Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1302936 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 janvier 2015 et 4 décembre 2015, M. B..., représenté par Me Boreau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 novembre 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière faute pour l'administration d'avoir indiqué, dans la proposition de rectification qui lui a été adressée le 16 décembre 2010, la possibilité de proroger le délai de trente jours qui lui était imparti pour présenter ses observations ; c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes, après avoir constaté cette irrégularité, a estimé qu'il n'avait été privé d'aucune garantie dès lors qu'il avait été informé de cette possibilité de prorogation du délai de réponse par l'envoi de la Charte du contribuable vérifié accompagnant l'avis d'examen de la situation fiscale personnelle ; la circonstance que le document qui lui a été remis le 16 décembre 2010 comporte une version périmée de l'article R57-1 du livre des procédures fiscales qui ne fait pas mention de la possibilité de proroger le délai en cause méconnaît le principe de sécurité juridique à l'origine pour lui d'un préjudice certain ;
- la procédure a été viciée par l'absence de réunion de synthèse après l'envoi de justificatifs les 13 et 14 octobre 2010 et avant l'envoi de la proposition de rectification du 16 décembre 2010 ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a estimé que l'administration n'a pas commis d'erreur en mettant en oeuvre les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales sans avoir préalablement constaté que ses crédits bancaires excédaient le double de ses revenus déclarés ; l'administration, qui a retenu des crédits figurant sur des comptes joints dont il était titulaire avec MmeA..., aurait dû retenir les revenus déclarés par cette dernière et la circonstance que cette dernière a elle-même fait l'objet d'un examen de la situation fiscale personnelle.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 juillet 2015 et 30 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemoine,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Boreau, avocat de M.B....
1. Considérant que M. B...relève appel du jugement du 27 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. / L'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du code général des impôts ainsi que des gains de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux (...). / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. " ; que, pour l'application de ces dispositions la différence de revenus, dont l'importance doit justifier la mise en oeuvre de la procédure de demande de justifications, s'entend de celle que l'administration constate avant tout examen critique des crédits qu'elle a recensés préalablement à cette mise en oeuvre, quelles que soient les justifications que le contribuable a pu spontanément apporter postérieurement à l'engagement de l'examen de situation fiscale personnelle et qui pourraient être de nature à réduire le montant des crédits sur lesquels il sera effectivement interrogé ; que, d'autre part, le cotitulaire d'un compte joint doit être regardé comme ayant la disposition de l'ensemble des sommes créditées sur ce compte ;
3. Considérant que pour apprécier l'existence d'une discordance significative entre les crédits bancaires figurant sur les relevés des comptes de M. B...et les revenus déclarés par lui, l'administration fiscale a retenu l'ensemble des crédits enregistrés sur les comptes de M. B...et des comptes joints dont lui et Mme A...étaient cotitulaires ; qu'ainsi, c'est sans commettre d'irrégularité que l'administration a pu, avant tout examen critique, demander des justifications au requérant sur l'ensemble des comptes en litige dans le cadre de la procédure prévue à l'article L 16 précité du livre des procédures fiscales quand bien même, à supposer que cette affirmation soit établie, une partie de ces montants aurait déjà été connue par l'administration fiscale du fait de l'existence d'une procédure en cours d'examen de la situation fiscale personnelle de Mme A...; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction, et il n'est pas même contesté, qu'au titre de l'année 2007, la demande de justifications adressée au contribuable n'a porté que sur ses revenus fonciers ; qu'au titre de l'année 2008, l'administration a relevé que les crédits apparaissant sur les comptes personnels et joints de M. B...s'élevaient à 214 023 euros alors que les revenus déclarés par ce dernier s'élevaient à 96 172 euros avant déduction des virements de compte à compte et avant tout examen critique des crédits recensés ; que le montant des crédits figurant sur les comptes bancaires de M. B...étant supérieurs au double des revenus déclarés par lui, c'est par une exacte application de la loi fiscale que l'administration a mis en oeuvre les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales applicable aux impositions en litige : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'une irrégularité dans les documents joints à la proposition de rectification demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi que, n'ayant privé le contribuable d'aucune garantie, elle n'a pas pu avoir d'influence sur la décision de redressement ;
5. Considérant, d'une part, qu'il est constant que l'extrait du livre des procédures fiscales joint à la proposition de rectification notifiée à M. B...le 16 décembre 2010 comportait la citation des articles L. 57 et R. 57-1 de ce livre dans leur version applicable aux propositions de rectification adressées jusqu'au 31 décembre 2007 ; que ces dispositions ne comportaient pas la mention offrant au contribuable contrôlé la possibilité de demander la prorogation du délai de trente jours pour présenter ses observations aux redressements envisagés ; que la transmission de cette information erronée constitue une irrégularité dans le déroulement de la procédure d'examen de situation fiscale personnelle ; que, toutefois, l'information de cette possibilité de solliciter un délai supplémentaire figurait dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié accompagnant l'avis d'examen de situation fiscale personnelle transmis en début de contrôle le 12 janvier 2010 à M. B...; que ce dernier a refusé les propositions de rectifications et a pu présenter ses observations le 17 janvier 2011, observations dont l'administration fiscale a d'ailleurs partiellement tenu compte dans sa réponse datée du 17 février 2011 ; que M. B...a ensuite pu demander l'intervention de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et exercer enfin son droit de réclamer contre l'imposition après sa mise en recouvrement ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'irrégularité qu'il invoque l'aurait privé d'une garantie attachée à la procédure de rectification contradictoire et que cette erreur dans la citation de deux articles du livre des procédures fiscales aurait eu une influence sur les décisions de redressement en litige ; qu'ainsi, une telle irrégularité demeure sans conséquence sur le bien-fondé des redressements en cause ;
6. Considérant, d'autre part, que le principe de sécurité juridique vise à imposer à l'autorité investie du pouvoir réglementaire des mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle, lorsque, notamment, les règles nouvelles sont susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours qui ont été légalement nouées ou lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ; qu'en l'espèce, M. B... qui n'invoque l'insuffisance d'aucune mesure que ce soit, ni l'atteinte à une quelconque situation légalement acquise, n'est pas fondé à soutenir que la mention, dans la proposition de rectification qui lui a été notifiée le 16 décembre 2010, aux articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales dans leur version applicable aux propositions de rectification adressées jusqu'au 31 décembre 2007 aurait méconnu le principe de sécurité juridique ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; que si la méconnaissance de cette exigence a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié, le caractère oral d'un tel débat n'est pas exigé à peine d'irrégularité de la procédure suivie ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a réceptionné, le 13 janvier 2010, un avis d'examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2007 et 2008 accompagné de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; que cet avis a été suivi le 9 février 2010 d'un entretien avec le vérificateur portant sur les salaires perçus durant ces mêmes années ; qu'un second entretien s'est tenu le 2 juin 2010 au sujet des mouvements figurant sur les relevés bancaires et le compte courant de M.B... ; que cet entretien a été suivi de l'envoi d'une demande d'éclaircissements ou de justifications prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales portant sur les revenus fonciers perçus en 2007 et 2008, sur les revenus de capitaux mobiliers perçus en 2008 et sur les traitements et salaires perçus la même année ; que M. B...a répondu à ces demandes le 14 octobre 2010 ; que l'administration fiscale doit ainsi être regardée comme ayant engagé avec le requérant un dialogue contradictoire sur les points qu'elle envisageait de retenir ; qu'ainsi, en se bornant à affirmer qu'une réunion de synthèse aurait due être organisée entre le 14 octobre 2010 et avant l'envoi de la proposition de rectification du 16 décembre 2010 ou qu'il n'a pas été répondu à la lettre de son expert-comptable, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été mis à même de discuter avec le service des discordances que celui-ci s'apprêtait à relever à partir des éléments dont il disposait et que la procédure serait irrégulière pour ce motif ;
9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que la proposition de rectification en litige a été signée par un agent ayant au moins le grade de contrôleur dont le nom était clairement mentionné ; que cet agent, de même que celui qui a effectué les contrôles, étaient affectés à la direction des services fiscaux de Loire-Atlantique dont relevait M. B...; qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose que le même agent vérificateur doive procéder aux opérations de contrôle et à la notification des redressements ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure du fait que le vérificateur qui a signé la proposition de rectification adressée à M. B...ait été différent de celui ayant mené l'examen de la situation fiscale personnelle de celui-ci ne peut qu'être rejeté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujettis au titre des années 2007 et 2008 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Specht, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 juin 2016.
Le rapporteur,
F. Lemoine
Le président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00228