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27/11/2015 | FRANCE | N°14NT01652

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 27 novembre 2015, 14NT01652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1303701 du 25 avril 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de M. et Mme B...tendant à obtenir l'exécution du jugement en date du 8 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif avait annulé , à leur demande, les arrêtés des 17 juin et 1er décembre 2008 portant cessibilité de diverses parcelles en vue de la réalisation d'un projet d'aménagement routier sur la RD N° 89.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2014

, et par un mémoire complémentaire enregistré le 4 décembre 2014, M. et Mme B...demandent à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1303701 du 25 avril 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de M. et Mme B...tendant à obtenir l'exécution du jugement en date du 8 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif avait annulé , à leur demande, les arrêtés des 17 juin et 1er décembre 2008 portant cessibilité de diverses parcelles en vue de la réalisation d'un projet d'aménagement routier sur la RD N° 89.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2014, et par un mémoire complémentaire enregistré le 4 décembre 2014, M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement précité du 25 avril 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de trois mille euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M.et Mme B...soutiennent :

- que les stipulations des articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont invocables à l'appui d'une requête tendant à assurer l'exécution d'un jugement ;

- que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en les écartant ;

- que la décision litigieuse porte atteinte à leur droit à un recours effectif ;

- que l'expédition du jugement du 8 septembre 2008 n'indiquait pas qu'ils pouvaient saisir le juge de l'expropriation afin de faire constater le défaut de base légale de l'ordonnance d'expropriation du fait de l'annulation de l'arrêté de cessibilité ;

- qu'il ne peut leur être valablement reproché de ne pas avoir actionné le bon juge dès lors qu'ils n'ont pas été informés de la nécessité de saisir un juge différent ;

- que la complexité même de la procédure a conduit à une réforme du code de l'expropriation, en créant une connexion entre les deux ordres de juridiction en as d'annulation contentieuse de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité une fois l'ordonnance d'expropriation prise et une fois le délai de recours contre cette ordonnance expiré ;

- qu'il a été porté une atteinte illégale à leur droit de propriété ;

- que le transfert de propriété n'aurait jamais du intervenir, la procédure d'expropriation suivie ayant été illégale ;

- que les dispositions des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ont été méconnues ;

- que les dispositions de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- que les premiers juges ont omis de statuer sur ces moyens ;

- que le jugement du 25 avril 2014 est irrégulier ;

- que le tribunal ne pouvait pas juger que l'annulation d'une déclaration d'utilité publique ou d'un arrêté de cessibilité n'implique aucune mesure d'exécution au sens de l'article L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;

- que le jugement du tribunal administratif du 8 septembre 2011 ne peut être regardé comme ayant été exécuté ;

- que le tribunal ne pouvait valablement se retrancher derrière les dispositions de l'article R. 12-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- qu'ils invoquent, par voie d'exception, l'illégalité du décret du 13 mai 2005 portant modification du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ayant modifié les dispositions de cet article R. 12-5 ;

- que cet article a été insuffisamment précisé par l'article 23 du décret, en ce qu'il ne comporte pas les précisions figurant à l'article R. 12-5-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- que la seule mention des articles L. 12-5 et R. 12-5 dans l'arrêté d'expropriation ne permet pas aux intéressés d'être correctement informés sur la procédure à suivre pour saisir le juge de l'expropriation, en particulier en ce qui concerne le délai sous lequel il doit être saisi ;

- que le tribunal administratif a lui-même admis que les dispositions de l'article R. 12-5-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'avaient pas été portées à leur connaissance ;

- que le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur la conventionalité de l'article 23 du décret de 2005.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2014, complété par un second mémoire enregistré le 11 décembre 2014, présentés pour le département d'Ille et Vilaine, représenté par son président en exercice par MeC..., le département d'Ille et Vilaine conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que soit mis à la charge de M. et Mme B...le versement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le département fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant le département d'Ille et Vilaine.

1. Considérant que M. et Mme B...relèvent appel du jugement en date du 25 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur requête tendant au prononcé des mesures d'exécution qu'impliquait, selon eux, le jugement n° 083864-093899 du 8 septembre 2011 portant annulation des arrêtés de cessibilité pris par le préfet d'Ille et Vilaine les 17 juin et 1er décembre 2008 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que M. et Mme B...ont formé les 27 août 2008 et 17 février 2009 deux recours contentieux contre, d'une part, l'arrêté en date du 6 novembre 2006 par lequel le préfet d'Ille et Vilaine a déclaré d'utilité publique au profit de ce même département le projet d'aménagement de la RD n° 89 sur le territoire de la commune de Sains, et, d'autre part, l'arrêté du préfet du 17 juin 2008 déclarant cessibles au profit du département les parcelles nécessaires à l'aménagement précité, dont certaines appartenaient aux intéressés, et l'arrêté de cessibilité modificatif du 1er décembre 2008 ; que le tribunal administratif de Rennes, par un jugement en date du 8 septembre 2011, devenu définitif, a rejeté les conclusions des intéressés dirigées contre l'arrêté déclaratif d'utilité publique et a annulé les arrêtés mentionnés plus haut ; que M. et Mme B...ont saisi le 31 juillet 2013 le tribunal administratif de Rennes d'une requête en exécution de ce jugement du 8 septembre 2011 ; que, suite au classement administratif de leur demande par le tribunal, intervenu le 13 septembre suivant, ils ont demandé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle le 4 octobre 2013 ; que le tribunal administratif, par un jugement du 25 avril 2014, a rejeté leur demande ;

3. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que le jugement du tribunal administratif est irrégulier en ce que les premiers juges auraient omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, il ressort de la lecture du jugement du 25 avril 2014, que celui-ci a expressément écarté le moyen précité, dans son point 5, les premiers juges ayant préalablement rappelé qu'il existait une procédure spécifique permettant de faire obstacle au transfert de propriété en saisissant le juge de l'expropriation afin de lui faire constater le défaut de base légale des arrêtés de cessibilité dont les intéressés avaient obtenu l'annulation ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant, en premier lieu, qu'en relevant l'existence de la procédure spécifique de saisine du juge de l'expropriation, les premiers juges ont pu, à bon droit, considérer qu'il n'était pas porté atteinte par la décision litigieuse au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, ni au droit à un procès équitable garanti par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme B...soutiennent que la décision litigieuse méconnaît le principe, posé par l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du droit à un recours effectif, en ce que le jugement du 8 septembre 2008 ne faisait pas mention de ce qu'ils disposaient, conformément aux dispositions de l'article R. 12-5-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, d'un délai de deux mois pour saisir le juge de l'expropriation afin de s'opposer au transfert de propriété de leurs parcelles ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que par le jugement précité, qui a partiellement fait droit aux conclusions des intéressés en annulant les arrêtés de cessibilité en cause, le juge administratif avait épuisé son office ; qu'il ressort de la lecture des mêmes pièces que le jugement en question comportait la mention des délais de recours propres à la procédure contentieuse enclenchée par les requérants, la faculté de saisir le juge de l'expropriation en cas d'annulation des arrêtés de cessibilité constituant non pas une voie de recours contre les actes administratifs que constituent les arrêtés de cessibilité, mais une voie de recours distincte devant être formée auprès d'une juridiction de l'ordre judiciaire, destinée à faire constater, par voie de conséquence des décisions du juge administratif, le défaut de base légale du transfert de propriété éventuellement opéré ; que cette voie de recours distincte obéit aux règles propres de recevabilité en cas de recours porté devant le juge de l'expropriation qu'il n'appartient pas au juge administratif de rappeler dans la notification de ses propres décisions ; qu'ainsi, ce moyen doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si M. et Mme B...soutiennent qu'il a été porté une atteinte excessive à leur droit de propriété, cette circonstance, à la supposer établie, apparaît, en tout état de cause, dépourvue de tout lien direct avec la légalité de la décision attaquée, alors surtout qu'il ressort des pièces du dossier que les intéressés ont été indemnisés à hauteur de 1 677 euros par le département d'Ille et Vilaine du fait de l'expropriation de leur terrain en ayant expressément accepté l'offre qui leur était faite par le département ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que si M. et Mme B...soutiennent que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le jugement du 8 septembre 2008 n'appelait aucune mesure particulière d'exécution, ce jugement non contesté, qui annulait les arrêtés de cessibilité pris par le préfet d'Ille et Vilaine, ne peut qu'être regardé comme marquant de manière définitive la fin de la phase administrative de la procédure d'expropriation ; que, s'agissant de la phase judiciaire cette même procédure relative au transfert de propriété des parcelles en cause et à l'indemnisation des personnes expropriées, l'annulation en question, si elle privait de base légale l'ordonnance de transfert de propriété prise par le juge de l'expropriation en 2009, n'appelait aucune mesure particulière d'exécution de la part du juge administratif dès lors qu'il n'appartenait pas à ce dernier de se prononcer sur la légalité des opérations résultant de cette ordonnance d'expropriation ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que si M. et Mme B...invoquent, par la voie de l'exception, l'illégalité du décret du 13 mai 2005 et en particulier de son article 23, le jugement du tribunal administratif dont ils réclament l'annulation ne saurait être regardé comme une décision administrative découlant directement de ce décret, l'article 23 du décret auquel se réfèrent les requérants étant, au surplus, une simple disposition relative aux frais et dépens ;

9. Considérant, en dernier lieu, que M. et Mme B...soutiennent que l'arrêté d'expropriation est entaché d'une insuffisance de visas, en ce qu'il se borne à mentionner les articles L. 12-5 et R. 12-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; qu'ils doivent ainsi être regardés comme se référant au courrier du 29 janvier 2009 par lequel le président du conseil général leur a transmis l'ordonnance de transfert de propriété prise par le juge de l'expropriation le 29 décembre 2008 ; que cette ordonnance ayant été prise dans le cadre d'une procédure contentieuse formée devant la juridiction judiciaire, sa légalité est, en tout état de cause, sans aucun lien avec le jugement attaqué d'autant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme B...aient entendu contester la légalité de cette ordonnance ; que le juge de l'expropriation a ensuite fixé, le 15 octobre 2010, le montant des indemnités devant être versées à M. et MmeB..., ces derniers ayant d'ailleurs accepté, dans le cadre de la procédure alors suivie, les offres du Conseil général d'Ille et Vilaine, ainsi qu'il a été rappelé au point 5 ; que l'absence de mention dans les ordonnances du juge de l'expropriation relatives à la possibilité pour les intéressés de lui faire constater le défaut de base légale ne sauraient constituer un motif d'irrégularité de la décision du tribunal administratif de refuser de prescrire des mesures d'exécution d'un jugement ayant épuisé tous ses effets ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département d'Ille et Vilaine, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent M. et Mme B...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. et Mme B...le versement au département d'Ille et Vilaine d'une somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme B... verseront au département d'Ille et Vilaine, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...B..., au ministre de l'intérieur et au département d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2015 .

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 14NT01652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01652
Date de la décision : 27/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SEP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-11-27;14nt01652 ?
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