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10/05/2016 | FRANCE | N°14NT02424

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 mai 2016, 14NT02424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 24 août 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gennes a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section AH n° 213 d'une contenance de 263 m2 sise 2-4, rue du Moulin, ainsi que la décision du 1er décembre 2011 par laquelle le maire de la commune de Gennes a refusé de retirer cette délibération et d'exclure la parcelle en cause du périmètre du projet communal d'aména

gement global du quartier du Moulin.

Par un jugement n° 1201187 du 17 juillet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 24 août 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gennes a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section AH n° 213 d'une contenance de 263 m2 sise 2-4, rue du Moulin, ainsi que la décision du 1er décembre 2011 par laquelle le maire de la commune de Gennes a refusé de retirer cette délibération et d'exclure la parcelle en cause du périmètre du projet communal d'aménagement global du quartier du Moulin.

Par un jugement n° 1201187 du 17 juillet 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2014, un mémoire complémentaire enregistré le 7 janvier 2015 et un mémoire en réplique enregistré le 3 juin 2015, M. D...B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 juillet 2014 ;

2°) d'annuler les décisions des 24 août et 1er décembre 2011 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Gennes, sous astreinte de 50 euros passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, d'exclure expressément la parcelle cadastrée section AH n° 213 du périmètre du projet communal d'aménagement global du quartier du Moulin ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Gennes le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-le projet litigieux faisant partie de l'opération d'aménagement du quartier du Moulin d'un montant par hypothèse supérieur au prix de 75 000 euros, l'avis du service des domaines aurait dû être préalablement recueilli ; or, la preuve de cette consultation préalable n'est pas rapportée ;

-la nature du projet ne figure pas dans la décision de préemption, de sorte que la délibération litigieuse ne peut être regardée comme motivée ;

-la commune de Gennes ne justifiait pas de la réalité d'un projet précis d'action ou d'opération, répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, à la date de la décision de préemption, le 24 août 2011 ;

-la parcelle cadastrée section AH n° 213, objet de la préemption, n'est pas incluse dans le périmètre du projet d'aménagement de l'îlot du Moulin, ainsi qu'il résulte notamment de l'étude réalisée par le CAUE en septembre 2010 ;

-la parcelle voisine n° 216 n'a pas fait l'objet d'une préemption ;

-un projet ne peut être regardé comme répondant à un but d'utilité publique tendant à la création de logements, alors que la commune dispose déjà de logements en nombre suffisant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2015, la commune de Gennes, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré du défaut de consultation du service des domaines est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Une mise en demeure a été adressée le 9 janvier 2015 à M. C...E....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code de l'urbanisme ;

-le code général des collectivités territoriales ;

-le décret n° 86-455 du 14 mars 1986 portant suppression des commissions des opérations immobilières et de l'architecture et fixant les modalités de consultation du service des domaines ;

-l'arrêté du 17 décembre 2001 modifiant l'arrêté du 5 septembre 1986 relatif aux opérations immobilières poursuivies par les collectivités et organismes publics ;

-le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Millet,

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,

- les observations de MeA..., représentant M. B...et les observations de MeF..., représentant la commune de Gennes, devenue commune de Gennes-Val de Loire.

1. Considérant que M. B...relève appel du jugement du 17 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 24 août 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gennes a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section AH n° 213, sise 2-4 rue du Moulin, dont il est locataire, ainsi que de la décision du 1er décembre 2011 par laquelle le maire de la commune de Gennes a refusé de retirer cette délibération et d'exclure la parcelle en cause du périmètre du projet communal d'aménagement global du quartier du Moulin ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre des finances prévu à l'article 3 du décret du 5 juin 1940 modifié (...) / L'avis du service des domaines doit être formulé dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition " ; qu'aux termes de l'article L. 1311-9 du code général des collectivités territoriales : " Les projets d'opérations immobilières mentionnés à l'article L. 1311-10 doivent être précédés, avant toute entente amiable, d'une demande d'avis de l'autorité compétente de l'Etat lorsqu'ils sont poursuivis par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics. " ; et qu'aux termes de l'article L. 1311-10 du même code : " Ces projets d'opérations immobilières comprennent : (...)2° Les acquisitions (...)par exercice du droit de préemption, d'immeubles, de droits réels immobiliers, de fonds de commerce et de droits sociaux donnant vocation à l'attribution, en pleine propriété, d'immeubles ou de parties d'immeubles, d'une valeur totale égale ou supérieure à un montant fixé par l'autorité administrative compétente, ainsi que les tranches d'acquisition d'un montant inférieur, mais faisant partie d'une opération d'ensemble d'un montant égal ou supérieur ; (...) " ; que le montant fixé par l'arrêté du 17 décembre 2001 modifiant l'arrêté du 5 septembre 1986 relatif aux opérations immobilières poursuivies par les collectivités et organismes publics est de 75 000 euros pour les acquisitions à l'amiable de droits immobiliers donnant vocation à l'attribution en pleine propriété d'immeubles, ainsi que pour les tranches d'acquisition d'un montant inférieur mais faisant partie d'une opération d'ensemble d'un montant égal ou supérieur à cette somme ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si le maire de la commune de Gennes a, par un courrier daté du 6 janvier 2011, demandé au directeur de France Domaine de lui faire connaître son estimation sur la valeur foncière des parcelles cadastrées section AH n° 213 et section AH n° 697 proposées à la vente par leur propriétaire commun, M.E..., ce courrier est resté sans réponse, de sorte qu'en vertu des dispositions précitées, il pouvait être procédé librement à l'acquisition de cet ensemble immobilier d'un montant supérieur à 75 000 euros ; que, toutefois, une déclaration d'intention d'aliéner relative à la seule parcelle cadastrée section AH n° 213 a été déposée le 29 juin 2011 pour le prix de 40 000 euros ; que si la décision de préempter cette parcelle était ainsi susceptible de " prolonger le programme d'aménagement foncier de l'îlot du Grand Moulin " dont la commune était propriétaire, à l'exception de la parcelle cadastrée section AH n° 697, acquise postérieurement le 26 mars 2012, la préemption de la parcelle litigieuse ne pouvait être regardée comme une " tranche d'acquisition " de ce programme au sens des dispositions précitées ; que le prix de la parcelle mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner étant inférieur au seuil de 75 000 euros fixé par l'arrêté du 17 décembre 2001, la consultation de France Domaine préalablement à la décision de préemption n'était donc pas exigée ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de consultation préalable de France Domaine est, en tout état de cause, inopérant ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement ( ...). Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...). " ;

5. Considérant que la délibération du 24 août 2011 du conseil municipal de la commune de Gennes décidant de préempter la parcelle de M. E...indique précisément que son acquisition par la commune est faite " en vue de réaliser un logement locatif à caractère social et/ou un local commercial " et qu'elle " s'intégrera dans le projet d'aménagement de l'îlot du Moulin, dont la commune est propriétaire, et sur lequel seront construits prochainement des logements locatifs sociaux et une cellule commerciale de 300 m2, conférant ainsi au projet une unité foncière marquant l'entrée de la rue du Moulin " ; que la délibération fait ainsi apparaître la nature du projet en vue duquel le droit de préemption est exercé et satisfait, par suite, aux exigences de motivation résultant des dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (...). " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 12 avril 2010, le conseil municipal a décidé de lancer une réflexion sur l'aménagement du secteur du Moulin dont la situation géographique en fait un point stratégique en termes d'attractivité et de dynamisme du centre bourg, et d'en confier notamment l'étude au Conseil d'architecture d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) de Maine-et-Loire ; qu'il ressort du " schéma d'organisation " de l'étude préalable à l'aménagement du secteur du Moulin arrêté au mois de juin 2010 que la parcelle cadastrée section AH n° 213 était incluse dans le périmètre du projet d'aménagement, même si elle ne figurait pas dans l'îlot proprement dit, tel que délimité par le CAUE en septembre 2010 ; que, par une délibération du 13 décembre 2010, le conseil municipal a, ensuite, décidé de retenir le cabinet d'architectes chargé de la maîtrise d'oeuvre pour l'aménagement de l'îlot du Grand Moulin et rappelé " que l'objectif à terme est de construire un ensemble de commerces et de logements dans un environnement urbain, tout en préservant la qualité environnementale et paysagère du site " ; qu'enfin, par trois délibérations du 23 mai 2011, le conseil municipal a décidé, au vu des nombreuses demandes en attente, de solliciter le concours de Maine-et-Loire Habitat en vue de la construction rue du Moulin de 12 logements individuels destinés à la location sur les terrains dont il avait la maîtrise foncière, de confier les travaux d'aménagement de l'îlot du Moulin à la société publique d'aménagement (SPLA) de l'Anjou et de poursuivre l'opération d'aménagement en retenant deux hypothèses, dont l'une impliquait, sur une emprise foncière élargie, " l'intégration dans le projet d'une propriété riveraine " ; que la réalisation du projet communal d'aménagement de l'îlot du Moulin correspondait, par suite, à un " projet urbain ", au sens des dispositions précitées, susceptible d'intégrer la parcelle cadastrée section AH n° 213 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la commune ne justifiait pas, à la date de la délibération contestée, de la réalité d'un projet concernant notamment la parcelle litigieuse et entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme doit être écarté ;

8. Considérant, en second lieu, que la mise en oeuvre du droit de préemption doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre également à un intérêt général suffisant ; que si M. B...fait valoir que la commune de Gennes comporte déjà de nombreux logements locatifs et que la mixité sociale est déjà assurée par la construction des logements de l'îlot du Moulin et la restructuration de l'immeuble Renaud situé rue du 8 mai et que, par suite, l'utilité publique et l'intérêt général de la préemption ne sont pas démontrés, il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier que, compte tenu de la nature du projet envisagé, de la localisation de la parcelle concernée, de la croissance de la population et de la demande de logements en résultant, les auteurs de la délibération contestée aient fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme en décidant la préemption de cette parcelle ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, présentées par M. B...doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Gennes-Val de Loire, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...le versement à la commune d'une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : M. B...versera à la commune de Gennes-Val de Loire une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., à M. C...E...et à la commune de Gennes-Val de Loire.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2016.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PÉREZLe greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02424

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02424
Date de la décision : 10/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : BROSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-10;14nt02424 ?
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