Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...C...'h épouse G...et M. A...C...'h ont demandé au tribunal administratif de Rennes :
- d'annuler l'arrêté d'alignement pris par le maire de Carnoët le 17 décembre 2012 pour fixer l'alignement de la voie communale n° 40 au droit des parcelles cadastrées section YL
n° 19, 20, 21, 24 et 84 ;
- d'ordonner avant dire droit, une mission d'expertise et confier à un géomètre-expert la mission de déterminer les limites de la voie communale n° 40 aux droits des parcelles YL 24, 84, 25, 21, 29 et 19 ;
- d'enjoindre au maire de Carnoët de prendre un nouvel arrêté d'alignement auquel sera annexé un plan établi après constat sur place ;
- de condamner la commune de Carnoët aux entiers dépens, en ce compris les frais de l'expertise.
Par ordonnance du 12 février 2014 la présidente du tribunal administratif de Rennes a désigné M. H...I...en qualité d'expert avec pour mission de préciser la limite de la voie communale n° 40 au droit de la propriété des consortsC...'h.
Le rapport d'expertise a été remis au tribunal le 11 octobre 2014.
Par ordonnance du 28 octobre 2014 la présidente du tribunal administratif de Rennes a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 5 682,18 euros en les mettant provisoirement à la charge conjointe de Mme G...et de M.C...'h.
Par un jugement n° 1300506 du 6 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes a :
- annulé l'arrêté d'alignement du 17 décembre 2012 ;
- enjoint au maire de Carnoët de se prononcer à nouveau sur la demande des consortsC...'h en joignant à son arrêté d'alignement un plan déterminant la limite de la voie communale ;
- rejeté les conclusions des consortsC...'h tendant à ce que les frais d'expertise soit mis à la charge définitive de la commune de Carnoët.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 mai et 27 décembre 2015, MmeC...'h épouse G...et M.C...'h, représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 mars 2015 en tant qu'il a mis définitivement à leur charge les frais de l'expertise ;
2°) de condamner la commune de Carnoët, sur le fondement des articles R. 621-13 et R 761-1 du code de justice administrative, à payer les frais et honoraires de l'expert, soit la somme de 5 682,18 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Carnoët le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande d'expertise, à laquelle la commune de Carnoët ne s'est pas opposée, a eu une utilité pour la solution du litige, dès lors que le rapport auquel elle a donné lieu conclut que la voie communale n° 40 ne rejoint pas le chemin d'exploitation, la commune n'étant pas propriétaire de la cour des consortsC...'h ;
- le plan dressé par le géomètre-expert permet de satisfaire à l'injonction faite par les premiers juges à la commune de prendre un nouvel arrêté d'alignement résultant du jugement attaqué ;
- la charge des frais aurait dû à tout le moins être partagée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2015, la commune de Carnoët, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il incombait aux requérants de critiquer l'ordonnance de taxation du 28 octobre 2014 ;
- les consortsC...'h étaient demandeurs de cette expertise ;
- le rapport d'expert, d'ailleurs établi en méconnaissance de la mission confiée, n'a pas été utile à la solution du litige, dès lors que les moyens de droit et de fait retenus par les premiers juges pour annuler l'arrêté d'alignement du 17 décembre 2012 n'ont pas été révélés par le rapport d'expertise.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., substituant MeE..., représentant la commune de Carnoët.
1. Considérant que les consortsC...'h ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Carnoët du 17 décembre 2012 portant alignement de la voie communale n° 40 au droit de leur propriété, en demandant l'organisation d'une expertise avant dire droit ; que par ordonnance du 12 février 2014 la présidente du tribunal administratif de Rennes a désigné M. I...en qualité d'expert, avec pour mission de préciser les limites entre cette voie communale et les parcelles occupées par les requérants ; qu'après remise du rapport d'expertise le 11 octobre 2014, une seconde ordonnance du 28 octobre 2014 a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 5 682,18 euros en les mettant provisoirement à la charge de M. et MmeC...'h ; que par jugement du 6 mars 2015 le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté d'alignement en litige et enjoint au maire de Carnoët de prendre un nouvel arrêté d'alignement en y annexant un plan déterminant la limite de la voie communale ; que les consortsC...'h relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a, par son article 4, rejeté leurs conclusions tendant à ce que les frais de l'expertise fussent mis à la charge définitive de la commune de Carnoët ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ; et qu'aux termes de l'article R. 621-13 du même code : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour (...) en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5 / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance " ;
3. Considérant, en premier lieu, que la commune de Carnoët soutient qu'il incombait aux consortsC...'h de contester l'ordonnance du 28 octobre 2014 par laquelle il a été procédé à la liquidation des frais d'expertise en laissant ces frais à la charge des consortsC...'h ; qu'il résulte toutefois des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article R. 621-13 du code de justice administrative que lorsque le litige qui a occasionné la désignation d'un expert en référé donne lieu, comme dans l'affaire ici en cause, à une instance au fond devant le tribunal administratif, l'ordonnance de taxation ne désigne le débiteur de ces frais qu'à titre provisoire, seul le jugement au fond portant désignation définitive du débiteur des frais d'expertise ; que les consortsC...'h sont dès lors recevables à contester le jugement du 6 mars 2015 en tant qu'il laisse à leur charge, de manière définitive, les frais et honoraires de l'expert commis par la présidente du tribunal administratif de Rennes à l'occasion de cette affaire ;
4. Considérant, en second lieu, que pour rejeter les conclusions des consortsC...'h au titre des dépens, les premiers juges ont considéré que le rapport d'expertise était dépourvu d'utilité, aux motifs, d'une part, que ce rapport avait porté sur les conditions du classement de ce chemin dans la voirie communale alors que la mission impartie à l'expert était de " préciser la limite entre la voie communale n° 40 et la propriété des requérants cadastrée sous les nos YL 84, YL 24, YL 21, YL 20 et YL 19 à Carnoët " et, d'autre part, que le motif d'annulation de l'arrêté de l'alignement était dépourvu de lien avec le contenu du rapport d'expertise ;
5. Considérant, d'une part, que la mission confiée à l'expert de préciser les limites de fait de la voie communale présentait en elle-même un intérêt au regard de la légalité de l'arrêté d'alignement contesté, laquelle formait l'objet du litige soumis au tribunal administratif ; que si l'expert s'est en partie écarté de cette mission, cette circonstance, insusceptible d'être imputée au demandeur, était seulement de nature à influer, sur décision de la présidente du tribunal, sur le calcul du montant de frais alloués à l'expert en application de l'article R. 621-11 du code de justice administrative, lequel prévoit que " Le président de la juridiction (...) fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert " ;
6. Considérant, d'autre part et en tout état de cause, que le rapport d'expertise remis le 28 octobre 2014 au tribunal administratif comporte en annexe un plan intitulé " état des lieux au 28.05.2014 ", lequel fait apparaitre les limites de la voie communale n° 40 et est ainsi de nature à permettre à la commune de satisfaire à l'injonction faite au maire de Carnoët par l'article 2 du jugement attaqué de prendre un nouvel arrêté d'alignement, comme les dispositions de l'article L. 112-4 du code de la voirie routière lui en font au demeurant l'obligation ;
7. Considérant, enfin, que la circonstance que les premiers juges ait annulé l'arrêté d'alignement en litige pour un autre motif que celui a donné lieu à la désignation de l'expert ne constitue pas, au sens des dispositions précitées de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, une circonstance particulière justifiant que les frais correspondants soient mis à la charge d'une autre partie que la partie perdante ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consortsC...'h sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs conclusions tendant à ce que les frais d'expertise fussent mis à la charge de la commune de Carnoët ; qu'en l'absence, comme il a été dit, de circonstance particulière, il convient de réformer le jugement attaqué et de mettre à la charge définitive de la commune de Carnoët, partie perdante en première instance, les frais de l'expertise ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des consortsC...'h, qui n'ont pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la commune de Carnoët au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Carnoët le versement à M.C...'h et Mme G...d'une somme de 1 000 euros au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les dépens de l'instance engagée par les consortsC...'h devant le tribunal administratif de Rennes, comprenant les frais et honoraires de l'expert, liquidés et taxés par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Rennes du 28 octobre 2014 à la somme de 5 682,18 euros, sont mis à la charge de la commune de Carnoët.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 mars 2015 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er.
Article 3 : La commune de Carnoët versera la somme de 1 000 euros à M.C...'h et Mme G...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...C...'h épouseG..., à M. A...C...'h et à la commune de Carnoët.
Une copie sera adressée à M. H...de la Villéon, expert.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 mai 2016.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01397