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02/06/2016 | FRANCE | N°15NT02666

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 juin 2016, 15NT02666


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 mai 2015 du préfet de la Mayenne refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être renvoyée d'office et lui faisant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 1506689 du 20 août 2015, le magistrat délégué d

u tribunal administratif de Nantes, saisi des conclusions à fin d'annulation et d'inj...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 mai 2015 du préfet de la Mayenne refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être renvoyée d'office et lui faisant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 1506689 du 20 août 2015, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nantes, saisi des conclusions à fin d'annulation et d'injonction dirigées contre les décisions contenues dans l'arrêté du 13 mai 2015 par lesquelles le préfet de la Mayenne a obligé Mme A...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois, a annulé cet arrêté en tant seulement qu'il portait interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de dix-huit mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2015, le préfet de la Mayenne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 août 2015 en tant qu'il a annulé la décision portant interdiction de retour contenue dans l'arrêté du 13 mai 2015 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme F... C...dirigées contre cette décision.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne précise pas en quoi les autres critères retenus pour justifier la décision d'interdiction de retour ne sont pas opérants, ni si la durée de l'interdiction est excessive ;

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation car la décision était également fondée sur d'autres éléments tels que la durée de la présence en France de MmeC..., la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et l'absence de menace à l'ordre public ;

- Mme C...a bien fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et la mention de cette circonstance était donc fondée, alors même que l'intéressée a pu légalement ne pas exécuter cette décision ; de plus le recours contre l'arrêté du 2 février 2015 a été rejeté par le tribunal administratif de Nantes et elle ne peut invoquer son état de santé pour justifier l'inexécution de la décision d'éloignement ; la demande de titre de séjour présentée par Mme C...avait un but dilatoire ;

- en retenant le motif tiré de la non-exécution de la précédente mesure d'éloignement pour annuler la décision d'interdiction de retour, le magistrat délégué a fait prévaloir ce critère sur les autres et a ainsi commis une erreur de droit alors qu'aucun des critères ne doit primer sur un autre ;

- le motif retenu pour annuler la décision implique que la décision d'interdiction de retour a été analysée comme une sanction, en méconnaissance de la décision du Conseil Constitutionnel n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 ;

- c'est à tort que le magistrat délégué a estimé que la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour a eu pour effet de " retirer " la précédente mesure d'éloignement alors que la remise de cette autorisation provisoire de séjour a seulement abrogé la mesure d'éloignement ;

- à titre subsidiaire il est demandé de substituer au motif censuré le motif tiré de ce que Mme C...a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, ou bien celui tiré de ce qu'elle n'a pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2016, Mme F... A...épouse C...conclut :

1°) au rejet de la requête du préfet ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

3°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée car son état de santé fait obstacle à son éloignement en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point.

Mme A...épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et Me D... a été désigné pour la représenter par une décision du 3 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Specht, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeA..., épouseC..., ressortissante albanaise née en 1979, a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 15 novembre 2013 en compagnie de son époux, M. B...C... ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 4 décembre 2014 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par un arrêté du 2 février 2015, le préfet de la Mayenne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par un jugement du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que le 1er avril 2015, Mme C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour motif de santé ; que, par un arrêté du 13 mai 2015, le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois ; que, par un arrêté du 4 août 2015, la même autorité l'a assignée à résidence dans la commune de Mayenne pour une durée de 45 jours et l'a astreinte à se présenter à la brigade de gendarmerie deux fois par semaine ; que le préfet de la Mayenne relève appel du jugement du 20 août 2015 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif d'appel de Nantes, statuant sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France, a prononcé l'annulation de cette dernière décision ; que Mme C... demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Sur l'appel principal du préfet :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ; / (...) " ;

3. Considérant que, pour faire interdiction à Mme C...de revenir en France pendant une durée de dix-huit mois, le préfet de la Mayenne s'est fondé sur les circonstances que l'intéressée ne justifiait vivre en France, pays dans lequel elle est entrée à l'âge de 34 ans, que depuis novembre 2013, qu'elle était mariée avec un ressortissant albanais faisant également l'objet d'un arrêté concomitant portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, que le couple avait deux enfants nés en Grèce et de nationalité albanaise, que Mme C... ne justifiait pas avoir noué des attaches personnelles en France et qu'elle avait fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement non exécutée ; que le juge de première instance a censuré ce dernier motif en se fondant sur le caractère suspensif du recours présenté par l'intéressée devant le tribunal administratif à l'encontre de cette mesure ; que si le préfet demande en appel que soit substitué au motif censuré par le jugement du tribunal, le motif tiré de ce que Mme C...a " fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement ", ce dernier motif ainsi que ceux exposés ci-dessus ne peuvent, dans les circonstances de l'espèce, être regardés comme suffisants pour justifier dans son principe et sa durée une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Mayenne n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nantes a annulé la décision portant interdiction de retour prise à l'encontre de Mme C...dans l'arrêté du 13 mai 2015 ;

Sur les conclusions incidentes de Mme C...dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10°- L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;

6. Considérant que, par un avis du 28 avril 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié en Albanie et que les soins devaient être poursuivis pendant 6 mois ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... a subi le 30 octobre 2014 une intervention chirurgicale pour la pose d'une prothèse de hanche et qu'elle suit depuis cette date des séances de rééducation ; que le certificat médical établi le 9 avril 2015 produit au dossier mentionne une limitation des mouvements de la jambe gauche et la nécessité d'une rééducation, avec de bonnes perspectives d'évolution ; que, dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le magistrat délégué du tribunal, Mme C...n'établit pas qu'un défaut de soins serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, de nature à faire obstacle à son éloignement en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen ne peut qu'être écarté et que les conclusions incidentes présentées par Mme C...doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme C...tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Mayenne et les conclusions incidentes de Mme C...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme F...A...épouseC....

Copie en sera adressée au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juin 2016.

Le rapporteur,

F. SpechtLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT02666


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02666
Date de la décision : 02/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-06-02;15nt02666 ?
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