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10/12/2015 | FRANCE | N°14NT01193

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 décembre 2015, 14NT01193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Invest Phone Services Loire-Atlantique a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie en 2006, 2007 et 2008 au titre des exercices clos pendant ces années, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et, enfin, des pénalités co

rrespondantes.

Par un jugement n° 1203659 du 6 mars 2014, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Invest Phone Services Loire-Atlantique a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie en 2006, 2007 et 2008 au titre des exercices clos pendant ces années, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et, enfin, des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1203659 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 mai 2014 et le 2 mars 2015, la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 mars 2014 ;

2°) de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie en 2006, 2007 et 2008 au titre des exercices clos pendant ces années, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et, enfin, des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges, qui ont qualifié à tort de charges les remises qu'elle a consenties à la société EIDS au cours des exercices en litige, ont inversé la charge de la preuve en estimant qu'il lui appartenait d'apporter la preuve de l'existence et de la valeur de la contrepartie et donc de son intérêt à consentir ces remises au profit de son client ;

- ces remises ont été effectuées dans son intérêt dans le but de fidéliser son unique client, compte du marché fortement concurrentiel des centres d'appels téléphoniques ;

- elles sont destinées à réduire le prix forfaitaire initialement convenu de 2 euros et avaient été prévues en cas de dépassement du seuil de 750 000 appels à traiter ;

- elles ont été imposées par son client ;

- aucun acte anormal de gestion ne peut lui être reproché.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 octobre 2014 et le 3 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Invest Phone Services Loire-Atlantique, créée en janvier 2006, exerce l'activité de centre d'appels téléphoniques pour le Groupe Crédit Mutuel-CIC ; qu'elle exerce cette activité avec son unique client, la société Euro Information Direct Services, membre du même groupe ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôts commerciaux, sur la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, l'administration a, par proposition de rectification du 14 décembre 2009, d'une part, réintégré dans les bases imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 le montant des avoirs que la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique a accordés à son client au motif qu'ils constituaient un acte anormal de gestion, n'étant justifiés ni dans leur principe ni dans leur montant et, d'autre part, refusé d'admettre en déduction la taxe sur la valeur ajoutée correspondante dès lors qu'elle n'était pas relative à la réalisation d'opérations imposables ; que la société relève appel du jugement en date du 6 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie en 2006, 2007 et 2008 au titre des exercices clos pendant ces années, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et à celle des pénalités correspondantes ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant, d'une part, qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que la délivrance d'avoirs au profit d'un client a pour effet de diminuer le bénéfice imposable préalablement constitué de l'intégralité des créances acquises par cette entreprise ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que la délivrance de ces avoirs constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier notamment qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ; qu'en présence d'une facture, si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture d'avoir correspond à une opération dépourvue d'intérêt pour l'entreprise, il appartient alors à cette dernière d'apporter toutes les justifications utiles sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'elle en a retirée ;

4. Considérant, en premier lieu, que l'administration a procédé à la réintégration dans la base imposable à l'impôt sur les sociétés de quatre factures d'avoirs, s'élevant hors taxes à 52 793 et 255 419 euros, soit 308 212 euros, au titre de l'exercice clos en 2006, à 204 425 euros au titre de l'exercice clos en 2007 et à 271 848 euros au titre de l'exercice clos en 2008, établies par la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique au profit de la société Euro Information Direct Services ; que l'administration a estimé qu'aucune justification précise et suffisante n'avait été présentée au cours des opérations de contrôle permettant d'apprécier l'origine, le montant et la contrepartie directe des avoirs accordés ; qu'il résulte de l'instruction que ces avoirs ont été au plan comptable déduits des produits au titre de l'exercice clos en 2006 et inscrits sur un compte de charges à payer au titre des exercices clos en 2007 et 2008 ; que ces avoirs sont venus en diminution du bénéfice imposable préalablement constitué de l'intégralité des créances acquises par la société requérante ; que, par suite, il appartient à la société d'apporter les éléments qu'elle est seule à détenir permettant de justifier de façon précise et suffisante leur origine et leur montant ainsi que des contreparties dont elle a bénéficié ; que la circonstance que, par un avis du 30 juin 2011, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable à la société requérante est sans incidence sur la dévolution de la charge de la preuve ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le libellé des quatre factures délivrées par la société requérante fait référence à une "ristourne commerciale", sans aucune précision sur l'origine, la nature et la détermination du montant de ces remises ; que, pour justifier de ces avoirs dans leur principe et dans leur montant, la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique fait valoir qu'il avait été convenu verbalement avec son client au moment du démarrage de son activité en 2006 que le prix hors taxes de deux euros par appel constituait un tarif prévisionnel, susceptible d'être révisé à la baisse, sous la forme de l'octroi d'une ristourne commerciale, à la condition que la société Euro Information Direct Services lui confie par année, un minimum de 750 000 appels à traiter ; que toutefois et alors que le seuil de 750 000 appels a été atteint au titre de chaque exercice, les trois courriers émanant de cet unique client ne comportent aucune indication sur les modalités de calcul de ces avoirs qui ont représenté respectivement, 13 %, 10 % et 14,5 % du chiffre d'affaires de chaque exercice et dont le taux par exercice est sans rapport avec le chiffre d'affaires réalisé par la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si, comme le soutient la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique, les avoirs contestés sont destinés à réduire le prix forfaitaire initialement convenu par appel, afin de le rapprocher du coût du marché, la surévaluation de ce prix initial n'est pas établie au cours des exercices en litige par la seule circonstance que le résultat de la société requérante a été bénéficiaire au cours des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique fait également valoir que les avoirs ont été consentis dans le but de fidéliser son unique client, compte du marché fortement concurrentiel des centres d'appels téléphoniques ; que toutefois, il est constant que la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique a été créée en janvier 2006 pour répondre à un besoin spécifique du groupe Groupe Crédit Mutuel-CIC lui permettant d'externaliser le service des appels de ses clients tout en conservant la confidentialité des informations ; que si les courriers, adressés par la société Euro Information Direct Services les 27 décembre 2006, 4 janvier 2008 et 30 décembre 2008 à la société requérante, mentionnent l'importance du volume des appels effectués et font état en 2008 d'observations émanant des directeurs de caisses du groupe quant à la qualité et à la très faible retombée de ces appels, nécessitant la mise en oeuvre d'un suivi de qualité, ces pièces ne permettent pas de tenir pour établi le risque de rupture ou de l'amoindrissement des relations commerciales entre la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique et son unique client, membre du même groupe ;

8. Considérant que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qu'en accordant ces avoirs, la société requérante a accompli, en l'absence de contreparties, un acte anormal de gestion ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

9. Considérant que la requête de SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique ne comporte aucun moyen propre sur la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux factures d'avoirs, laquelle s'est élevée à 50 062 euros et à 40 067 euros au titre respectivement de la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007 et de celle allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008 ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Invest Phone Services Loire-Atlantique et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2015.

Le rapporteur,

M-P. Allio-Rousseau Le président,

G. Bachelier

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01193
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SELAFA JUDICIA CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-12-10;14nt01193 ?
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