Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 janvier 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1303130 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 15 septembre 2015 et le 2 décembre 2015, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Nantes, sa décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le caractère ancien des faits n'est pas établi et que ceux-ci présentent une gravité certaine ;
- en tout état de cause, il peut être procédé à une substitution de motif, l'intéressé ayant séjourné irrégulièrement sur le territoire français entre les années 1995 et 2001.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2015, et un mémoire, enregistré le 8 juin 2016, M.B..., représenté par MeA..., conclut au rejet du recours du ministre et à ce qu'une somme de 2000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet.
1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 7 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M.B..., la décision du 29 janvier 2013 par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté sa demande de naturalisation ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (... ) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
3. Considérant que pour rejeter la demande de naturalisation de l'intéressé, le ministre de l'intérieur s'est exclusivement fondé sur les faits d'escroquerie et de tentative d'escroquerie dont M. B...s'est rendu coupable en 2001 ; que si ces faits, dont la matérialité n'est pas contestée, présentent certes un caractère de gravité, le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de naturalisation de M. B...pour ce motif compte tenu de leur ancienneté et de l'absence non contestée de toute nouvelle infraction commise par le requérant ;
4. Considérant toutefois que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée ou a été obtenue par le demandeur devant le premier juge est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même les parties de présenter leurs observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas l'auteur de la demande à fin d'annulation de ladite décision d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
5. Considérant que pour établir que la décision contestée est légale, le ministre de l'intérieur invoque, en appel, un autre motif tiré de ce qu'il aurait pris la même décision en se fondant sur le séjour irrégulier du postulant entre les années 1995 et 2001 ;
6. Considérant que si le ministre peut, sans erreur de droit, opposer un tel motif pour ajourner ou rejeter la demande de naturalisation du postulant, il ne saurait, en l'absence de toute autre circonstance, retenir ce seul motif lorsque l'ancienneté de ces faits est telle qu'elle est de nature à entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant que le ministre estime que la circonstance que le postulant a séjourné irrégulièrement sur le territoire français de 1995 à 2001 en méconnaissance de la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers, est de nature à justifier le rejet de sa demande de naturalisation ; que, toutefois, les faits de séjour irrégulier de M.B..., dont le terme remonte à plus de onze ans par rapport à la date de la décision contestée, ne sont pas à eux seuls de nature à justifier le rejet de la demande de naturalisation présentée par l'intéressé ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs présentée par le ministre ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 juillet 2015 attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 29 janvier 2013 ;
Sur les conclusions en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à verser à M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...B....
Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.
Le rapporteur,
J-F. MILLETLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02830