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03/10/2016 | FRANCE | N°15NT01257

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 octobre 2016, 15NT01257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes la Sarl Etablissement Carlier, ancienne exploitante d'une station-service à Chateaurenard (Loiret), a respectivement demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision implicite née le 25 juin 2013, par laquelle le préfet du Loiret a refusé de mettre en cause la société Total Raffinage Marketing comme co-exploitante de cette station service et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 16 juin 2014 par lequel le préfet du Loiret a prescrit à son encont

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes la Sarl Etablissement Carlier, ancienne exploitante d'une station-service à Chateaurenard (Loiret), a respectivement demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision implicite née le 25 juin 2013, par laquelle le préfet du Loiret a refusé de mettre en cause la société Total Raffinage Marketing comme co-exploitante de cette station service et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 16 juin 2014 par lequel le préfet du Loiret a prescrit à son encontre la consignation d'une somme de 15 000 euros correspondant au montant estimé des mesures prescrites pour la remise en état du site.

Par un jugement n°s 1302257 et 1403029 du 24 février 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 20 avril et 28 décembre 2015 et le 1er mars 2016, la Sarl Etablissement Carlier, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 février 2015 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Loiret des 25 juin 2013 et 16 juin 2014.

La société soutient que :

- Sur la mise en cause de la société Total en qualité d'exploitante :

. afin d'assurer la mise en oeuvre de la charte de l'environnement, qui a valeur constitutionnelle, et notamment du principe pollueur-payeur, l'article L.160-1 du code de l'environnement définit l'exploitant comme toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui exerce ou contrôle effectivement, à titre professionnel, une activité économique lucrative ou non lucrative ; tel était le cas de la société Total ; la préfecture ne saurait limiter la responsabilité de l'activité à la seule Sarl Etablissement Carlier, d'autant plus qu'elle était informée depuis 1995 de l'intervention de la société Total dans la conception des installations.

.les hydrocarbures déversés accidentellement constituent des déchets au sens de la directive 2006/12/CE du 5 avril 2006, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la CJUE ; la responsabilité de Total, restée propriétaire de ces déchets, doit être recherchée ;

. s'il n'est pas discutable que les terres de la station-service ont reçu des hydrocarbures, les rapports techniques ne déterminent pas la cause et la date d'introduction dans le sol, et il n'est pas établi qu'une fuite dans les installations de la station-service soit à l'origine de cette pollution ;

. si cet arrêté qui concerne la récupération par pompage-écrémage de la lentille de produit, ces hydrocarbures, devenu déchets en se déversant dans le sol, n'ont jamais appartenu à la Sarl Etablissement Carlier et sont le résultat du fonctionnement normal de la station service. Ces frais doivent donc être mise à la charge de Total, producteur et propriétaire de ces déchets sur le fondement de l'article L. 541-2 du code de l'environnement ;

- Sur l'arrêté de consignation :

. l'absence de communication du rapport de l'inspection des installations classées ne permet pas à la Sarl Etablissement Carlier de connaître le raisonnement ayant conduit à valider le montant de la somme consignée, soit 15 000 euros ;

. cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, dès lors que le montant consigné est très inférieur aux sommes nécessaires pour la récupération de la phase surnageant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 décembre 2015 et 7 janvier 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires, enregistrés les 29 septembre 2015 et les 5 février et 13 mai 2016, la société Total Marketing France conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la Sarl Etablissement Carlier au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement ;

- la directive n°2008/98 du 19 novembre 2008 relative aux déchets ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- les observations de MeA..., représentant la société Carlier, et celles de MeC..., pour la société Total Marketing Finances.

1. Considérant que le 29 janvier 2010, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) a dressé un procès-verbal d'infraction à l'encontre de la société Etablissement Carlier, en raison de la fuite d'hydrocarbures depuis l'aire de la station-service que cette société exploitait à Châteaurenard (Loiret) et de la pollution aux hydrocarbures de la rivière l'Ouanne qui en a résulté ; que, par lettre du 7 juin 2010, la société Etablissement Carlier a informé le préfet du Loiret de sa cessation d'activité, intervenue le 15 décembre précédent ; que, le 7 octobre 2010, une nouvelle pollution aux hydrocarbures a été constatée, en provenance de la station-service, dans le même cours d'eau ; que, par arrêté du 27 mars 2012, qui n'a pas été contesté par l'intéressée, le préfet du Loiret a imposé à la société Etablissement Carlier des prescriptions spéciales dans le cadre de la cessation d'activité de la station-service, sur le fondement des articles L.512-12 et R.512-66-2 du code de l'environnement ; que, par courrier du 30 août 2012, le préfet du Loiret a informé cette société de l'insuffisance des mesures mises en oeuvre au regard des prescriptions spéciales ; que, le 21 février 2013, un nouveau cas de pollution aux hydrocarbures des eaux de l'Ouanne a été constaté ; que par un nouvel arrêté en date du 28 mars 2013, la société Etablissement Carlier a été mise en demeure de réaliser les prescriptions de l'arrêté du 27 mars 2012 ; que par lettre du 25 avril 2013 restée sans réponse, cette société a demandé au préfet d'imposer à la société Total Raffinage Marketing (" la société Total ") l'obligation de participer, conjointement avec elle, aux obligations de dépollution du site et de lui notifier les mêmes obligations ; qu'enfin par arrêté du 16 juin 2014, le préfet du Loiret a pris à l'encontre de la société Etablissement Carlier une mesure de consignation de fonds en raison du non-respect des prescriptions des articles 2, 3 et partiellement 4 de l'arrêté de mise en demeure du 28 mars 2013 ; que la Sarl Etablissement Carlier relève appel du jugement en date du 24 février 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation du refus implicite du préfet du Loiret de mettre à la charge de la société Total Raffinage marketing, conjointement avec elle, les obligations de dépollution du site et, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté de consignation du 16 juin 2014 ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus du préfet du Loiret de considérer la société Total comme co-exploitant :

S'agissant des écritures de la société Total :

2. Considérant que la société Total, qui aurait eu qualité pour faire tierce opposition au jugement n°1302257 du tribunal administratif d'Orléans du 24 février 2015 si les premiers juges avaient fait droit aux prétentions de la société Etablissement Carlier et qui a intérêt au maintien de ce jugement, doit être regardée comme partie à la présente instance :

S'agissant de la légalité du refus implicite opposé par le préfet du Loiret :

3. Considérant, en premier lieu, que les articles L.512-8, L.512-9, R.512-47 et suivants du code de l'environnement soumettent à déclaration, auprès du préfet du département, les installations qui ne présentent pas de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L.511-1 du code de l'environnement mais qui doivent néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le préfet en vue d'assurer dans le département la protection de ces intérêts ; qu'aux termes de l'article R. 512-47 du même code, la déclaration doit notamment mentionner, si le déclarant est une personne physique, ses noms, prénoms et domicile, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, l'adresse de son siège social ainsi que la qualité du signataire de la déclaration, l'emplacement sur lequel l'installation doit être réalisée, la nature et le volume des activités que le déclarant se propose d'exercer ; que, lorsque les conditions prévues par ces dispositions sont réunies, le préfet donne récépissé de la déclaration et communique au déclarant une copie des prescriptions générales applicables à l'installation ; qu'aux termes de l'article L.512-12 du même code : " Si les intérêts mentionnés à l'article L.511-1 ne sont pas garantis par l'exécution des prescriptions générales contre les inconvénients inhérents à l'exploitation d'une installation soumise à déclaration, le préfet, éventuellement à la demande des tiers intéressés et après avis de la commission départementale consultative compétente, peut imposer par arrêté toutes prescriptions spéciales nécessaires. " ; qu'aux termes de l'article L.512-12-1 du même code : " Lorsque l'installation soumise à déclaration est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant place le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L.511-1 et qu'il permette un usage futur comparable à la dernière période d'activité de l'installation. (...) " ; que l'article R.512-66-2 prévoit qu'à tout moment, même après la remise en état du site, le préfet peut imposer à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article L.512-12 précité, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L.511-1 ;

4. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions du code de l'environnement que l'obligation de remettre en état le site d'une installation classée qui a fait l'objet d'une déclaration pèse sur l'exploitant de cette installation, lequel doit s'entendre, au sens du titre premier du livre V du code de l'environnement, comme le déclarant, titulaire du récépissé de la déclaration ; que la société Etablissement Carlier, qui a effectué, le 18 février 2008, la déclaration prévue par les dispositions des articles L.512-8 et suivants du code de l'environnement, et n'est pas fondée à se prévaloir de la déclaration du 19 avril 1995 par laquelle M.B..., ancien exploitant de la station service, a informé l'administration de changements apportés à la conduite de l'activité, est l'unique titulaire du récépissé de déclaration délivré le 21 février 2008 par le préfet du Loiret ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la Sarl Etablissement Carlier soutient que la société Total devrait néanmoins être considérée comme co-exploitante de la station-service sur le fondement des dispositions de l'article L. 160-1 du code de l'environnement, aux termes desquelles : " L'exploitant s'entend de toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui exerce ou contrôle effectivement, à titre professionnel, une activité économique lucrative ou non lucrative. " ;

6. Considérant, toutefois, que la Sarl Etablissement Carlier n'est pas fondée à invoquer ces dispositions, figurant au titre du code de l'environnement relatif à la " Prévention et réparation de certains dommages causés à l'environnement ", à l'encontre d'une décision prise sur le fondement de la police des installations classées, qui relève d'un régime distinct ; qu'en tout état de cause, elle ne saurait, à l'appui de l'argumentation développée au point précédent, se référer à l'existence des clauses contractuelles la liant à son mandant, qui sont inopposables à l'administration ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la Sarl Etablissement Carlier invoque la responsabilité encourue par la société Total sur le fondement de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, en tant que détenteur des déchets que constitueraient les sols souillés par les hydrocarbures dont cette dernière société serait demeurée propriétaire ; que toutefois un tel moyen ne peut en tout état de cause qu'être écarté dès lors qu'à la date du refus implicitement opposé par le préfet du Loiret, soit le 25 juin 2013, l'article L. 541-4-1 du code de l'environnement pris pour l'application de la directive susvisée du 19 novembre 2008 excluait expressément les sols pollués non excavés du champ d'application de la législation relative aux déchets prévue au titre IV du livre V du code de l'environnement ;

En ce qui concerne l'arrêté de consignation du 16 juin 2014 :

8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la Sarl Etablissement Carlier a été mise en mesure, avant la notification de cet arrêté de consignation, de faire valoir ses observations ; qu'aucune règle de droit ne faisait obligation à l'autorité administrative de communiquer au préalable à l'exploitant les propositions de l'inspection des installations classées au vu desquelles le préfet a arrêté le montant à consigner ;

9. Considérant, d'autre part, que la Sarl Etablissement Carlier, qui n'a contesté ni l'arrêté de prescriptions du 27 mars 2012 ni l'arrêté de mise en demeure du 28 mars 2013, n'établit en tout état de cause pas l'irrégularité de la mesure de consignation mise à sa charge en se bornant à alléguer que la somme de 15 000 euros ainsi consignée ne suffirait pas à assurer l'exécution des prescriptions en cause ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Sarl Etablissement Carlier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Sarl Etablissement Carlier le versement à la société Total Marketing France d'une somme au titre des frais engagés pour l'instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Sarl Etablissement Carlier est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Total Marketing France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Etablissement Carlier, à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et à la société Total Marketing France.

Copie en sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2016.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

2

N° 15NT01257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01257
Date de la décision : 03/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : JOURDAN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-10-03;15nt01257 ?
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