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29/04/2016 | FRANCE | N°15NT01849

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 29 avril 2016, 15NT01849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 octobre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1202226 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juin 2015 et le 25 mars 2016, MmeB..., représe

ntée par la SCP Robin-Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 octobre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1202226 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juin 2015 et le 25 mars 2016, MmeB..., représentée par la SCP Robin-Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 novembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros à verser à son avocat en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'erreur de fait dès lors que, du fait de son handicap, elle est dans l'impossibilité de trouver un emploi depuis l'âge de 23 ans, qu'elle bénéficie de l'allocation adulte handicapée depuis le 1er octobre 2003 et du complément de ressources AAAH depuis le 1er mars 2008, son taux de capacité au travail étant inférieur à 5 % ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que qu'elle réside en France depuis plus de vingt deux ans et qu'elle y a toutes ses attaches familiales ;

- elle méconnait les stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle porte atteinte au principe de non-discrimination et à son droit à la poursuite d'une vie privée et familiale normale et constitue une discrimination indirecte.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 juillet 2015 et le 17 mars 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Piltant, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle du postulant ;

2. Considérant que pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de MmeB..., le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que la postulante tire l'essentiel de ses ressources de prestations sociales et constate que par le passé, bien que son état de santé lui permettait de travailler, elle n'a exercé aucune activité professionnelle lui permettant d'acquérir son autonomie ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que Mme B...a achevé ses études en 1999 à l'âge de 20 ans ; que si elle a entrepris un stage de formation professionnelle entre le 25 septembre 2001 et le 25 janvier 2002, il n'est pas établi qu'entre 1999 et 2001 puis du 26 janvier 2002 jusqu'à la décision de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel du 23 avril 2004, elle aurait exercé une activité professionnelle ; que, par suite, en indiquant que l'intéressée n'avait pas travaillé à cette époque, le ministre ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts ; qu'à supposer que la requérante entende faire valoir que l'appréciation à laquelle s'est livré le ministre de sa capacité à exercer une activité professionnelle serait manifestement erronée, les seules pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir une telle erreur ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les ressources de MmeB..., née en 1979 et entrée sur le territoire français à l'âge de 10 ans, n'étaient constituées, à la date de la décision contestée, que de l'allocation adultes handicapés, de l'allocation complément de ressources ainsi que de l'aide personnalisée au logement à hauteur versée à son bailleur ; que, dans ces conditions, et alors même que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Rhône lui a reconnu le 4 juin 2010 un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80% ainsi qu'une capacité de travail inférieure à 5%, le ministre a pu, sans commettre d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation ou de discrimination à son encontre, ajourner à deux ans la demande de naturalisation de Mme B...épouse C...au motif qu'elle ne disposait pas de ressources personnelles lui assurant une autonomie matérielle pérenne et ne subvenait à ses besoins qu'à l'aide, pour l'essentiel, de prestations sociales ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la décision refusant d'accorder la nationalité française n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ; que, dès lors, Mme B...ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par la décision contestée, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune (...) " ; que, toutefois, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe de non-discrimination ne peut être utilement soulevé indépendamment de l'invocation du droit ou de la liberté garanti par la convention dont la jouissance est affectée par la discrimination alléguée ; que l'accès à la nationalité française ne constituant pas un droit pour l'étranger qui la sollicite, le refus d'accorder la naturalisation à un étranger au motif de son absence d'insertion professionnelle ne saurait, dès lors, constituer, contrairement à ce que soutient la requérante, une discrimination dans l'accès à un droit fondamental, quand bien même ce défaut d'insertion professionnelle trouverait son origine dans ses problèmes de santé ou son handicap ;

7. Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que l'ensemble des attaches familiales de Mme B...sont en France est sans influence sur la légalité de la décision au regard du motif qui la fonde ;

8.Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions présentées par Mme B...épouse C...ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10.Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme B...épouse C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouse C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 avril 2016.

Le rapporteur,

Ch. PILTANTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

Ch. GOY

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N° 15NT01849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01849
Date de la décision : 29/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-01-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Nationalité. Acquisition de la nationalité. Naturalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Christine PILTANT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-04-29;15nt01849 ?
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