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24/05/2016 | FRANCE | N°15NT02170

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 24 mai 2016, 15NT02170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...divorcée C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 janvier 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné sa demande de naturalisation à deux ans à compter du 19 août 2011.

Par un jugement n° 1202803 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2015, MmeA..

., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...divorcée C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 janvier 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné sa demande de naturalisation à deux ans à compter du 19 août 2011.

Par un jugement n° 1202803 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2015, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 décembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 5 janvier 2012 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 350 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 € à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision ministérielle est dépourvue de base légale, dès lors qu'elle remplit les critères, notamment de conduite et de loyalisme, prévus par les articles 36 à 39 du décret du 30 décembre 1993 et que le degré d'insertion professionnelle ne figure pas au nombre de ces critères ;

- la décision résulte d'une erreur de droit, dès lors qu'elle méconnaît les dispositions de l'article 34 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 qui exige que les demandes de naturalisation présentées par les réfugiés soient examinées avec bienveillance ;

- en sa qualité de réfugiée, elle peut bénéficier de la naturalisation en vertu du 7° de l'article 21-19 du code civil sans satisfaire à la condition de stage posée par l'article 21-27 du même code ;

- la décision contestée procède d'une discrimination prohibée par l'article 1er de la Constitution et d'une atteinte à la parité homme-femme, dès lors qu'il lui est reproché un défaut de revenus stables et suffisants alors qu'elle a fait le choix d'éduquer ses enfants dans une conjoncture économique difficile ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle est parfaitement intégrée, que le revenu de solidarité active ne fait que compléter les revenus de son travail à temps partiel et qu'il n'a pas été tenu compte de l'allocation de soutien familial qui lui est versée en compensation de la pension alimentaire de 138,90 euros due par son ex-conjoint.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française modifié ;

-le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Millet.

1. Considérant que MmeA..., de nationalité russe, a sollicité l'acquisition de la nationalité française ; que le préfet du Rhône a prononcé, par décision du 19 août 2011, l'ajournement de cette demande pour une période de deux ans ; que l'intéressée a formé le recours préalable obligatoire prescrit par le décret du 30 décembre 1993 ; que, par une décision du 5 janvier 2012, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a maintenu la décision d'ajournement ; que Mme A...relève appel du jugement du 17 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande ; il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions ; ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande " ; qu'il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte, contrairement à que soutient MmeA..., le degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle du postulant ;

3. Considérant que pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de Mme A..., le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'essentiel de ses ressources était constitué de prestations sociales, dont le revenu de solidarité active ;

4. Considérant que si Mme A...fait valoir que les allocations qu'elle perçoit ne sont que des compléments aux revenus de son activité professionnelle, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que cette activité n'était exercée qu'à temps partiel dans le cadre de contrats à durée déterminée ; qu'elle n'a perçu à ce titre qu'un revenu net de 4339 euros en 2008 et de 5336 euros en 2009 ; qu'il ressort également de l'attestation de paiement de la caisse d'allocations familiales de Lyon que l'intéressée bénéficie depuis juin 2009 de l'aide personnalisée au logement et du revenu de solidarité active (RSA) pour un montant mensuel total de 877,32 euros en mars 2011 ; qu'ainsi, à la date de la décision contestée, l'essentiel des ressources de la requérante était constitué de prestations sociales ; que, par suite, en ajournant à deux ans la demande de naturalisation de l'intéressée pour ce motif, le ministre n'a entaché sa décision ni d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation, sans que la requérante puisse utilement se prévaloir des difficultés liées à la conjoncture économique, de ce qu'elle a fait le choix d'éduquer ses enfants en occupant un emploi à temps incomplet et de ce qu'il n'a pas été tenu compte de l'allocation de soutien familial qu'elle perçoit en compensation de la pension alimentaire due par son ex-conjoint ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés : " Les Etats contractants faciliteront, dans toute la mesure du possible, l'assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s'efforceront notamment d'accélérer la procédure de naturalisation (...) " ; que cet article ne crée pas pour l'Etat français l'obligation d'accueillir les demandes de naturalisation présentées par les personnes bénéficiant du statut de réfugié ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le ministre s'étant fondé sur l'insuffisance des ressources propres de la postulante, cette dernière ne saurait soutenir que cette décision serait contraire au principe de non discrimination liée à sa condition de mère et de femme, et à l'article 1er de la Constitution ;

7. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré par l'intéressée de ce qu'elle remplit les conditions posées par les articles 36 à 39 du décret du 30 décembre 1993 et de ce qu'elle est dispensée, en sa qualité de réfugiée, de remplir la condition de stage posée par l'article 21-17 du code civil pour être naturalisée est inopérant à l'encontre de la décision contestée qui a été prise sur le fondement des dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...divorcée C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2016.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PÉREZLe greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT02170

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02170
Date de la décision : 24/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SHIBABA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-24;15nt02170 ?
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