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08/12/2015 | FRANCE | N°14NT01462

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 08 décembre 2015, 14NT01462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B..., d'une part, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 24 janvier 2012 par laquelle le conseil municipal de Conlie (Sarthe) a approuvé le plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1204210 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête n° 1401462 enregistrée le 4 juin 2014 et un mémoire complémentaire du 24 juillet 2015, M.B..., représenté par Me Hay, demande à la co

ur :

1°) d'annuler le jugement du 3 avril 2014 du tribunal administratif de Nantes,

2°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B..., d'une part, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 24 janvier 2012 par laquelle le conseil municipal de Conlie (Sarthe) a approuvé le plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1204210 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête n° 1401462 enregistrée le 4 juin 2014 et un mémoire complémentaire du 24 juillet 2015, M.B..., représenté par Me Hay, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 avril 2014 du tribunal administratif de Nantes,

2°) d'annuler la délibération du 24 janvier 2012 du conseil municipal de Conlie approuvant le plan local d'urbanisme,

3°) de mettre à la charge de la commune de Conlie une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a estimé à tort qu'il demandait une annulation partielle de la délibération litigieuse, alors qu'il en sollicitait l'annulation totale ;

- en méconnaissance de l'article L.300-2 du code de l'urbanisme, le conseil municipal n'a pas délibéré sur les objectifs poursuivis par la révision du plan local d'urbanisme ;

- en méconnaissance de l'article R. 123-22 de ce même code, le commissaire enquêteur n'a pas apporté de réponses précises et circonstanciées à ses observations ;

- le rapport de présentation omet d'analyser les conséquences de l'ouverture à l'urbanisation des terres agricoles ;

- cette ouverture à l'urbanisation, contraire au projet d'aménagement et de développement durable, représente au moins le double de la consommation d'espace estimée nécessaire par le rapport de présentation pour atteindre les objectifs de développement prévus ; elle est contradictoire avec l'objectif affiché de préservation de l'agriculture et amputera son exploitation de 17 hectares ; la chambre d'agriculture et le représentant de l'Etat ont émis des avis défavorables ; en outre l'extension de la zone artisanale, actuellement sous-occupée, apparaît inutile ; la délibération litigieuse est donc entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est encore entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 septembre 2014, la commune de Conlie, représentée par son maire conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2015 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François, premier conseiller,

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me Hay, avocat de M. B...et de Me Boidin, avocat de la commune de Conlie.

1. Considérant que M. B..., qui exploite 73 hectares de terres agricoles à Conlie (Sarthe), relève appel du jugement du 3 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 24 janvier 2012 par laquelle le conseil municipal de Conlie a approuvé le plan local d'urbanisme ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en estimant que M. B...demandait l'annulation de la délibération du 24 janvier 2012 en tant qu'elle classait des parcelles lui appartenant en zones AU 1, AUa et UA, alors que le requérant sollicitait en première instance l'entière annulation de cette délibération, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; que M. B...est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation du jugement précité ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 24 janvier 2012 du conseil municipal de Conlie présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération contestée :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " I - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis (...) avant : a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la délibération du conseil municipal doit porter, au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer un document d'urbanisme ;

5. Considérant qu'il ressort de l'extrait du registre des délibérations du conseil municipal de Conlie que la délibération du 8 juillet 2009, complétant la délibération du 24 mars précédent et prescrivant à nouveau la révision du plan local d'urbanisme, a donné lieu à un exposé du maire faisant valoir " qu'il est nécessaire d'envisager une redéfinition de l'affectation des sols et une réorganisation de l'espace communal afin de dégager des terrains à bâtir proches du centre-ville " et " qu'il y a lieu de réviser entièrement le plan local d'urbanisme afin de permettre son adaptation à la conjoncture actuelle aussi bien pour l'habitat que pour les activités " ; que le conseil municipal après en avoir délibéré, a décidé de prescrire l'élaboration du plan ; qu'en évoquant la nécessité de disposer de terrains constructibles proches du centre- ville ainsi que de nouvelles zones d'habitat et d'activités correspondant à l'évolution de la conjoncture, il s'est ainsi prononcé, sur les objectifs poursuivis par cette révision, du moins dans leurs grandes lignes ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R.123-19 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : "Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à l'enquête publique par le maire (...) dans les formes prévues par les articles R. 123-7 à R. 123-23 du code de l'environnement" et qu'aux termes de l'article R. 123-22 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le commissaire enquêteur (...) entend toute personne qu'il lui paraît utile de consulter (...) Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies(...) " ;.

7. Considérant qu'il ressort du rapport du commissaire enquêteur que ce dernier a, d'une part, répertorié les neuf observations effectuées par M. B...au cours de l'enquête publique, leur apportant les réponses qu'il estimait adéquates, d'autre part, a fait valoir dans ses conclusions motivées que les exploitations agricoles situées près du bourg seraient préservées ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des règles de l'enquête publique doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.123-1-2 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation (...) s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces agricoles (...). Il présente une analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (...) " ;

9. Considérant que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme contesté indique notamment, quant aux conséquences de l'ouverture à l'urbanisation sur les terres agricoles, que les élus souhaitent encourager le développement démographique de la commune, dont la population a augmenté de près de 1% par an entre 1999 et 2006, en classant suffisamment de terrains en zones d'urbanisation à court, moyen et long terme ; qu'il précise que pour y parvenir, il convient de disposer de 11 hectares dans une hypothèse haute, chiffre qui a été doublé pour éviter toute spéculation foncière ; que le rapport de présentation ajoute, que si au total plus de 28 hectares sont classés en zones à urbaniser AU, en tenant compte de l'extension de la zone d'activité existante, la commune s'engage toutefois à ne les ouvrir que progressivement à l'urbanisation, en préservant en tout état de cause les zones dévolues à l'agriculture et les sièges agricoles, observant à cet égard que près de 70% du territoire communal est classé en zone agricole A, répondant à l'objectif de préservation des espaces agricoles posé par le projet de développement et d'aménagement durable ; qu'ainsi, le rapport de présentation, qui n'a pas omis d'analyser les conséquences de l'urbanisation souhaitée par les auteurs du plan sur le devenir des terres agricoles, a fait une exacte application des dispositions de l'article L.123-1-2 précité du code de l'urbanisme ;

10. Considérant en quatrième lieu, qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;

11. Considérant que, compte tenu des éléments développés au point 9 du présent arrêt, le classement en zone d'urbanisation à long terme AU des parcelles exploitées par M. B...au lieudit " La Garenne ", cadastrées 347, 349 , 354, AC 13, AC 14, B 857, B 858, B 859 et B 860, représentant 17,30 hectares limitrophes par l'ouest du centre du bourg, n'apparait pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les parcelles cadastrées B 410, B 708, B 709, B 737 et B 744, également exploitées par le requérant et situées à l'est des précédentes de l'autre côté de la route de contournement du bourg, sont classées en zone AU1 destinée à l'accueil d'activités mais seulement à long terme, une éventuelle urbanisation anticipée ne pouvant au demeurant résulter que d'une modification ou d'une révision du plan ; que, dans ces conditions, le classement retenu pour ces parcelles par les auteurs du plan local d'urbanisme n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant en outre que la parcelle cadastrée C 90 exploitée par M. B...est limitrophe au sud de la zone d'activité de six hectares existante ; qu'il n'est pas sérieusement contesté par la commune que si cette zone d'activité, gérée par la communauté de communes dont fait partie la commune de Conlie, est entièrement construite, plus des deux tiers de la quinzaine de bâtiments la composant sont toutefois en attente d'un repreneur ; que, par suite, l'affectation de nouveaux terrains destinés à accueillir à court terme des activités par le biais du classement en zone AUa de la parcelle C 90 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que, par ailleurs, la parcelle cadastrée 409 accueille un hangar et un silo agricole exploités par M. B...ainsi que le siège annexe de son exploitation, que, dans ces conditions, son classement en zone à urbaniser AU 1 apparait également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la circonstance que les parcelles en cause étaient affectées d'un zonage identique dans le plan d'occupation des sols précédent ne saurait être utilement invoquée par la commune ; qu'il convient dès lors d'annuler la délibération du 24 janvier 2012 du conseil municipal de Conlie approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle classe en zone AUa la parcelle cadastrée C 90 et en zone AU 1 la parcelle cadastrée 409 ;

13. Considérant, enfin, que la seule circonstance que le maire de Conlie était également le président de la communauté de commune, lors de l'approbation de la délibération litigieuse ne saurait caractériser un détournement de pouvoir ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation de la délibération contestée en tant qu'elle classe sa parcelle cadastrée C90 en zone AUa et sa parcelle cadastrée 409 en zone AU 1 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par chacune des parties sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1204210 du 3 avril 2014 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La délibération du 24 janvier 2012 du conseil municipal de Conlie approuvant le plan local d'urbanisme est annulée en tant qu'elle classe en zone AUa la parcelle C 90 et en zone AU 1 la parcelle 409.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B...devant le tribunal et devant la cour est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à la Commune de Conlie.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Millet, président,

- M. François, premier conseiller,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2015.

Le rapporteur,

E. FRANÇOISLe président,

J.F. MILLET

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01462
Date de la décision : 08/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SCP DES JACOBINS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-12-08;14nt01462 ?
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