE Sesam-Vitale le versement à la société Celtipharm d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du GIE Sesam-Vitale est rejetée.

Article 2 : Le GIE Sesam-Vitale versera à la société Celtipharm la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement d'intérêt économique Sesam-Vitale et à la société Celtipharm.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Lemoine, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 octobre 2016.

Le rapporteur,

Mme Le Bris

Le président,

I. Perrot

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°15NT00796


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00796
Date de la décision : 07/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Compétence - Compétence en matière de décisions non réglementaires - Autorités diverses.

Droits civils et individuels.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : D4 AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-10-07;15nt00796 ?
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