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26/01/2016 | FRANCE | N°15NT01402

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 26 janvier 2016, 15NT01402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...épouse G...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 novembre 2011 par laquelle le sous-préfet de Fontainebleau a rejeté sa demande de naturalisation et la décision du 15 mai 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1207701 du 27 février 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2015, MmeG..., représentée par MeF..., demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...épouse G...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 novembre 2011 par laquelle le sous-préfet de Fontainebleau a rejeté sa demande de naturalisation et la décision du 15 mai 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1207701 du 27 février 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2015, MmeG..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 février 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 15 mai 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique et maintenu le rejet de sa demande de naturalisation ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé des naturalisations de faire droit à sa demande, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision ministérielle contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; si son époux a eu une relation extraconjugale et a eu des enfants avec une autre femme, c'est en raison de ses problèmes de stérilité ; il n'a jamais cohabité avec sa " maîtresse " ; la mention inscrite sur l'acte de naissance de son quatrième enfant selon laquelle il aurait cohabité avec la mère de ses enfants naturels résulte d'une erreur de la mairie ;

- le fait pour son époux d'avoir eu des enfants hors mariage ne traduit pas un défaut d'assimilation ;

- ce fait ne peut en tout état de cause lui être reproché dans la mesure où elle n'est que victime de l'infidélité de son mari ;

- elle est parfaitement intégrée à la société française ; elle a fait de brillantes études et le couple déclare des revenus de l'ordre de 100 000 euros annuels ; elle et son époux sont propriétaires d'un bien immobilier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pérez, président-rapporteur ;

- et les observations de MeB..., substituant MeF..., représentant MmeG....

1. Considérant que MmeG..., ressortissante camerounaise, relève appel du jugement du 27 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 mai 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement de l'intéressé et notamment le défaut d'assimilation et d'adhésion aux valeurs de la République française ;

3. Considérant que pour rejeter la demande de naturalisation présentée par MmeG..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée est mariée avec M.G..., lequel a été bigame de fait entre 1996 et 2006, ayant eu au cours de cette période quatre enfants issus en alternance de sa relation avec elle et Mme E...A...;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que M.G..., entré en France en 1986, n'a contracté qu'un seul mariage le 20 décembre 2003 avec la requérante, mère de leur enfant né le 9 décembre 1996, et n'a vécu depuis cette union qu'avec cette dernière ; que la seule circonstance que l'époux de Mme G...a entretenu durant plusieurs années une autre relation avec Mme A...dont sont issus trois enfants, ne permet pas de caractériser une situation de bigamie, dès lors que l'existence d'une vie maritale plurielle pendant cette même période n'est pas établie, alors même que M. et Mme G... ont déclaré ces enfants fiscalement à leur charge et que l'un d'entre eux est né postérieurement à son mariage ; que la relation incriminée ne peut à elle seule être regardée comme révélant un défaut d'assimilation à la communauté française ; que, dans ces conditions, en se fondant sur ce motif, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui ne peut utilement faire valoir la méconnaissance des devoirs respectifs des époux mentionnés aux articles 212 et 215 du code civil, ni davantage celle des dispositions relatives au pacte civil de solidarité citées à l'article 515-2 de ce code, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme G...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant que le présent arrêt n'implique pas que le ministre accorde nécessairement la nationalité française à MmeG..., mais qu'il se prononce à nouveau sur la demande présentée par celle-ci ; qu'il y a lieu, dès lors, d'adresser une injonction en ce sens au ministre de l'intérieur qui disposera d'un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt pour procéder à un nouvel examen de cette demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme G...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du 27 février 2015 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 15 mai 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de naturalisation de Mme G...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme G...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...épouse G...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. François, premier-conseiller.

- Mme Buffet, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 26 janvier 2016.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

E. FRANCOIS

Le président-rapporteur,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01402 3

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01402
Date de la décision : 26/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Alain PEREZ
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : OUEDRAOGO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-01-26;15nt01402 ?
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