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05/10/2016 | FRANCE | N°16NT01671

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 octobre 2016, 16NT01671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 février 2015 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreint à une obligation de pointage, et d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement, ou à titre

subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 février 2015 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreint à une obligation de pointage, et d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1405505, 1504894, 1504945 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de renouvellement de titre de séjour et a, compte tenu de sa décision d'annuler la mesure d'éloignement de MmeB..., l'épouse du requérant, annulé l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. D... ainsi que la décision fixant le pays de destination.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2016, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 janvier 2016 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation du refus de renouvellement de titre de séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ; les premiers juges ont estimé à tort qu'il n'avait pas formé de demande de titre de séjour sur le fondement subsidiaire de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 4 de l'arrêté ministériel du 9 novembre 2011 ; on lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé avec un taux de handicap compris entre 50 et 80% ; les médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas disponibles en Géorgie ;

- la décision contestée est en outre entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est admis au séjour depuis six ans en France en raison de son état de santé et a la qualité de travailleur handicapé avec un degré très important de handicap ; sa fille est scolarisée en France ; son épouse Mme B...a été déchue de la nationalité géorgienne et on lui a refusé la nationalité russe.

Une mise en demeure a été adressée le 17 août 2016 au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur.

1. Considérant que M.D..., ressortissant géorgien, est entré irrégulièrement en France le 13 août 2009 et a sollicité auprès du préfet d'Ille-et-Vilaine un titre de séjour en raison de son état de santé ; qu'un tel titre lui a été accordé et renouvelé jusqu'au 2 novembre 2012, et que son renouvellement a été refusé par arrêté du 9 octobre 2013 puis, après le retrait du précédent, par arrêté du 17 février 2015, ce refus étant assorti d'une obligation de quitter le territoire français à destination de la Géorgie et d'une obligation de pointage ; que M. D...relève appel du jugement n° 1405505, 1504894, 1504945 du 21 janvier 2016, en tant que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de renouvellement de son titre de séjour ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté contesté et de la méconnaissance de l'obligation d'examen personnel de la demande de titre de séjour, que le requérant reprend en appel sans apporter de précision supplémentaire, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges au point 6 du jugement attaqué ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...). Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; que l'article 4 de l'arrêté ministériel du 9 novembre 2011 précise que : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant :- si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;- si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois " ;

4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que, pour refuser de renouveler la carte de séjour temporaire de M.D..., le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est fondé sur l'avis émis le 28 octobre 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé de la région Bretagne, selon lequel l'état de santé du requérant ne nécessite pas une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour celui-ci des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que M.D..., qui révèle souffrir d'un grave état dépressif et de troubles cognitifs sérieux, n'apporte pas d'éléments susceptibles d'infirmer l'avis précité du médecin de l'agence régionale de santé ; qu'il ne peut dès lors se prévaloir utilement de la circonstance, au demeurant contredite par les pièces produites par le préfet d'Ille-et-Vilaine en première instance, que les médicaments qui lui ont été prescrits en France depuis 2011 ne seraient pas disponibles en Géorgie ; que, par suite, la décision contestée refusant de renouveler son titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

8. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que si les dispositions de l'article L. 313-14 du code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à la règle rappelée ci-dessus ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ; qu'il en résulte que M. D...ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M.D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation du refus de renouvellement de son titre de séjour ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2016.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16NT01671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01671
Date de la décision : 05/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-10-05;16nt01671 ?
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