Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme I...F..., M. A...F...et leurs enfants Mmes C...F...et B...F...ont demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, d'ordonner une expertise médicale portant sur les conséquences de l'intervention chirurgicale subie le 26 juillet 2005 par Mme I...F...au centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers et de leur allouer une indemnité provisionnelle de 100 000 euros, et à titre subsidiaire, de condamner le CHU d'Angers ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme F...la somme de 925 451,05 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'intervention chirurgicale, à M. A...F...la somme de 150 000 euros au titre des préjudices résultant de l'état de santé de son épouse et à Mmes C...F...et B...F...la somme de 30 000 euros chacune en réparation des préjudices résultant de l'état de santé de leur mère.
Par un jugement n° 1105139 du 25 février 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 avril 2015 et le 30 octobre 2015, Mme I...F..., M. A...F...et leurs enfants Mmes C...F...et B...F..., représentés par Me Brault-Jamindemandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 février 2015 ;
2°) à titre principal, d'ordonner une expertise médicale portant sur les conséquences de l'intervention chirurgicale subie le 26 juillet 2005 par Mme I...F...au centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers et d'allouer à Mme F...une indemnité provisionnelle de 100 000 euros, à M. F...une indemnité provisionnelle de 20 000 euros et à chacune des deux filles du couple une indemnité provisionnelle de 5 000 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le CHU d'Angers ou, à défaut l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme F...la somme de 958 054,90 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'intervention chirurgicale, et la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice résultant du défaut d'information, à M. A... F... la somme de 150 000 euros au titre des préjudices résultant de l'état de santé de son épouse et à Mmes C...F...et B...F...la somme de 30 000 euros chacune en réparation des préjudices résultant de l'état de santé de leur mère ;
4°) de mettre à la charge du CHU d'Angers ou de l'ONIAM la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- compte tenu de l'évolution de l'état de santé de Mme F...et des contradictions dont est entaché le rapport de l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) des Pays de la Loire, une nouvelle expertise est indispensable ; l'expert ne s'est pas prononcé sur l'existence d'un accident médical ni sur la cause exacte du dommage ;
- à titre subsidiaire, les séquelles que conserve Mme F...ont pour origine un accident médical ; le dommage directement imputable à l'intervention chirurgicale du 26 juillet 2005 présente un caractère de gravité au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, de nature à engager la responsabilité sans faute du CHU d'Angers ;
- par ailleurs le CHU d'Angers a méconnu son obligation d'information sur les risques liés à l'intervention car elle n'a pas reçu une information suffisante sur les risques inhérents à cette intervention ;
- Mme F...est dès lors fondée à demander l'indemnisation des préjudices subis ; au titre des préjudices patrimoniaux temporaires, elle a exposé des frais divers pour un montant de 83 091,75 euros ; la perte de gains professionnels actuelle s'élève à 140 000 euros ; au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires, elle a subi un déficit fonctionnel temporaire de 60% qui doit être évalué à 14 700 euros ; les souffrances endurées, évaluées à 5 sur une échelle de 7 justifient une indemnité de 12 000 euros et le préjudice esthétique temporaire, évalué à 6 sur une échelle de 7 justifie une indemnité de 26 000 euros ; s'agissant des préjudices patrimoniaux permanents, les dépenses de santé futures doivent être évaluées à 20 000 euros, les frais de logement adapté s'élèvent à 60 000 euros et les frais de véhicule adapté à 30 000 euros ; le besoin en assistance par une tierce personne évalué à 3 heures par jour tous les jours doit être évalué à 190 263,15 euros ; la perte de gains professionnels futurs s'élève à 100 000 euros ; l'incidence professionnelle de cet accident justifie une indemnité de 100 000 euros ; au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents, elle reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent dont le taux a été évalué entre 40% et 60% par l'expert, ce qui justifie une indemnité de 130 000 euros ; le préjudice d'agrément subi doit être évalué à 26 000 euros, le préjudice esthétique permanent évalué à 5 sur une échelle de 7 justifie une indemnité de 15 000 euros et elle subit enfin un préjudice sexuel complet qui justifie une indemnité de 26 000 euros ;
- au titre du préjudice résultant du défaut d'information, elle est fondée à demander le versement d'une indemnité de 150 000 euros ;
- M. F...est fondé à demander réparation du préjudice moral subi qui peut être évalué à 50 000 euros et des troubles dans ses conditions d'existence qui justifient une indemnité de 100 000 euros ; Mmes C...et B...F...sont également fondées à demander réparation du préjudice moral subi qui justifie une indemnité de 15 000 euros à chacune.
Par un mémoire enregistré le 8 juillet 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire, représentée par M.H..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 février 2015 ;
2°) d'ordonner une nouvelle expertise aux fins, notamment, de se prononcer sur l'imputabilité des prestations versées à l'intervention chirurgicale du 26 juillet 2005 ;
3°) de condamner le CHU d'Angers à lui verser la somme de 195 760,05 euros en remboursement des débours exposés pour son assurée sociale MmeF..., augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, ainsi que la somme de 1 037 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
4°) de mettre à la charge du CHU d'Angers la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- une nouvelle expertise est nécessaire compte tenu de l'évolution des préjudices de Mme F... et des contradictions du rapport d'expertise établi devant la CRCI des Pays de la Loire ; l'expert se prononcera également sur l'imputabilité des prestations versées ;
- le chirurgien a commis une faute dans la réalisation de l'intervention chirurgicale en omettant de retirer des fragments de disques vertébraux extériorisés ; cette omission est à l'origine d'une complication majeure ; l'expert a fixé à 30% le taux d'imputabilité de l'acte chirurgical initial avec les séquelles conservées par MmeF... ;
- les complications survenues peuvent aussi être analysées comme un accident médical non fautif de nature à engager la responsabilité sans faute de l'établissement ;
- le CHU d'Angers n'apporte pas la preuve qu'il a effectivement délivré une information à Mme F...sur les risques encourus ; sa responsabilité est également engagée sur ce fondement ;
- compte tenu de la date de consolidation de l'état de santé de Mme F...au 1er mai 2007, les débours exposés s'élèvent à la somme définitive de 195 760,05 euros arrêtée au 11 mai 2012.
Par des mémoires enregistrés le 22 juillet 2015 et le 23 décembre 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) représenté par Me Ravautconclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la mission d'expertise sollicitée devra être complétée afin que l'expert se prononce sur l'existence d'un aléa thérapeutique au regard des critères énoncés à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
- les autres moyens soulevés par les consorts F...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2015, le CHU d'Angers représenté par Me Le Prado s'en remet à la cour s'agissant de la demande d'expertise et conclut au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les consorts F...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Specht,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de MeL..., représentant les consortsF..., et de Me Faguer, représentant la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire.
1. Considérant que MmeF..., née en 1965, atteinte depuis le début de l'année 2004 de douleurs dorso-lombaires associées à des douleurs sciatiques dans le membre inférieur droit a subi, le 1er février 2005, un examen par imagerie par résonnance magnétique (IRM) qui a mis en évidence une hernie discale D11-D12 prédominante à gauche, refoulant la moelle épinière, et un rétrécissement du canal rachidien ; qu'après des examens complémentaires, elle a subi le 26 juillet 2005 au centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers une intervention consistant en une laminectomie D11-D12, par fraisage, destinée à élargir le canal rachidien en laissant la hernie en place ; que, peu de temps après la fin de l'intervention, Mme F...a présenté de vives douleurs dorsales et une paraplégie des deux membres inférieurs qui a nécessité une seconde opération pratiquée une heure après la première, au cours de laquelle des fragments discaux exclus ont été retrouvés, dont le retrait a permis de détendre la moelle épinière ; qu'après une rééducation fonctionnelle, l'état clinique de Mme F... s'est amélioré progressivement au cours de l'année 2007 ; que cependant, l'intéressée conserve comme séquelles une paraparésie sensitivo-motrice de niveau supérieur L1, prédominant à droite sur le plan moteur permettant la marche avec deux cannes et des chaussures orthopédiques, avec des troubles sphinctériens modestes ; que, recherchant la responsabilité du CHU d'Angers, Mme F... a saisi le 19 septembre 2007 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) des Pays de la Loire qui, après avoir ordonné, le 28 avril 2008, une expertise, a rejeté la demande de l'intéressée par un avis du 15 avril 2009 au motif qu'aucune faute ne pouvait être imputée au CHU d'Angers et que, par ailleurs, le dommage ne remplissait pas la condition d'anormalité exigée par le code de la santé publique pour une prise en charge par la solidarité nationale ; que, Mme F... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'une demande d'expertise médicale complémentaire qui a été rejetée par une ordonnance du 7 janvier 2010, confirmée en appel par un arrêt du 17 juin 2010 de la présente cour ; que, par une lettre du 1er février 2011, Mme F... et autres ont présenté au CHU d'Angers une demande d'indemnisation préalable qui a fait l'objet d'un rejet implicite ; que Mme F...et autres relèvent appel du jugement du 25 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant, à titre principal à ce qu'une mesure d'expertise soit ordonnée avant-dire droit et au versement d'une indemnisation forfaitaire provisionnelle de 100 000 euros et, à titre subsidiaire, à la condamnation du CHU d'Angers ou de l'ONIAM à leur verser la somme globale de 1 318 054,90 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale du 26 juillet 2005 ;
Sur les conclusions aux fins d'expertise :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des termes du rapport du 18 octobre 2008 de l'expert désigné par la CRCI, le professeur Tadié, neurochirurgien, lequel n'est entaché d'aucune contradiction, et a examiné toutes les causes du dommage, y compris celles relatives aux conditions dans lesquelles s'est effectuée la manoeuvre de transfert de la patiente du brancard au lit, que les séquelles que conserve Mme F...proviennent pour une part évaluée à 30% d'un accident médical non fautif ; que l'expert a par ailleurs précisément évalué les différents postes de préjudices de Mme F... ; que, si Mme F...soutient que son état de santé a évolué dès lors qu'elle est atteinte du syndrome de " Brown-Sequard ", qui correspond à des troubles moteurs et sensitifs dus à une lésion de la moelle épinière sur le côté droit ou gauche du corps, elle n'apporte pas de précision sur l'aggravation éventuelle de son état de santé depuis la réunion d'expertise qui a eu lieu le 8 octobre 2008 ; que, dès lors, la cour dispose de tous les éléments d'information nécessaires à la solution du litige ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise ;
Sur la responsabilité du CHU d'Angers :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des termes du rapport d'expertise du professeur Tadié que l'indication opératoire de la laminectomie des vertèbres D11-D12 était fondée, que la prise en charge de Mme F...a été réalisée conformément aux règles de l'art et que les moyens techniques et en personnel de santé étaient adaptés ; que par ailleurs, l'expert indique également que la manoeuvre de transfert de la patiente du brancard au lit, durant laquelle est survenue la complication a été effectué " de façon normale et habituelle" ; que si lors de la seconde intervention, le chirurgien a trouvé des fragments de disque au niveau de la hernie discale laissée en place, l'expert a précisé dans son rapport que ces fragments résultaient de la décompensation brutale de la hernie discale ; que, par suite, la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire n'est pas fondée à soutenir que le chirurgien a commis une faute lors de l'intervention du 26 juillet 2005 de nature à engager la responsabilité du CHU d'Angers ;
En ce qui concerne la responsabilité pour manquement à l'obligation d'information :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. / (...) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) " ; que, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ; qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que le juge peut nier l'existence d'une perte de chance ;
6. Considérant que l'expert a mentionné dans son rapport que Mme F...avait été informée des risques de l'intervention à tous les stades de la prise en charge et en particulier lors d'une consultation avec le docteur Mercier en mars 2005 et qu'elle avait disposé d'un temps de réflexion avant la réalisation de l'intervention qui a eu lieu le 26 juillet 2005 ; qu'il n'est pas contesté par ailleurs que Mme F... a signé le 24 juillet 2005 un document relatif à cette information ; que, par suite, le CHU d'Angers doit être regardé comme ayant délivré à Mme F... l'information prévue par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction et notamment des termes du rapport d'expertise que Mme F... présentait avant l'intervention une hernie discale en D11-D12 associée à un rétrécissement arthrosique du canal médullaire, que cette pathologie constitue une lésion grave qui entraîne des troubles moteurs et sensitifs pouvant évoluer vers une paraplégie complète et définitive et que l'intervention chirurgicale destinée à élargir le canal médullaire était la seule solution pour éviter cette évolution ; que, dans ces conditions, l'intervention chirurgicale du 26 juillet 2005 présentait un caractère impérieux excluant toute possibilité raisonnable de refuser l'intervention ; qu'en outre, si plusieurs techniques opératoires, par des voies différentes, existaient, il résulte également du rapport de l'expert que le choix de la laminectomie par fraisage pour agrandir le canal médullaire en laissant en place la hernie, était celle qui présentait le moins de risques de traumatisme de la moelle épinière ; que, dans ces conditions, en admettant même le défaut d'information sur les risques de cette opération dont se prévaut MmeF..., celui-ci ne lui a, en l'espèce, fait perdre aucune chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; que les conclusions indemnitaires présentées par Mme F... à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;
En ce qui concerne la responsabilité sans faute :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) / II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " ; qu'en application de l'article D 1142-1 du même code, le pourcentage d'incapacité permanente est fixé à 24% et qu'en application de l'article L. 1142-22 du même code, l'ONIAM, établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1 du même code ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnisation au titre de la solidarité nationale des conséquences d'un accident médical non fautif n'incombe qu'à l'ONIAM ; que, par suite, les conclusions présentées par les consorts F...tendant à ce que le CHU d'Angers soit condamné à leur verser une provision ou à les indemniser des conséquences de l'accident médical non fautif dont a été victime Mme F...ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :
9. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du même code ;
10. Considérant que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ;
11. Considérant que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;
12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du Professeur Tadié que Mme F... présentait avant l'intervention une hernie discale en D11-D12 associée à un rétrécissement arthrosique du canal médullaire ; qu'il résulte de l'instruction que cette pathologie présente un caractère de gravité qui, en l'absence d'intervention, entraîne des troubles moteurs et sensitifs pouvant évoluer vers une paraplégie complète et définitive ; que, par suite, les conséquences de l'accident médical non fautif en cause, consistant pour Mme F...en une paraparésie sensitivo-motrice de niveau supérieur L1, prédominant à droite sur le plan moteur, ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles Mme F...était exposée par sa pathologie en l'absence de traitement ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction et notamment des termes du rapport d'expertise que l'intervention chirurgicale destinée à élargir le canal rachidien en laissant la hernie en place était la seule solution pour éviter l'évolution mentionnée, ; qu'elle présentait un taux de risque de complication évalué par l'expert à 15%, qui ne peut être regardé comme faible ; qu'enfin, les séquelles conservées par Mme F...résultent pour 30% de l'accident médical non fautif et pour 70% de son état antérieur, en particulier de la hernie discale ; que, par suite, les conséquences de l'accident médical non fautif en cause ne peuvent être regardées comme anormales au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que, par suite, les conclusions présentées par les consorts F... tendant à ce que l'ONIAM soit condamné à les indemniser des conséquences de l'accident médical non fautif dont a été victime Mme F... ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire :
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en l'absence de faute commise par le CHU d'Angers de nature à engager la responsabilité de l'établissement, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire tendant à la condamnation de l'établissement hospitalier à lui rembourser les débours exposés pour le compte de son assurée sociale et à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376 1 du code de la sécurité sociale doivent être rejetées ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts F...et la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de MmeF..., de M. F...et de MmesF..., ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...F..., à M. A... F..., à Mme C... F...et à Mme B...F..., au centre hospitalier universitaire d'Angers, à la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bachelier, président de la cour,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Specht, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 janvier 2016.
Le rapporteur,
F. SPECHTLe président,
G. BACHELIER
Le greffier,
M. LAURENT
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01276