Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...A...épouse F...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 1er mars 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du consul général de France à Tananarive (Madagascar) refusant la délivrance des visas de long séjour sollicités pour Mlles Passarella et Saviolla A...en qualité d'enfants étrangers mineurs d'une ressortissante française.
Par un jugement n° 1204725 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2015, Mme E...A...épouseF..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 décembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 1er mars 2012 ;
3°) d'enjoindre au ministre, à titre principal, de délivrer les visas sollicités dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer les demandes de visa en litige dans un délai de deux mois, dans les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration n'a pas informé les intéressées de l'engagement des vérifications des actes d'état civil étrangers produits à l'appui de la demande de visas de ses enfants, et ne leur a pas permis de présenter des observations, en méconnaissance des articles 22-1 et 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- le jugement du tribunal administratif est entaché d'une contradiction de motifs ; aucune pièce n'est produite pour justifier des allégations selon lesquelles elle ne serait pas la véritable mère des enfants ; la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme des jugements supplétifs d'actes de naissance n'est pas apportée ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur ;
- et les observations de MeG..., représentant MmeA....
1. Considérant que MmeA..., née en 1954 à Madagascar, est entrée en France en 2001 et a obtenu la nationalité française en 2005, par déclaration, suite à son mariage en 2002 avec M. F... ; que le consul général de France à Tananarive a rejeté les demandes de délivrance de visas de long séjour présentées le 3 mai 2011 au nom de ses filles alléguées, Mlles Passarella et SaviollaA..., nées respectivement le 5 juillet 1999 et le 5 mars 2001 à Madagascar, en qualité d'enfants étrangers mineurs de ressortissante française ; que le recours formé contre la décision consulaire a été rejeté le 1er mars 2012 par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que Mme A...relève appel du jugement du 29 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 1er mars 2012 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions des articles D. 211-5 à D. 211-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à la décision de refus de visa prise par les autorités diplomatiques ou consulaires ; que par suite, la décision du 1er mars 2012 prise par cette commission sur le recours de Mme A...s'étant substituée à la décision du consul général de France à Tananarive, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie par cette même autorité, au regard des dispositions de l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000, est inopérant ;
3. Considérant, en second lieu, que Mme A...n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 aux termes desquelles : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ", dès lors que la décision contestée, qui a été prise sur demande de l'intéressée et pour le compte de Mlles Passarella et SaviollaA..., qu'elle présente comme ses filles, relève de l'exception prévue par ces dispositions ; que, par ailleurs, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a retenu l'absence d'établissement du lien de filiation entre Mme A...et Mlles Passarella et Saviolla A...en se fondant sur les jugements supplétifs que Mme A... reconnaît dans ses propres écritures avoir elle-même produit à l'appui des demandes de visa et sur les déclarations faites sur place par le tuteur légal des enfants lors du dépôt des demandes ; qu'ainsi contrairement à ce que soutient la requérante, la commission de recours n'était pas tenue d'inviter les intéressées à présenter des observations ; qu'en outre, elle ne peut soutenir que les jugements supplétifs n'ont pas été versés au débat ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général des droits de la défense ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l 'article 47 du code civil " ; et qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ; que, s'il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle, elles sont, en revanche, en droit de contester l'authenticité d'un document présenté comme constituant une telle décision ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter le recours dont elle était saisie contre les refus de visa opposés à Mlles Passarella et SaviollaA..., la commission de recours s'est fondée sur la circonstance que, lors du dépôt des demandes de visa auprès du consulat général de France à Tananarive, M. D...C..., qui a été désigné tuteur légal des enfants Passarella et Saviolla A...par une ordonnance du juge des enfants du tribunal de première instance d'Antananarivo du 7 avril 2011, a déclaré que leur mère biologique était décédée en mai 2001 et que, les actes de naissance des enfants n'ayant pas été retrouvés, des jugements supplétifs avaient été établis désignant MmeA..., leur grand-mère, en tant que leur mère, et qu'ainsi le lien de filiation n'était pas établi par les jugements supplétifs présentés à l'appui des demandes de visa ; que l'avis consulaire du 28 avril 2015, produit par le ministre en appel, atteste que M. C...a tenu ces déclarations antérieurement à la décision contestée ; qu'en outre, il n'est pas contesté que les jugements supplétifs n° 451 du 11 avril 2007 et n° 404 du 8 février 2010 ne sont pas conformes à la législation malgache, en particulier la loi n° 61-025 du 9 octobre 1961 relative à l'état civil, en ce que ces jugements ne comportent pas les énonciations prévues pour les actes de naissance, notamment les date et lieu de naissance de Mme A..., présentée comme la mère des enfants, ni que le jugement supplétif rendu le 11 avril 2007 ne pouvait être transcrit dès le 24 avril 2007 dans les registres d'état civil, soit avant l'expiration du délai d'appel d'un mois, et celui rendu le 8 février 2010 le jour même ; que ces éléments sont au nombre de ceux mentionnés à l'article 47 du code civil propres à établir qu'un acte d'état civil étranger est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité et que, par suite, cet acte ne fait pas foi ; qu'enfin, la requérante, qui n'avait pas mentionné l'existence de ces enfants au moment de son acquisition de la nationalité française, n'allègue ni ne produit aucun élément de nature à établir la possession d'état ; que, dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a entaché sa décision ni d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation en estimant que la réalité du lien de filiation n'était pas établie ;
6. Considérant qu'en l'absence de preuve du lien de filiation entre Mme A...et les deux enfants, la requérante ne peut soutenir utilement que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des intéressées protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché de contradiction de motifs, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'implique aucune mesure d'exécution ; que dés lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A...ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...épouse F...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 juillet 2016.
Le rapporteur,
J. FRANCFORT
Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
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N° 15NT00819