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20/05/2016 | FRANCE | N°15NT01162

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 mai 2016, 15NT01162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G...H..., M. A...C..., M. et Mme L...B..., M. et Mme K...E..., M. Q...I..., Mme O...M..., M. et Mme J...P...et l'association Défense des Monts ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2013 par lequel le préfet de l'Orne a délivré à la société Centrale éolienne de Goulet une autorisation d'exploiter dix éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Goulet et Montgaroult.

Par un jugement n° 1400182 du 12 février 2015, le t

ribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G...H..., M. A...C..., M. et Mme L...B..., M. et Mme K...E..., M. Q...I..., Mme O...M..., M. et Mme J...P...et l'association Défense des Monts ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2013 par lequel le préfet de l'Orne a délivré à la société Centrale éolienne de Goulet une autorisation d'exploiter dix éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Goulet et Montgaroult.

Par un jugement n° 1400182 du 12 février 2015, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires, enregistrés les 13 avril et 5 juin 2015 et le 25 avril 2016, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 12 février 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. H...et autres devant le tribunal administratif de Caen.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et par suite, irrégulier ;

- il est entaché d'omission à statuer ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que l'étude d'impact était suffisante en ce qui concerne la source "Les Fontenelles" qui ne constitue pas un ouvrage de prélèvement d'eau ;

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier dès lors que le manoir de Pommereux et l'église d'Ecouché sont abordés dans l'étude d'impact et dans le complément d'étude paysagère ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit dès lors qu'ils n'ont pas précisé en quoi l'insuffisance de l'étude d'impact au regard des effets du projet sur les sites et paysages, sur la source "Les Fontenelles" et les nuisances sonores engendrées par le projet aurait été de nature à nuire à l'information du public ;

- ils ont méconnu l'étendue de leur office et inexactement qualifié les faits de l'espèce en estimant que le préfet avait commis une erreur d'appréciation au regard des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement et que la suppression de cinq éoliennes ne remédiait pas au mitage du paysage et à l'atteinte portée au manoir de Pommereux et à l'église d'Ecouché.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 novembre et 13 novembre 2015 et le 8 avril 2016, l'association Défense des Monts et autres, représentés par MeF..., concluent à ce que la cour :

1°) rejette le recours de la ministre ;

2°) par la voie de l'appel incident, annule le jugement en tant qu'il a rejeté la requête en tant qu'elle a été formée par M. et MmeH..., M.C..., M. et MmeB..., M. et MmeE..., M.I..., Mme M...et M. et MmeP... ;

3°) mette à la charge de l'Etat et de la société Centrale éolienne de Goulet le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la ministre ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés le 25 mars et le 22 avril 2016, la société Centrale éolienne de Goulet, représentée par MeD..., a présenté des observations et demande à la cour de mettre à la charge des intimés le versement d'une somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Piltant,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant les défendeurs, et de MeN..., substituant MeD..., représentant la société Centrale éolienne de Goulet.

Une note en délibéré présentée pour la société Centrale Eolienne de Goulet a été enregistrée le 3 mai 2016.

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme H...et les autres défendeurs a été enregistrée le 12 mai 2016.

1. Considérant que, par arrêté du 30 juillet 2013, le préfet de l'Orne a délivré à la société Centrale éolienne de Goulet une autorisation d'exploiter dix éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Goulet et de Montgaroult ; que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relève appel du jugement du 12 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a, à la demande de M. et Mme H...et d'autres requérants, annulé cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'en estimant que l'étude d'impact concernant les nuisances sonores de l'installation projetée était insuffisante ou inexacte en ce que les mesures avaient été prises à 880 mètres du projet alors que plusieurs habitations étaient plus proches, l'une d'entre elles étant située à 600 mètres de l'éolienne E1, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation sur ce point du jugement attaqué ne peut, dès lors, qu'être rejeté ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en ne faisant pas droit aux conclusions, présentées à titre subsidiaire par le préfet de l'Orne dans la note en délibéré produite en première instance, tendant à ce que les premiers juges ne procèdent, le cas échéant, qu'à l'annulation partielle de l'arrêté contesté, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'omission à statuer ; que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté du 30 juillet 2013 :

En ce qui concerne l'étude d'impact :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la demande d'autorisation d'exploiter déposée le 25 mai 2012 : " I.-A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu, par dérogation aux dispositions de l'article R. 122-3, est défini par les dispositions de l'article R. 512-8 ; 5° L'étude de dangers prévue à l'article L. 512-1 et définie à l'article R. 512-9 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 512-8 du code de l'environnement : " I- Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II.-Elle présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que sur les biens matériels et le patrimoine culturel susceptibles d'être affectés par le projet ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'agriculture, l'hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel. Cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau (...) " ;

5. Considérant, en premier lieu, que le projet d'exploitation de dix éoliennes en litige se situe à environ 500 mètres du manoir de Pommereux, construit vers la fin du XVème siècle, inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 2 novembre 1926 puis classé au titre des monuments historiques par arrêté du 4 août 1970, et à environ 2 700 mètres de l'église Notre-Dame d'Ecouché, construite au XIIème siècle et dont les parties conservées remontent au XVème siècle, et classée au titre des monuments historiques par un arrêté du 13 avril 1907 ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier de l'avis du 8 février 2013 du service territorial de l'architecture et du patrimoine de l'Orne, que l'impact éventuel du projet sur les monuments historiques, en particulier sur le manoir de Pommereux et l'église d'Ecouché, n'est abordé ni dans l'étude d'impact ni dans le dossier d'analyse paysagère complémentaire à l'étude d'impact réalisé par la société pétitionnaire suite au premier avis, très critique, du service territorial de l'architecture et du patrimoine ; que ce service, dans son avis du 8 février 2013, a en outre relevé que l'étude paysagère n'était pas objective dans l'évaluation des impacts patrimoniaux ; que l'inspecteur des installations classées conteste également, dans son rapport du 19 juin 2013, l'analyse paysagère de l'étude d'impact en tant qu'elle indique que les éoliennes ne seront pas visibles depuis le manoir de Pommereux, l'inspecteur ayant relevé " une imprécision dans le calage de l'horizon " faisant ainsi apparaître les éoliennes plus basses qu'en réalité et des larges vues panoramiques sous-estimant les effets réels du projet ; que l'inspecteur des installations classées a ainsi conclu que l'étude paysagère, bien que détaillée, était " parfois incomplète et peu objective dans sa présentation des impacts paysagers du projet " ; que, dans ces conditions, et compte tenu de la sensibilité du patrimoine en cause, et de l'importance de l'installation projetée, les premiers juges ont pu, à bon droit, estimer que l'étude d'impact était insuffisante s'agissant de l'analyse de l'état initial du site et de son environnement et des effets du projet sur cet environnement, les sites et le patrimoine culturel ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que l'étude de l'impact sonore de l'installation pour les habitations implantées au nord-ouest a consisté en la prise de mesures à 880 mètres du projet alors qu'il existe, dans cette même direction, plusieurs autres habitations plus proches, dont une située à 600 mètres de l'éolienne E1 ; que la ministre ne saurait utilement faire valoir, pour justifier le caractère insuffisant de l'étude d'impact, que les mesures ne peuvent être que provisoires et prévisionnelles du fait de l'absence de certitude sur l'implantation exacte des éoliennes, l'étude de l'impact sonore du projet devant permettre, notamment, au public de disposer d'une information complète au cours de l'enquête publique ;

7. Considérant, en dernier lieu, que, s'il résulte de l'avis du directeur départemental des territoires du 29 octobre 2012 que les travaux et l'exploitation des éoliennes E1 à E4 peuvent avoir un impact non négligeable sur la source Les Fontenelles et qu'" une étude hydrologique semble nécessaire pour éclaircir ce point qui n'est pas traité dans le dossier ", cet avis n'est assorti d'aucune précision sur l'éventuel impact généré par les éoliennes ; que, par ailleurs, le volet de l'étude d'impact consacré à l'état initial de l'environnement présente de manière suffisamment précise et complète l'hydrologie du périmètre rapproché ainsi que les impacts potentiels du projet sur l'hydrologie, la qualité des eaux et l'hydrogéologie ; que, dès lors, et alors même qu'elle ne contient pas d'étude spécifique consacrée à la source Les Fontenelles, l'étude d'impact doit être regardée comme suffisante sur ce point ;

8. Considérant que les insuffisances, inexactitudes et omissions de l'étude d'impact concernant les effets du projet sur les sites et paysages et les nuisances sonores que peut engendrer l'installation en litige ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ; que, dans ces conditions, l'autorisation d'exploiter délivrée au vu de cette étude est entachée d'illégalité ;

En ce qui concerne la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que deux autres parcs éoliens, composés de onze et six éoliennes, doivent être installés dans le même secteur que le projet en litige ; qu'il ressort du rapport de l'inspecteur des installations classées et de l'avis défavorable du service territorial de l'architecture et du patrimoine de l'Orne du 8 février 2013 qu'il existe un risque de co-visibilité entre les dispositifs éoliens de la Haie-Marais, notamment depuis le manoir de Pommereux situé à 1 kilomètre, et que l'implantation dispersée de projets éoliens distants de 3 et 4 kilomètres les uns des autres constituera un mitage de ce paysage rural ouvert et participera à sa perte d'identité ; que, toutefois, les deux autres parcs éoliens n'existant pas à la date de la décision contestée, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-11 du code de l'environnement en ce que l'implantation dispersée de plusieurs projets constituera un mitage du paysage lui faisant perdre son identité n'est pas fondé et doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ministre n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 30 juillet 2013 par lequel le préfet de l'Orne a autorisé l'exploitation de dix éoliennes et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Goulet et de Montgaroult ;

Sur l'appel incident formé par les intimés :

12. Considérant que M. et Mme H...et les autres intimés demandent, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a estimé que M. et MmeH..., M.C..., M. et MmeB..., M. et MmeE..., M.I..., Mme M...et M. et Mme P...ne justifiaient pas d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté contesté du 30 juillet 2013 ; que le tribunal administratif de Caen ayant fait droit aux conclusions de leur requête, ces conclusions sont irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à M. et Mme H...et aux autres défendeurs au titre de ces dispositions ;

14. Considérant que les conclusions tendant à l'application de ces dispositions présentées par la société Centrale éolienne de Goulet qui n'est pas partie à l'instance sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme H...et aux autres défendeurs une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Centrale éolienne de Goulet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, à M. et Mme G...H..., à M. A...C..., à M. et Mme L...B..., à M. et Mme K...E..., à M. Q...I..., à Mme O...M..., à M. et Mme J...P..., à l'association Défense des Monts et à la société Centrale éolienne de Goulet.

Copie en sera adressée au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mai 2016.

Le rapporteur,

Ch. PILTANTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La république mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01162
Date de la décision : 20/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005-02-01 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Régime juridique. Actes affectant le régime juridique des installations. Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Christine PILTANT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : CABINET LACOURTE RAQUIN TATAR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-20;15nt01162 ?
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