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10/12/2015 | FRANCE | N°14NT02179

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 10 décembre 2015, 14NT02179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme et M. GokouTeaont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°1211781 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2014, M. et Mme GokouTea, repré

sentés par Me Boreau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme et M. GokouTeaont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°1211781 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2014, M. et Mme GokouTea, représentés par Me Boreau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juin 2014 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le remboursement des frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification du 15 novembre 2010 est irrégulière car elle est insuffisamment motivée ; l'administration n'a pas, en effet, explicité clairement sa position s'agissant du choix de la domiciliation de M.Tea, à savoir en Côte d'Ivoire ou en France, et s'est référée uniquement à la situation matrimoniale des époux et au principe d'imposition commune ;

- la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office est irrégulière ; le service ne pouvait faire application des dispositions de l'article L.69 du livre des procédures fiscale à l'égard de M.Tea, résident fiscal de Côte d'Ivoire, et la règle du double justifiant le recours à la demande de justifications de l'article L.16 du même livre devait être appréciée par époux ;

- l'imposition litigieuse n'est pas fondée ; l'administration a éludé la question de la territorialité de l'impôt pour motiver l'imposition en France de revenus d'origine indéterminée, alors que les revenus taxés correspondent en réalité à des économies rapatriées de Côte d'Ivoire par M. GokouTea;

- que M. Tean'étant pas fiscalement domicilié..., il n'était pas assujetti aux prélèvements sociaux au titre des années 2007 et 2008.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme Teane sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-ivoirienne du 6 avril 1966 modifiée entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance réciproque en matière fiscale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme Tearéalisé en 2009, des sommes inscrites sur leurs comptes bancaires ouverts en France pour un montant total de 690 742 euros pour l'année 2007 et 230 570 euros pour l'année 2008, dont l'origine et la nature n'ont pu être déterminées, ont fait l'objet, sur le fondement des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscale, d'une taxation d'office en tant que revenus d'origine indéterminée ; que les rehaussements envisagés par le service à ce titre ont été notifiés à M. et Mme Teadans le cadre d'une proposition de rectification du 15 novembre 2010 ; que les impositions et contributions sociales supplémentaires en résultant ont été mis en recouvrement respectivement les 31 mars et 30 juin 2012 ; qu'après avoir bénéficié, à la suite de leurs réclamations des 17 avril et 3 juillet 2012, d'un dégrèvement partiel, M. et Mme GokouTeaont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires d'un montant total de 606 399 maintenues à leur charge pour les années en litige ; que, par un jugement du 19 juin 2014, les juges de première instance ont rejeté leur demande ; que M. et Mme Tearelèvent appel de ce jugement ;

Sur la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la proposition de rectification :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : " l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuables, sa réponse doit également être motivée " et qu'aux termes de l'article R 57.1 du même livre : " la proposition de rectification prévue par l'article L.57 fait connaitre au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée à M. et Mme Teale 15 novembre 2010 indiquait que les époux Teaavaient souscrit depuis 2005 des déclarations communes de revenus en France, qu'ils étaient mariés sous le régime matrimonial de la communauté réduite aux acquêts et n'avaient produit aucune décision judiciaire les autorisant à avoir une résidence séparée, mentionnait également que les intéressés avaient acquis ensemble le 22 mars 2007 un appartement à Saint-Sébastien sur Loire où Mme Teahabite depuis le mois de juin 2009, que le couple disposait en France, outre les comptes ouverts au nom de Mme GokouTea, de comptes bancaires joints ouverts au nom de M. ou MmeA..., et concluait que les deux contribuables n'apportaient aucun élément de nature à établir qu'ils pouvaient se prévaloir d'une imposition séparée ; qu'il résulte également des termes de cette proposition de rectification que l'agent vérificateur a en conséquence retenu le principe d'une imposition commune, dont il a exclu les revenus perçus par M. GokouTeade son activité professionnelle en Côte d'Ivoire ; qu'enfin ce document distinguait de manière claire les revenus imposables selon leur titulaire et selon la catégorie à laquelle ils se rattachaient, à l'exception des revenus d'origine indéterminée qui, par nature, ne pouvaient être attribués à l'un ou l'autre des époux ; que cette proposition était, ainsi, suffisamment motivée pour permettre à Mme et M. GokouTead'engager un dialogue avec l'administration et de faire valoir leurs observations, en particulier sur l'appréciation portée par l'administration fiscale sur la prise en compte de leur domiciliation fiscale et sur le type de revenus imposés, ce qu'ils ont d'ailleurs effectivement fait dans le cadre de leur réponse en date du 13 janvier 2011 ; que, par suite, et alors même qu'elle ne faisait pas mention expresse de la domiciliation fiscale de M. Teaen Côte d'Ivoire, cette proposition de rectification répondait aux exigences des articles L. 57 et R. 57.1 rappelées au point 2 ;

En ce qui concerne la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L.12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments de train de vie des membres du foyer fiscal. " ; que, selon l'article L.16 du même livre, l'administration peut demander des justifications à un contribuable " lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés " ; que l'article L. 69 du ce livre prévoit que : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. " ; que, pour l'application de ces dispositions, les contribuables qui apportent aux demandes de l'administration des réponses dépourvues de vraisemblance qui ne permettent pas, de ce fait, de justifier tant de l'origine que de la nature des sommes portées au crédit de leurs comptes bancaires, doivent être regardés comme s'étant abstenus d'y répondre ;

5. Considérant que l'écart entre les sommes portées au crédit des comptes bancaires retenus et les revenus déclarés, dont l'importance doit justifier la mise en oeuvre de la procédure de demande de justifications, s'entend de celui que l'administration constate avant tout examen critique préalable à cette mise en oeuvre des crédits qu'elle a recensés, quelles que soient les premières justifications que le contribuable a pu spontanément apporter postérieurement à l'engagement de la vérification, et qui peuvent être de nature à réduire le montant des crédits sur lesquels il sera effectivement interrogé ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les crédits bancaires apparaissant sur les comptes ouverts en France au nom de Mme et M. Teaprovenaient pour l'essentiel de versements d'espèces effectués en France dont l'origine ne pouvait être connue de l'administration fiscale et qui, même si un des deux contribuables concernés était fiscalement domicilié..., étaient présumés être d'origine française ; que ces crédits représentaient plus du double des revenus déclarés par le couple ; que, dès lors que M. et Mme Teafaisaient l'objet, conformément à ce qui a été rappelé au point 3, d'une imposition commune en France et que l'origine des crédits constatés était inconnue, ces crédits ne pouvaient être rattachés à l'un ou à l'autre des époux ; que si les requérants soutiennent que le service aurait dû prendre en compte le caractère modique des revenus de Mme GokouTeapour en conclure que les crédits bancaires ne pouvaient provenir que des comptes étrangers de M.Tea, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'écart constaté entre les crédits bancaires et les revenus déclarés, qui permet la mise en oeuvre de la procédure de demande de justifications suivie par l'administration, s'apprécie quelles que soient les premières justifications que les requérants ont pu apporter postérieurement ; qu'ainsi c'est à bon droit que l'administration fiscale a adressé le 6 septembre 2010 à M. et Mme Teaune mise en demeure de répondre aux demandes de justifications présentées par elle ; qu'il n'est pas contesté que les réponses apportées à sa demande d'éclaircissements et de justifications n'étaient pas suffisantes ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeA..., l'administration a pu, s'agissant des crédits bancaires demeurés non justifiés, et sans commettre d'irrégularité, faire application à leur encontre de la procédure de la taxation d'office ;

Sur le bien fondé des impositions :

En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des différents éléments recueillis par l'administration sur la situation personnelle et matrimoniale de Mme GokouTeademeurant à... ; que c'est, par suite, à bon droit que l'administration a retenu le principe d'une imposition commune et estimé que l'obligation fiscale leur incombant portait sur l'ensemble des revenus de Mme GokouTeaet sur les revenus de source française de M. GokouTea ;

8. Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article L.192 du livre des procédures fiscales, la charge de prouver le caractère exagéré des impositions contestées incombe au contribuable en cas de taxation d'office ; que, par ailleurs, les sommes injustifiées figurant au crédit de comptes bancaires ouverts en France par un non-résident sont présumées être de source française ; qu'il résulte de l'instruction que Mme et M. Teaont crédité en France leurs divers comptes bancaires en procédant à des virements d'un montant global de 255 909 euros en 2007 et de 33 990 euros en 2008 sur un compte ouvert à La Banque Postale, et à des versements en espèces d'un montant global de 416 500 euros en 2007 et de 142 500 euros en 2008 sur le même compte, d'un montant 1 500 euros en 2007 sur un compte ouvert à la Caisse d'Epargne de Bretagne et des Pays de la Loire et de 2 000 euros en 2008 sur un autre compte ouvert dans ce même établissement bancaire ; que si les requérants soutiennent que ces différentes sommes correspondaient à des transferts de fonds provenant d'économies réalisées en Côte d'Ivoire, il est constant que ces transferts et dépôts ont été effectués à partir de lieux situés en France et que les seuls virements internationaux relevés proviennent de tiers situés en Suisse, dont les liens avec les requérants n'ont pas été précisément établis ; que, dans ces conditions, et alors que M. et Mme Tean'apportent pas davantage en appel qu'en première instance la preuve, qui leur incombe, de l'exagération des bases d'imposition, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les revenus figurant ainsi sur les comptes bancaires ouverts par eux-mêmes au titre des années 2007 et 2008 imposables à l'impôt sur le revenu en France constituaient des revenus d'origine indéterminée imposables en tant que tels ;

En ce qui concerne les prélèvements sociaux :

9. Considérant qu'en vertu des articles 1600-O C, 1600-O F et 1600-O G du code général des impôts, les personnes physiques domiciliées en France sont assujetties à une cotisation sociale généralisée, à un prélèvement social et à une contribution au remboursement de la dette sociale qui portent, notamment, sur les revenus d'origine indéterminée imposables à l'impôt sur le revenu en France ; que par suite, alors même que les revenus perçus et imposés en Côte d'Ivoire par M. GokouTeane sont pas soumis à ces prélèvements, c'est à bon droit que l'administration a fait application de ces dispositions aux impositions communes dues par les époux GokouTeaau titre des revenus d'origine indéterminée pour les années 2007 et 2008 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme et M. GokouTeane sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme Tead'une somme, au demeurant non chiffrée, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme GokouTeaest rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme GokouTeaet au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 décembre 2015.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. LAURENT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02179
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : BOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-12-10;14nt02179 ?
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