Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société orléanaise d'assainissement (SOA) a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 juillet 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social confirmant la décision du 15 décembre 2011 par laquelle l'inspecteur du travail de la 11ème section de l'unité territoriale de la Loire-Atlantique a refusé l'autorisation de licencier M.A..., ainsi que cette décision de l'inspecteur du travail.
Par un jugement n° 1206888 du 16 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes, faisant droit à la demande de la SOA a, d'une part, annulé les décisions des 15 décembre 2011 et 5 juillet 2012, et, d'autre part, enjoint à l'administration de se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisation de licencier M.A..., dans le délai de trois mois à compter de sa notification.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2015, et un mémoire enregistré le 15 décembre 2015, M. C...A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 juin 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société orléanaise d'assainissement (SOA) devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de la SOA une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'autorité administrative était en situation de " compétence liée " pour rejeter la demande d'autorisation de licenciement de la société orléanaise d'assainissement ;
- d'une part, en effet, la convocation à la réunion du 10 octobre 2011, ne comprenant ni note exposant les motifs du licenciement envisagé, ni le jugement du tribunal correctionnel du Mans du 5 septembre 2011, ramenant le préjudice de la société à 1 300 euros, ne comportait pas les " informations précises et écrites " permettant au comité d'entreprise de se prononcer en toute connaissance de cause sur le projet de licenciement ;
- d'autre part, le refus de réintégration dans son emploi et ses mandats représentatifs permettait de retenir une discrimination à son encontre et l'existence d'un lien entre le mandat et la demande d'autorisation ;
- enfin, les faits reprochés, compte tenu de son ancienneté et de l'absence d'antécédents, ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.
Par un mémoire, enregistré le 27 octobre 2015, la société orléanaise d'assainissement, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 16 septembre 2015.
Une lettre d'information a été adressée aux parties le 30 novembre 2015 en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Un avis d'audience emportant clôture d'instruction immédiate a été adressé aux parties le 22 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet ;
- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M. C...A....
1. Considérant que la société orléanaise d'assainissement (SOA) a sollicité, le 14 octobre 2011, l'autorisation de licencier M. A..., titulaire des mandats de membre du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail, de membre du comité d'entreprise et de délégué du personnel ; que, par une décision du 15 décembre 2011, l'inspecteur du travail de la 11ème section de l'unité territoriale de la Loire-Atlantique lui a refusé cette autorisation ; qu'à la suite du recours hiérarchique formé le 10 février 2012 par la SOA à l'encontre de cette décision, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, le 5 juillet 2012, confirmé la décision de l'inspecteur du travail ; que, par un jugement du 16 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes, sur la demande de la SOA, a, d'une part, annulé les décisions du 15 décembre 2011 et du 5 juillet 2012, et, d'autre part, enjoint à l'administration de se prononcer à nouveau dans le délai de trois mois à compter de sa notification ; que M. A...relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 2323-4 du même code : " Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations. " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code du travail que tout licenciement envisagé par l'employeur d'un salarié élu délégué du personnel ou membre du comité d'entreprise, en qualité de titulaire ou de suppléant, est obligatoirement soumis à l'avis du comité d'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur de mettre le comité d'entreprise à même d'émettre son avis, en toute connaissance de cause, sur la procédure dont fait l'objet le salarié protégé ; qu'à cette fin, il doit lui transmettre, notamment à l'occasion de la communication qui est faite aux membres du comité de l'ordre du jour de la réunion en cause, des informations précises et écrites sur l'identité du salarié visé par la procédure, sur l'intégralité des mandats détenus par ce dernier ainsi que sur les motifs du licenciement envisagé ; qu'il appartient à l'administration saisie d'une demande d'autorisation de licenciement, d'apprécier si l'avis du comité d'entreprise a été régulièrement émis, et notamment si le comité a disposé des informations lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause ; qu'à défaut, elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée ;
4. Considérant que, pour prendre sa décision du 5 juillet 2012, le ministre a estimé que l'avis émis par le comité d'entreprise sur le licenciement de M. A...était irrégulier, au motif que l'employeur n'avait pas indiqué, dans la convocation adressée aux membres du comité d'entreprise du 4 octobre 2011, le fait nouveau constitué par la condamnation pénale de M. A...prononcée le 5 septembre 2011 par le tribunal correctionnel du Mans, et que, par conséquent, le comité n'avait pas disposé de l'ensemble des informations précises et écrites lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause ;
5. Considérant qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier, et notamment de la pétition des salariés du 6 septembre 2011, qui y faisait expressément référence, que les membres du comité d'entreprise n'ignoraient pas la condamnation de M.A..., laquelle était à l'origine d'un préavis de grève, que plusieurs d'entre eux avaient d'ailleurs signé, au cas où ce dernier serait réintégré dans l'entreprise ; qu'en outre, lors d'une précédente demande d'autorisation de licenciement de l'intéressé, la SOA avait joint à la convocation du comité du 8 mars 2011 une note écrite précisant les faits de vol et d'escroquerie à l'origine de la procédure de licenciement de M.A..., qui avait admis avoir utilisé de manière illicite une carte de carburant et de péage au détriment de l'entreprise ; que la convocation du 4 octobre 2011 pouvait ainsi se borner à renvoyer à cette précédente information sur les motifs de licenciement de M.A..., dès lors que ceux-ci demeuraient inchangés, et étaient d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement, alors même que le tribunal correctionnel aurait ramené le montant du préjudice matériel subi par l'entreprise à la somme de 1 300 euros ; que le jugement du 5 septembre 2011 ne constituait donc pas, dans les circonstances de l'espèce, un élément d'information dont l'absence était de nature à empêcher le comité d'entreprise de se prononcer en toute connaissance de cause sur les faits reprochés à M. A... ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la décision du ministre refusant d'autoriser son licenciement pour ce motif était entachée d'illégalité ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ;
7. Considérant que, pour refuser d'autoriser le licenciement de M.A..., l'inspecteur du travail s'est essentiellement fondé sur la circonstance qu'à la suite des deux précédents refus d'autorisation de licenciement des 26 avril et 23 juin 2011, la SOA ne l'avait réintégré ni dans son emploi antérieur, ni dans ses fonctions représentatives ; que si, lors de la réunion du 20 juin 2011, les membres du comité d'entreprise se sont prononcés en faveur d'une exclusion de cette instance, la présence de M. A...étant jugée indésirable, cette éviction n'a été motivée que par le souci de prévenir, au sein de l'entreprise, les troubles consécutifs aux actes commis par le salarié ; que si le recours gracieux de la société a été rejeté le 23 juin 2011 par l'inspecteur au motif du caractère discriminatoire de la procédure disciplinaire, alors au demeurant que le refus d'autorisation initial du 26 avril 2011 ne retenait pas ce motif, cette circonstance n'est pas de nature à établir l'existence d'une telle discrimination à l'occasion de la procédure de licenciement en cause ; que, compte tenu des faits reprochés à l'intéressé, qui les a d'ailleurs partiellement reconnus, les éléments sur lesquels s'est fondé l'inspecteur du travail ne sauraient être regardés comme révélant l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement présentée le 14 octobre 2011 et les fonctions représentatives de M.A... ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision de refus d'autorisation de licenciement du 15 décembre 2011 était entachée d'une erreur d'appréciation et que la SOA était fondée à en demander l'annulation ;
8. Considérant, enfin, et en tout état de cause, que les faits reprochés à M. A...sont établis et, contrairement à ce qu'il soutient, suffisamment graves et répétés, ainsi qu'il a été dit, pour justifier une mesure de licenciement, en dépit de son ancienneté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions des 15 décembre 2011 et 5 juillet 2012 et enjoint à l'administration de se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société orléanaise d'assainissement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...une somme de 1 000 euros à verser à la société orléanaise d'assainissement au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : M. A...versera une somme de 1 000 euros à la société orléanaise d'assainissement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à la société orléanaise d'assainissement et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2016.
Le rapporteur,
J-F. MILLET
Le président,
A. PÉREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
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N° 15NT02329
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