Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2015 du préfet du Morbihan refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé d'office.
Par un jugement n° 1503635 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Rennes a partiellement fait droit à sa demande et a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé d'office, et a enjoint au préfet du Morbihan de procéder au réexamen de sa situation.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des pièces complémentaires et un mémoire, enregistrés les 20 et 23 novembre 2015 et le 22 avril 2016, le préfet du Morbihan, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 octobre 2015, en tant qu'il a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français fixant le pays à destination duquel M. A...était susceptible d'être renvoyé d'office ;
2°) de rejeter la demande de M.A... ;
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, M. A...ne peut pas se prévaloir d'une intégration professionnelle car il était en situation irrégulière et n'avait pas droit au travail ; en effet, M. A...a utilisé une carte nationale d'identité falsifiée ; le Procureur de la République a été saisi de cette fraude ;
- par ailleurs M. A...ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint de français en l'absence d'un visa de long séjour et n'est pas davantage fondé à de prévaloir de l'ancienneté de son séjour en France et de sa relation avec une ressortissante française pour demander un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- alors que le titre de séjour n'a pas été annulé par le tribunal administratif,, la mesure d'injonction ordonnée tendant au réexamen de la situation de M. A...ne laisse toutefois pas de choix dans les mesures à prendre et conduit à la délivrance d'un titre de séjour alors pourtant que l'intéressé ne peut se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui est fondée en droit, permettra à M. A...de solliciter un visa de long séjour dans son pays d'origine afin de régulariser sa situation administrative ;
Par un mémoire en défense et une pièce complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 22 avril 2016, M. C... A..., représenté par Me Degiovanni conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 octobre 2015 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour contenue dans l'arrêté du 16 juillet 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de lui délivrer une carte de séjour temporaire lui permettant de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que
- les moyens soulevés par le préfet du Morbihan ne sont pas fondés ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière car il n'a pas été en mesure de faire valoir des observations orales ou écrites sur sa situation personnelle et familiale ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur matérielle car il est entré régulièrement en France muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour de trois mois ; il a perdu son passeport le 13 mars 2008 mais, malgré sa demande, n'a pas pu obtenir une copie de son passeport initial ;
- il remplissait dès lors les conditions prévues au 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint de français ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle et familiale ;
- son intégration professionnelle est établie par les bulletins de salaires qu'il a produits ; par ailleurs il dispose d'attaches familiales en France, sa soeur et deux cousins ;
- compte tenu de son mariage en juin 2014 avec une ressortissante française, de son intégration professionnelle et sociale, l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-avec son épouse ils se sont engagés dans une démarche de procréation médicalement assistée antérieurement à l'arrêté contesté ; la mesure d'éloignement aurait pour effet de remettre en cause le traitement médical ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Specht, rapporteur,
- et les observations de MeF..., représentant M. A....
1. Considérant que M. A..., ressortissant des Comores, né le 11 janvier 1984, a déclaré être entré régulièrement en France en janvier 2008 ; qu'à la suite de son mariage le 14 juin 2014 à Pontivy avec une ressortissante française, il a sollicité le 23 juin 2015 un titre de séjour en cette qualité, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 16 juillet 2015, le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ; que le préfet du Morbihan relève appel du jugement du 22 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel M. A...était susceptible d'être renvoyé d'office, et l'a enjoint de procéder au réexamen de sa situation ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que M. A...établit par les pièces produites, sa présence habituelle en France depuis 2011 et qu'à compter de janvier 2012 il a travaillé en qualité d'ouvrier de fabrication pour la société Doux SA à Plouray (Morbihan) dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs, quasiment sans discontinuité ; que si le préfet du Morbihan établit, dans le dernier état de ses écritures que M. A...a travaillé en utilisant une carte nationale d'identité falsifiée, cet élément ne fait pas obstacle, à ce qu'il soit tenu compte des circonstances propres à la vie privée et familiale de l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est marié le 14 juin 2014 avec une ressortissante française, Mme D... M'Roumbamba, soit depuis plus d'un an à la date de l'arrêté contesté, et que le couple a engagé des démarches de procréation médicalement assistée ; que dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit être annulée ; que la décision fixant le pays à destination duquel M. A...est susceptible d'être reconduit d'office doit, par suite, être également annulée ;
Sur les conclusions d'appel incident présentées par M.A... :
3. Considérant qu'à l'appui de ses conclusions d'appel incident dirigées contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français, M. A... se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que l'arrêté contesté est suffisamment motivé, qu'il a été pris à l'issue d'une procédure régulière, et que M. A...ne remplissait pas les conditions prévues aux articles L. 311-7 et au 4° de l'article L. 313-11 ainsi qu'à l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Morbihan n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a fait droit aux conclusions présentées par M. A...tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ; que les conclusions d'appel incident présentées par M. A...tendant à l'annulation de la décision du préfet du Morbihan refusant la délivrance du titre demandé ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Considérant que contrairement à ce que soutient le préfet du Morbihan, la circonstance que M. A...ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français à défaut d'établir son entrée régulière en France lui permettant d'obtenir un visa d'une durée supérieure à trois mois, ne fait pas obstacle à ce que l'intéressé puisse se prévaloir de l'intensité de ses liens privés et familiaux en France pour solliciter un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
6. Considérant qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Rennes, l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi implique seulement que le préfet du Morbihan procède au réexamen de la situation administrative de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'à cette fin, il appartient au préfet du Morbihan, de prendre en considération les éléments de fait et de droit existants à la date de sa décision après avoir, le cas échéant, fait procéder aux vérifications qu'il estimerait utiles ; que les conclusions incidentes présentées par M. A...tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Morbihan de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Morbihan est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. A...est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Specht, premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 mai 2016.
Le rapporteur,
F. SpechtLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
A. Maugendre
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03529