La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2016 | FRANCE | N°14NT02929

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 21 juin 2016, 14NT02929


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...F...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 17 octobre 2012 autorisant la société Nouvelle SMSL à procéder à son licenciement pour motif économique, ainsi que la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social née le 17 avril 2013 rejetant implicitement son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1301037 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.<

br>
Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2014, et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...F...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 17 octobre 2012 autorisant la société Nouvelle SMSL à procéder à son licenciement pour motif économique, ainsi que la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social née le 17 avril 2013 rejetant implicitement son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1301037 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2014, et des mémoires enregistrés le 24 mai 2016 et le 27 mai 2016, M.F..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 septembre 2014 ;

2°) d'annuler les décisions des 17 octobre 2012 et 17 avril 2013 ;

3°) le cas échéant, de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Caen, et subsidiairement de transmettre au juge judiciaire une question préjudicielle aux fins de déterminer la convention collective applicable à la SN SMSL, au moment de l'autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Nouvelle SMSL une somme de 1 500 euros à lui verser chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'inspectrice du travail devait s'assurer non seulement du respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, mais également apprécier les efforts entrepris par l'employeur pour permettre le reclassement externe des salariés ;

- or, d'une part, en ne s'assurant pas à cet égard que la commission paritaire pour l'emploi de la métallurgie avait été saisie, l'inspectrice du travail n'a pas apprécié les efforts entrepris par l'employeur en matière de reclassement externe ;

- d'autre part, en se bornant, par son courrier du 11 octobre 2012, à demander au mandataire judiciaire de la société Nouvelle SMSL de lui transmettre le courrier de saisine de la commission paritaire de l'emploi et de la formation professionnelle du bâtiment et des travaux publics, l'autorité administrative n'établit pas avoir vérifié le respect par l'employeur des règles de procédure d'origine conventionnelle préalablement à sa saisine ;

- seule la convention de la métallurgie était applicable en l'espèce, impliquant de facto la saisine de la commission paritaire de la métallurgie, dès lors qu'il ressort du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 24 février 2012 que les activités relevant de la convention de la métallurgie constituaient 89 % de l'ensemble des commandes, que l'activité des " portes coupe-feu " a été reprise, après liquidation, par la société Nordor Technologie, qui a appliqué la convention collective de la métallurgie en se fondant sur " la fabrication de portes et fenêtres en métal ", et que seuls 18,5 % des salariés sur un effectif de 70 intervenaient à la pose, ce qui excluait l'application de la convention collective du bâtiment.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2015, la SAS société Nouvelle SMSL, représentée par la SELARL BrunoD..., mandataire judiciaire, ayant pour avocat MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. F...au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 modifié sur la sécurité de l'emploi ;

- la convention collective nationale du bâtiment du 8 octobre 1990 concernant les ouvriers du bâtiment employés par les entreprises de plus de 10 salariés, étendue par arrêté ministériel du 8 février 1991 ;

- l'accord du 13 juillet 2004 relatif aux missions, à l'organisation, au fonctionnement des commissions paritaires nationale et régionales du bâtiment et des travaux publics ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Millet,

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public.

1. Considérant que la société Nouvelle SMSL, créée le 2 novembre 2010 dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société SMSL, a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 31 août 2012 du tribunal de commerce de Coutances, avec une période de maintien d'activité jusqu'au 30 septembre 2012 afin, notamment, de mettre en oeuvre les licenciements pour motif économique des salariés ; que, par une ordonnance du 18 septembre 2012, le juge-commissaire a constaté le caractère urgent, inévitable et indispensable de la procédure de licenciement pour motif économique et a autorisé le licenciement de l'intégralité du personnel de la société ; que, par courrier du 27 septembre 2012, l'administrateur judicaire a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de six salariés, dont M.F..., membre titulaire du comité d'entreprise et délégué du personnel titulaire ; que l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de ce salarié par une décision du 17 octobre 2012, confirmée implicitement par le ministre du travail le 17 avril 2013 ; que M. F...relève appel du jugement du 18 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail, et de celle du ministre rejetant son recours hiérarchique ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié ; qu'à ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 sur la sécurité de l'emploi, relatif aux attributions de la Commission paritaire de l'emploi, auquel renvoie l'accord susvisé du 13 juillet 2004, stipule que si un licenciement collectif d'ordre économique pose des problèmes de reclassement non résolus au niveau de l'entreprise, les commissions paritaires de l'emploi compétentes seront saisies dans les conditions prévues à l'article 15 ; que l'article 15 précise que si des licenciements collectifs pour motif économique n'ont pu être évités et posent un problème de reclassement, les organisations syndicales d'employeurs et de salariés visées à l'article 14 ou les commissions paritaires de l'emploi compétentes pourront être saisies : - soit d'un commun accord entre la direction et le comité d'entreprise ou d'établissement, - soit lorsque le licenciement portera sur plus de 10 salariés occupés dans le même établissement ; qu'il résulte de la combinaison des articles 5, 14 et 15 de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 que la saisine des commissions paritaires de l'emploi compétentes a un caractère obligatoire lorsque le projet de licenciement collectif pour motif économique porte sur plus de dix salariés ;

4. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si les règles de procédure d'origine conventionnelle préalables à sa saisine ont été observées ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'employeur, ainsi qu'il l'avait indiqué au comité d'entreprise au cours de la réunion du 17 septembre 2012, a saisi, par courriers du 10 septembre 2012, listant les catégories professionnelles des salariés de l'entreprise, la commission paritaire régionale de l'emploi et de la formation du bâtiment et des travaux publics, mais également les fédérations départementales des entrepreneurs et artisans du bâtiment de la Manche et du Calvados, la fédération française du bâtiment et la fédération française du bâtiment de Basse-Normandie, ainsi que 4 unions de métiers intervenant dans la construction métallique, la métallerie, la menuiserie bois et la menuiserie métallique en vue du reclassement des salariés concernés ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que le liquidateur judiciaire n'aurait pas saisi la commission paritaire de l'emploi compétente et n'aurait pas satisfait à l'obligation conventionnelle de reclassement doivent être écartés ;

6. Considérant, en second lieu, que M. F...soutient que seuls les accords collectifs de la métallurgie, qui imposent à l'employeur de saisir la commission paritaire de la métallurgie pour le reclassement externe des salariés, étaient applicables et qu'ils ont été méconnus par la société Nouvelle SMSL ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que la société exerce son activité dans les domaines de la charpente, la serrurerie, la menuiserie acier et aluminium, les fermetures coupe-feu et la tôlerie, domaines inclus dans le champ d'application de la convention collective du bâtiment ; que si le requérant fait valoir que les activités relevant de la convention collective de la métallurgie représentent 89 % de l'ensemble des commandes de la société et que seuls 10 salariés et un apprenti occupaient des fonctions de poseur, il ressort des pièces du dossier que la société SMSL, qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire et dont l'activité a été reprise par la société Nouvelle SMSL en novembre 2010, appliquait antérieurement la convention collective du bâtiment ; qu'en outre, à la date de la cession, plus de 29 % du personnel de la société, qui comptait 74 salariés, participait à l'activité de " pose " au sens de la convention collective du bâtiment, autorisant ainsi clairement la société, conformément à la " clause d'attribution " qu'elle comprend, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer ou de poser à l'autorité judiciaire une question préjudicielle sur ce point, à opter pour l'application de cette dernière convention lorsque le personnel concourant à la pose est compris entre 20% et 80% des effectifs ; qu'il est, par ailleurs, constant que l'application de la convention collective du bâtiment, d'ailleurs mentionnée sur les bulletins de salaire des salariés, n'a jamais été contestée par les représentants du personnel ; que l'accort sur la réduction du temps de travail conclu et applicable à la société nouvelle SMSL vise explicitement dans son article 1er les accords du bâtiment ; qu'enfin, la circonstance que la société Nordor Technologie, qui applique l'accord collectif de la métallurgie, aurait repris l'activité des portes coupe-feu de la SN SMSL en cours de liquidation ne suffit pas à établir que l'activité de cette dernière société, qui comptait 44 salariés à la date d'engagement de la procédure de licenciement, impliquait l'application de la convention collective de la métallurgie ; que, par suite, M. F...n'est pas fondé à soutenir que la décision de l'inspectrice du travail autorisant son licenciement serait illégale du fait de la méconnaissance, par l'employeur, de son obligation de saisir la commission paritaire de cette branche ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Nouvelle SMSL, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. F...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F...la somme que MeD..., mandataire judiciaire de la société Nouvelle SMSL, demande au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de MeD..., mandataire judiciaire de la société Nouvelle SMSL, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Me B...D..., mandataire judiciaire de la société Nouvelle SMSL

Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2016.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PÉREZLe greffier,

K. BOURON

''

''

''

''

2

N° 14NT02929

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02929
Date de la décision : 21/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : LEBAR

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-06-21;14nt02929 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award