Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Syndicat maritime CFDT Normandie et le Syndicat CGT des marins du grand Ouest ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bretagne et la décision confirmative du 5 novembre 2012, prise sur recours hiérarchique, par le ministre du travail de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, relatives à la répartition du personnel navigant par collèges électoraux pour l'élection, en 2012, des délégués de bord et à la répartition des sièges entre les collèges.
Par un jugement n° 1300007 du 14 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bretagne et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 janvier 2015, le Syndicat maritime CFDT Normandie, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 novembre 2014 en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande ;
2°) d'annuler la décision du 5 novembre 2012 du ministre du travail de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et, à titre subsidiaire d'annuler également la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bretagne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le litige ne ressortit pas à la compétence de la juridiction administrative mais à celle de la juridiction judiciaire en application de l'article 14 du décret n° 78-389 du 17 mars 1978 applicable en l'espèce qui régit l'ensemble des questions relatives à la création des collèges électoraux, leur nombre, leur composition et la répartition des sièges ;
- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a annulé la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bretagne pour incompétence de l'auteur de l'acte ; l'article R. 2314-6 du code du travail ne prévoit pas de délégation de la compétence du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; par ailleurs, le signataire de la décision indiquant agir par délégation du directeur de l'unité territoriale du Finistère ne disposait pas, en tout état de cause de la compétence nécessaire pour signer l'acte contesté ; enfin les précédentes délégations de signatures accordées à Mme D..., signataire de la décision du 1er juin 2012 ne font pas référence aux dispositions de l'article L. 2314-11 du code du travail ;
- la décision du ministre doit être annulée en conséquence de l'annulation de celle de la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bretagne ;
- la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bretagne, prise en application de l'article 5 de la convention collective du 30 novembre 1950, méconnaît les pratiques en vigueur dans l'entreprise BAI, dans laquelle les agents des services généraux ont toujours été répartis dans deux collèges distincts, l'un pour le personnel hôtelier, et, l'autre pour le personnel " hôtesse ", devenu personnel " accueil-vente " ;
- en ce qui concerne la détermination du nombre de délégués de bord, l'administration a écarté à tort les dispositions de l'article 6 du décret du 17 mars 1978 pour appliquer seulement les stipulations de la convention collective du 30 novembre 1950, or les dispositions règlementaires, ne sont pas contraires aux stipulations de la convention collective mais viennent les compléter en imposant 3 délégués par collège dès lors que le nombre de marins au sein de ce collège est supérieur à 55 alors que les stipulations de la convention collective n'évoque pas ce seuil.
Par un mémoire enregistré le 13 août 2015, la société Bretagne Angleterre Irlande, représentée par Me B...conclut :
1°) à titre principal, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bretagne ;
2°) au rejet de la demande présentée par le Syndicat maritime CFDT dirigée contre cette décision ;
3°) à titre subsidiaire au rejet de la requête ;
4°) et à ce que soit mise à la charge du Syndicat maritime CFDT Normandie la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les dispositions de l'article 14 du décret du 17 mars 1978, qui ont été reprises par l'article L. 2314-25 du code du travail, ne concernent pas le nombre de collèges ni la répartition des salariés dans ces collèges et ne sont donc pas applicables ; à défaut de dispositions particulières relatives à ces questions applicables aux marins dans le décret n° 78-389 du 17 mars 1978, ce sont les dispositions de droit commun qui s'appliquent, soit celles de l'article L. 2314-11 du code du travail, lesquelles donnent compétence à l'autorité administrative pour répartir les salariés dans les différents collèges prévus par la loi ou les dispositions conventionnelles en vigueur ; la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bretagne était dès lors compétente pour prendre la décision contestée ;
- par ailleurs, la signataire de la décision du 1er juin 2012 disposait d'une subdélégation régulière de signature en vertu d'un arrêté du 7 décembre 2011 produit par le requérant ;
- devant le tribunal administratif, les requérants n'ont pas présenté de moyens dirigés contre la décision du ministre du travail ;
- le syndicat n'est pas fondé à demander l'application, pour les élections de 2012, du protocole électoral conclu en 1992 conclu pour la mise en place d'un comité d'entreprise unique entre les trois sociétés existant alors, car le périmètre de l'élection n'était plus le même en 2012 ; aucune reconduction tacite du protocole de 1992 ne peut être invoquée ; à défaut d'accord sur le nouveau protocole électoral, l'administration ne pouvait qu'appliquer les dispositions de la convention collective en application de l'article L. 2314-11 du code du travail en ce qui concerne le nombre de collèges électoraux ;
-le nombre de siège affecté à chaque collège est défini par la convention collective nationale du 30 novembre 1950 ; l'administration a appliqué le barème prévu par ces stipulations.
Une mise en demeure a été adressée le 22 juillet 2015 au ministre du travail de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, au syndicat CGT des marins du grand ouest, au syndicat FGTE-CFDT Maritime Bretagne, à la confédération française de l'encadrement et à l'UGIT-CGT.
Par ordonnance du 15 octobre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 16 novembre 2015 à 12 h en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Les parties ont été informées, la lettre en date du 17 décembre 2015, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions présentées à titre subsidiaire par le Syndicat Maritime CFDT Normandie dirigées contre l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes qui ne lui fait pas grief, et d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la société BAI tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement, dès lors que, si de telles conclusions doivent être regardées comme un appel principal, elles sont tardives, et que si ces conclusions doivent être regardées comme un appel incident, elles concernent un litige distinct.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code des transports ;
- le décret n 78-389 du 17 mars 1978 portant application du code du travail maritime, modifié par la loi n° 507 du 18 mai 1977 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Specht,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que la société Bretagne Angleterre Irlande (BAI), dont le siège est situé à Roscoff (Finistère) et qui exerce une activité de transport maritime de véhicules et de passagers, a procédé en 2012 au renouvellement de l'élection des délégués de bord, qui sont les délégués du personnel présents à bord des navires comportant plus de dix marins inscrits au rôle d'équipage ; que dans le cadre de la négociation du protocole électoral un désaccord est apparu à propos de la détermination du nombre de délégués de bord au sein des cinq collèges électoraux prévus par l'accord, qui a conduit la direction de la société BAI, par courrier du 16 mars 2012, à saisir la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Bretagne pour trancher ce litige ; que, par une décision du 1er juin 2012, cette autorité a fixé à quatre le nombre de collèges électoraux et aussi fixé le nombre des délégués de bord par navire et par collège sur la base des stipulations de la convention collective du personnel d'exécution du 30 novembre 1950 ; que, saisi d'un recours hiérarchique par le syndicat maritime CFDT Normandie, le ministre chargé du travail, a, par une décision du 5 novembre 2012, confirmé la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne ; que le syndicat maritime CFDT Normandie relève appel du jugement du 14 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a partiellement fait droit à sa demande et a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2012 du ministre du travail, et demande à titre subsidiaire l'annulation de la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne ; que la société BAI conteste l'annulation prononcée par le tribunal administratif de cette même décision ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5543-1 du code des transports : " Le code du travail est applicable aux marins salariés des entreprises d'armement maritime et des entreprises de cultures marines ainsi qu'à leurs employeurs, sous réserve des dérogations ou des dispositions particulières ainsi que des mesures d'adaptation prises par voie réglementaire dans les conditions prévues par le présent titre. " ; qu'aux termes de l'article L. 5543-2 du même code, dans sa rédaction applicable : " Les conditions d'application aux entreprises d'armement maritime des dispositions du livre III de la deuxième partie du code du travail sont fixées, compte tenu des adaptations nécessaires, par décret en Conseil d'Etat. / A bord des navires, la représentation des marins est assurée par les délégués de bord. " ;
3. Considérant qu'en l'absence dans le décret du 17 mars 1978 ou dans d'autres textes règlementaires, applicables au litige, de dispositions spécifiques aux modalités de désignation des délégués de bord sur les navires, et en particulier aux règles de répartition du personnel dans les collèges électoraux et à la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel, ces modalités sont régies par les dispositions du code du travail relatives aux délégués du personnel ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2314-11 du code du travail relatif à l'élection des délégués du personnel dans sa rédaction applicable : " La répartition du personnel dans les collèges électoraux et la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales, conclu selon les conditions de l'article L. 2314-3-1. / Lorsque cet accord ne peut être obtenu, l'autorité administrative procède à cette répartition entre les collèges électoraux conformément aux dispositions de la convention ou de l'accord prévu à l'article L. 2314-10 ou, à défaut d'un tel accord, entre les deux collèges prévus à l'article L. 2314-8. " ; qu'aux termes de l'article R. 2314-6 du même code : " La répartition du personnel dans les collèges électoraux et celle des sièges entre les différentes catégories de personnel, dans le cas prévu au second alinéa de l'article L. 2314-11, est réalisée par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du siège de l'établissement. " ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur la légalité de la décision prise l'administration chargée du travail, saisie du désaccord sur la répartition du personnel dans les collèges électoraux et la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel dans le cadre de l'élection des délégués de bord de la société BAI ;
Sur les conclusions présentées par le syndicat requérant dirigées contre la décision du 5 novembre 2012 du ministre chargé du travail :
6. Considérant qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Rennes, le ministre chargé du travail ne s'est pas borné, pour rejeter le recours hiérarchique formé par le syndicat requérant à l'encontre de la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne, à confirmer cette décision mais a pris une décision confirmative motivée ; que, par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de cette décision par voie de conséquence de l'annulation de la décision du 1er juin 2012 prononcée par le tribunal ; que par ailleurs et contrairement à ce qu'il soutient, le syndicat requérant n'a soulevé en première instance comme d'ailleurs en appel aucun moyen dirigé contre la décision du 5 novembre 2012 du ministre chargé du travail ; que, par suite, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la recevabilité des conclusions présentées à titre subsidiaire par le syndicat requérant dirigées contre la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne :
7. Considérant que l'article 1er du jugement attaqué a fait droit à la demande du syndicat maritime CFDT Normandie et a prononcé l'annulation de la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne ; que, par suite, le syndicat requérant n'est pas recevable à demander, à titre subsidiaire, l'annulation de cet article du jugement qui ne lui fait pas grief ;
Sur les conclusions présentées par la société BAI :
8. Considérant qu'en admettant même que la société BAI puisse être regardée comme demandant l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué, de telles conclusions, si elles doivent être regardées comme un appel principal, ont été enregistrées au greffe de la cour plus de deux mois après la notification du jugement attaqué et sont par suite, tardives ; que si ces conclusions doivent être regardées comme un appel incident, elles concernent un litige distinct de celui opposant le syndicat requérant et le ministre du travail, relatif à la légalité de la décision ministérielle du 5 novembre 2012, et sont par suite, également irrecevables ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat maritime CFDT Normandie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes n'a que partiellement fait droit à sa demande ; que les conclusions présentées par la société BAI dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société BAI, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le syndicat maritime CFDT Normandie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à la charge du syndicat maritime CFDT Normandie le versement à la société BAI de la somme de 1 500 euros au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du syndicat maritime CFDT Normandie est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société BAI dirigées contre la décision du 1er juin 2012 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne sont rejetées.
Article 3 : Le syndicat maritime CFDT Normandie versera à la société BAI la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat maritime CFDT Normandie, à la société BAI, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, au syndicat CGT des marins du grand ouest, au syndicat FGTE-CFDT Maritime Bretagne, à la confédération française de l'encadrement et à l'UGIT-CGT.
Copie en sera adressée à la DIRECCTE de Bretagne, Unité territoriale du Finistère.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bachelier, président de la cour,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Specht, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 janvier 2016.
Le rapporteur,
F. SPECHTLe président,
G. BACHELIER
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00091