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07/04/2016 | FRANCE | N°14NT02209

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 avril 2016, 14NT02209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E...a demandé au tribunal administratif de Nantes de prescrire les mesures d'instruction utiles afin de déterminer les causes exactes du décès de son épouse survenu le 6 décembre 2003 au centre hospitalier universitaire de Nantes et de condamner cet établissement à lui verser la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts.

Par une ordonnance n° 1309428 du 20 juin 2014, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2014, M. F...E..., représenté par Me B....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E...a demandé au tribunal administratif de Nantes de prescrire les mesures d'instruction utiles afin de déterminer les causes exactes du décès de son épouse survenu le 6 décembre 2003 au centre hospitalier universitaire de Nantes et de condamner cet établissement à lui verser la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts.

Par une ordonnance n° 1309428 du 20 juin 2014, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2014, M. F...E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 20 juin 2014 ;

2°) de renvoyer la demande au tribunal administratif afin qu'il statue à nouveau.

Il soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le juge de première instance, sa demande, qui tendait à ce qu'une mesure d'expertise soit ordonnée afin de déterminer si les événements postérieurs au décès de son épouse, tels que l'heure exacte du décès, les mesures prises après le décès et en particulier l'existence de prélèvements qui auraient été effectués et les motifs pour lesquels il a été prévenu tardivement, révélaient un dysfonctionnement du service public, relevait de la compétence du juge administratif.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 janvier 2016, le centre hospitalier universitaire de Nantes, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que

- les demandes présentées devant le tribunal administratif ne relevaient pas de la compétence de la juridiction administrative ;

- les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er février 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 25 février 2016 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

La demande présentée par M.F.... E... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle au titre de cette instance a été rejetée par une décision du 25 août 2014 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Specht,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que Mme A...E..., qui était traitée depuis le mois d'octobre 2003 pour une broncho-pneumopathie consécutive à un traitement par radiothérapie, a été hospitalisée le 3 décembre 2003 dans le service de pneumologie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, pour une dyspnée et une thrombopénie ; qu'un diagnostic de coagulation intravasculaire disséminée a été retenu ; que, dans la soirée du 6 décembre 2003, elle a sombré dans l'inconscience et que son décès a été constaté le même jour à 23 heures ; que l'époux de la défunte, M.E..., et sa fille, Mme C...E..., ont saisi le 2 août 2006 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) des Pays de la Loire d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant des fautes commises par le CHU de Nantes dans la prise en charge de leur épouse et mère ; que la CRCI a désigné un expert qui a remis son rapport le 18 juin 2007 ; que, par un avis du 25 juillet 2007, cette commission a rejeté la demande d'indemnisation présentée par les intéressés ; que M. E... relève appel de l'ordonnance du 20 juin 2014 par laquelle le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, sa demande du 5 décembre 2013 qui tendait à ce que des mesures soient ordonnées pour déterminer les circonstances exactes du décès de son épouse et à la condamnation du CHU de Nantes à lui verser 1 euro à titre de dommages et intérêts ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, malgré les lacunes de sa formulation, la demande que M. E... a présentée devant le tribunal administratif de Nantes pouvait être regardée comme tendant à ce qu'une mesure d'expertise soit ordonnée en référé afin de déterminer si les circonstances postérieures au décès de son épouse révélaient une faute dans l'organisation du service hospitalier ; qu'il appartenait au juge des référés de la juridiction administrative de connaître du litige ainsi soulevé ; qu'il suit de là que M. E... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du 20 juin 2014 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la cour, statuant dans le cadre de l'évocation, d'examiner la demande présentée par M. E...devant le tribunal ;

Sur l'utilité de la mesure d'expertise :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. / (...) " ;

5. Considérant que M. E...demande qu'une expertise soit ordonnée afin que soient précisés les circonstances immédiatement postérieures au décès de son épouse le 6 décembre 2003 à 23h, les mesures prises après le décès, tels que les éventuels prélèvements effectués, et les motifs pour lesquels il a été prévenu tardivement, ainsi que " l'état inhabituel " du corps lorsqu'il est venu se recueillir auprès de son épouse décédée ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des termes du rapport d'expertise établi, à la suite d'une procédure contradictoire à laquelle a participé M. E..., par l'expert désigné par la CRCI des Pays de la Loire, que, le 6 décembre 2003 vers 16h50, Mme E... a exprimé une sensation d'oppression et a produit une expectoration hémoptoïque et que des examens complémentaires ont alors été effectués ; que les documents infirmiers analysés par l'expert mentionnaient qu'à 21h30 la patiente était dyspnéique et angoissée, et que l'infirmière est revenue la voir plusieurs fois ; que Mme E... a été retrouvée inconsciente à 22h35, sans pouls ni tension, en pause ventilatoire et que la réanimation entreprise a été inefficace ; que le décès a été constaté à 23 h ; que l'expert de la CRCI ne remet pas en cause l'heure constatée du décès, qui a été causé par plusieurs embolies pulmonaires successives ; qu'il résulte également des mentions portées sur les documents infirmiers, confirmées par les termes de la lettre du 31 décembre 2003 que M. E...a adressée au directeur de l'hôpital Nord Laennec, qu'il a été prévenu du décès de son épouse à 23h30 le 6 décembre 2003 ; qu'il suit de là que M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été prévenu tardivement ; que, par ailleurs, si l'intéressé réitère en cours d'instance ses interrogations, exprimées devant l'expert de la CRCI, relatives aux motifs pour lesquels le personnel infirmier avait procédé à la toilette mortuaire avant son arrivée, il résulte de l'instruction qu'informé du décès de son épouse, il a d'abord indiqué au personnel infirmier qu'il ne viendrait la voir que le lendemain, ce qui explique la réalisation de la toilette, puis qu'il s'est ravisé et a été reçu dans la nuit à la chambre mortuaire du CHU ; qu'enfin si M. E... évoque des soupçons de prélèvements réalisés à son insu sur le corps de son épouse, ou " l'état inhabituel " du corps lorsqu'il s'est rendu auprès de son épouse, il ne fait état d'aucun élément objectif permettant de rendre vraisemblables ses affirmations et justifiant que soit ordonnée une nouvelle mesure d'expertise ; qu'il résulte de ce qui précède, à supposer même que les questions et les doutes formulés par M. E... puissent être regardés comme susceptibles de lui permettre d'engager le cas échéant une action en responsabilité à l'encontre du CHU de Nantes, que la mesure d'expertise sollicitée ne présente pas le caractère d'utilité exigé par l'article R. 532 -1 du code de justice administrative ;

7. Considérant, par ailleurs, que, M. E... n'ayant pas engagé d'action en responsabilité à l'encontre du CHU de Nantes, ses conclusions tendant à la condamnation de ce dernier à lui verser un euro symbolique ne sont pas recevables dans la présente instance ; que si le requérant entend également poursuivre le CHU de Nantes pour avoir commis des infractions lors du décès de son épouse, il lui appartient, s'il s'y croit fondé, d'examiner les possibilités d'action devant le juge pénal ;

8. Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes ne peut qu'être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1309428 du 20 juin 2014 du vice président du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E...et au centre hospitalier universitaire de Nantes.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 avril 2016.

Le rapporteur,

F. SpechtLe président,

I. Perrot

Le greffier,

A. Maugendre

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02209
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-04-07;14nt02209 ?
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