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30/06/2016 | FRANCE | N°14NT02690

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 juin 2016, 14NT02690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... G..., épouse de M. E...D..., et MM.B..., H...et F...D..., leurs fils, ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier Charcot de Caudan (Morbihan) à les indemniser des préjudices résultant du décès de leur mari et père survenu dans cet établissement le 5 juin 2007.

Par un jugement n° 1201055 du 21 août 2014, le tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier Charcot de Caudan à leur verser la somme globale de 44 371,10 euros assortie

des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2012 et de leur capitalisatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... G..., épouse de M. E...D..., et MM.B..., H...et F...D..., leurs fils, ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier Charcot de Caudan (Morbihan) à les indemniser des préjudices résultant du décès de leur mari et père survenu dans cet établissement le 5 juin 2007.

Par un jugement n° 1201055 du 21 août 2014, le tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier Charcot de Caudan à leur verser la somme globale de 44 371,10 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2012 et de leur capitalisation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 octobre 2014 et 1er avril 2016 Mme J... D...et MM. B..., H...et F...D..., représentés par Me L'Hostis, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 août 2014 en tant qu'il a limité le montant de la réparation de leurs préjudices à 44 371,10 euros ;

2°) de porter cette somme à 188 152,35 euros et de l'assortir des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2012 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Caudan le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la faute et la responsabilité du centre hospitalier en raison d'un défaut de surveillance sont parfaitement établies ; le régime d'hospitalisation du patient est sans incidence sur cette responsabilité ;

- les frais d'obsèques et de sépulture de M. E...D...se sont élevés à 4 220,10 euros ;

- le préjudice économique de Mme J...D...est de 89 942,25 euros par an ;

- leur préjudice d'affection est important compte tenu des conditions du décès de leur mari et père ; il doit être évalué à 40 000 euros pour l'épouse et à 18 000 euros pour chacun des enfants.

Par des mémoires enregistrés les 2 juillet 2015 et 19 avril 2016, le centre hospitalier Charcot de Caudan, représenté par Me Boizard, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a reconnu sa responsabilité et au rejet des conclusions de première instance et d'appel des consortsD..., et, à titre subsidiaire, à ce que les prétentions indemnitaires de ces derniers soient ramenées à de plus justes proportions en ce qui concerne leurs préjudices extrapatrimoniaux, enfin de condamner les requérants aux frais et dépens de l'instance.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par les consorts D...ne sont pas fondés ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée ;

- le préjudice économique de Mme D...n'est pas établi.

La clôture de l'instruction a été reportée au 22 avril 2016 à 12 heures par une ordonnance du 1er avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- les observations de MeA..., substituant Me L'Hostis, avocat des consortsD...,

- et les observations de MeI..., substituant Me Boizard, avocat du centre hospitalier de Caudan.

1. Considérant que M. E...D..., qui souffrait depuis plusieurs semaines de troubles de l'anxiété et d'un état dépressif l'ayant conduit à deux tentatives de suicide, les 28 et 31 mai 2007, a été hospitalisé avec son accord au centre hospitalier Charcot de Caudan (Morbihan) le 4 juin 2007 ; que le 5 juin à 9h10 il a été retrouvé pendu dans sa chambre ; qu'un rapport d'expertise amiable a été établi le 18 août 2008 par le docteur Boulet, psychiatre ; qu'après avoir présenté une demande indemnitaire auprès de l'assureur du centre hospitalier, Mme J... G..., épouse de M. E...D..., et MM.B..., H...et F...D..., ses fils, ont adressé une réclamation préalable au centre hospitalier Charcot de Caudan, laquelle est restée sans réponse ; que les intéressés ont saisi le tribunal administratif de Rennes de conclusions indemnitaires ; que, par un jugement du 21 août 2014, le tribunal administratif de Rennes a retenu la responsabilité du centre hospitalier et l'a condamné à verser aux consorts D...la somme globale de 44 371,10 euros ; que les consorts D...sollicitent la réformation de ce jugement en tant qu'il a limité à ce montant l'évaluation de leurs préjudices ; que, par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Caudan demande à la cour d'annuler le jugement en tant qu'il a reconnu sa responsabilité et de rejeter les conclusions indemnitaires des intéressés ou, à titre subsidiaire, de les ramener à de plus justes proportions ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de son admission au centre hospitalier de Caudan, M. D...a été reçu en compagnie de son épouse et d'un de leur fils ; qu'il a pu s'exprimer librement et permettre ainsi aux médecins de confirmer le diagnostic de délire de persécution posé par son médecin traitant, le docteur Boisard, qui précisait dans son courrier de recommandation du 4 juin 2007 que l'intéressé avait finalement accepté sa prise en charge hospitalière afin d'éviter une hospitalisation d'office ; que si un traitement renforcé a été prescrit et si des mesures particulières de surveillance ont été prises le soir même, avec placement de l'intéressé en chambre seule à proximité immédiate du bureau des infirmiers et retrait de ses effets personnels, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que le lendemain matin une partie de ses affaires ont été rendues à l'intéressé à 7h45 en vue de sa toilette et que ce dernier est ensuite resté sans surveillance jusqu'à 9h10, heure à laquelle son décès par pendaison dans sa chambre a été constaté ; qu'un tel fonctionnement du service, alors que M. D...venait de faire deux tentatives de suicide la semaine précédente et qu'il avait manifesté la veille sa réticence à rester hospitalisé et à prendre son traitement antidépresseur, révèle un défaut de surveillance certain de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Caudan ; que ce dernier ne peut se soustraire à cette responsabilité en faisant valoir qu'il importe également de respecter la liberté des patients et que M. D...n'était pas placé en régime d'hospitalisation d'office ;

Sur les préjudices :

3. Considérant que le tribunal administratif a estimé que seuls les frais directement liés aux obsèques de M. D...pouvaient être mis à la charge du centre hospitalier de Caudan à hauteur d'une somme de 3 371,10 euros ; que si les requérants rappellent que les frais d'obsèques et de sépulture qu'ils ont exposés se sont en réalité élevés à 4 220,10 euros, ils ne contestent pas le refus des premiers juges de prendre en compte les insertions dans la presse, l'achat de cartes de remerciement et de carnets de réponses aux condoléances ; que, dans ces conditions, et en l'absence par ailleurs de contestation réelle par le centre hospitalier du montant ainsi retenu, le jugement attaqué ne peut qu'être confirmé sur ce point ;

4. Considérant que, pour écarter l'octroi d'une somme en réparation du préjudice économique invoqué par MmeD..., les premiers juges ont pris en compte le fait que M. E... D...avait été admis à la retraite à compter du 13 janvier 2006 et que les revenus perçus exceptionnellement à cette occasion ne pouvaient être intégrés dans le calcul des revenus du couple de l'année 2006 destinés à l'évaluation de la perte de ressources subie par MmeD... à partir de 2007 ; que le tribunal administratif a ainsi retenu la somme de 129 978 euros au titre des revenus de l'année 2006, et a appliqué à ce montant la part d'autoconsommation de M. D...dans les revenus du couple, évaluée par les requérants eux-mêmes à 65 %, pour constater que MmeD..., dont le revenu annuel moyen s'est élevé au cours des années postérieures à 2006 à 91 706 euros, ne pouvait se prévaloir d'aucun préjudice économique ; qu'en se bornant à reprendre des calculs intégrant les sommes insusceptibles d'être prises en compte au titre de l'année 2006, les requérants n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause l'analyse et l'évaluation des premiers juges ;

5. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent Mme D...et ses fils, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard aux indemnités généralement accordées dans des circonstances analogues, que les sommes respectives de 20 000 euros et de 7 000 euros chacun qui leur ont été allouées par le tribunal administratif en réparation de leur préjudice d'affection seraient insuffisantes au regard des souffrances qu'ils ont endurées ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... et ses fils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité à 44 371,10 euros la somme que le centre hospitalier de Caudan a été condamné à leur verser ; que les conclusions d'appel incident du centre hospitalier doivent pour les motifs évoqués ci-dessus également être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

7. Considérant qu'il y a lieu de maintenir les frais d'expertise à la charge du CHU de Caen ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Caudan, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement aux consorts D...de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants le versement au centre hospitalier de Caudan d'une somme, au demeurant non fixée, au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées devant la cour par le centre hospitalier de Caudan sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... D..., à M. B... D..., à M. H... D..., à M. F... D...et au centre hospitalier Charcot de Caudan.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2016.

Le rapporteur,

V. GélardLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°14NT02690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02690
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SOCIETE AVOCATS CARTRON-LHOSTIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-06-30;14nt02690 ?
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