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27/11/2015 | FRANCE | N°14NT00665

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 27 novembre 2015, 14NT00665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme N... A...C...-A...Q..., M. G...A...C..., M. Jean-LucA...C..., M. et Mme B...L...et Mme O...A...P...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plouédern à leur verser la somme de 4 319 740,25 euros avec intérêts à compter du 31 mars 2011 et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant de la faute commise en délivrant le 28 janvier 2008 un permis d'aménager les autorisant à lotir un ensemble de huit parcelles sises au lieu-dit Bégavel sur la co

mmune de Plouédern.

Par un jugement n° 1101496 du 21 février 2014, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme N... A...C...-A...Q..., M. G...A...C..., M. Jean-LucA...C..., M. et Mme B...L...et Mme O...A...P...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plouédern à leur verser la somme de 4 319 740,25 euros avec intérêts à compter du 31 mars 2011 et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant de la faute commise en délivrant le 28 janvier 2008 un permis d'aménager les autorisant à lotir un ensemble de huit parcelles sises au lieu-dit Bégavel sur la commune de Plouédern.

Par un jugement n° 1101496 du 21 février 2014, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Plouédern à verser aux consorts A...C...la somme de 24 943,52 euros sous déduction de la provision accordée par le juge des référés, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2011, les intérêts échus à la date du 31 mars 2012 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 mars, 6 octobre et 23 décembre 2014, Mme N...A...C...-A... Q...et les autres requérants, représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 février 2014 ;

2°) de condamner la commune de Plouédern à leur verser la somme de 3 474 342,32 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2011 et avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Plouédern une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de la commune est engagée du fait de l'illégalité du permis de lotir qui leur a été délivré par arrêté du 28 janvier 2008 ;

- ils n'ont pas commis d'imprudence de nature à atténuer la responsabilité de la commune ;

- ils pouvaient légitimement croire à la compatibilité de leur projet avec l'exploitation agricole Favé, dès lors que celle-ci avait pris des dispositions pour diminuer ces nuisances, que les locataires voisins ne se plaignent pas de nuisances olfactives, et que les parcelles assiette du projet ont été classées en zone 1AUH du plan local d'urbanisme avec avis favorable du commissaire enquêteur ;

- n'étant pas des professionnels de l'immobilier, ils se sont entourés de professionnels compétents et ne pouvaient deviner la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, notamment en raison de l'appréciation subjective de l'atteinte à la salubrité publique, que ni les services de l'Etat ni ceux de la commune n'avaient envisagée ;

- la circonstance qu'ils n'ont pas pu apporter la preuve d'un affichage régulier et continu de l'autorisation de lotir ne constitue pas une faute de leur part de nature à exonérer la commune de sa responsabilité et le maire de Plouédern a admis ne pas les avoir averti quant à l'affichage ;

- ils n'ont pas commis d'imprudence fautive en engageant les travaux alors que l'autorisation n'était pas définitive, dès lors qu'ils n'ont démarré les travaux qu'en mars 2008, qu'ils y étaient tenus pour lever la garantie bancaire nécessaire à la commercialisation des lots en vertu du b de l'article R. 442-6 du code de l'urbanisme, qu'en délivrant des permis de construire dans le lotissement postérieurement au dépôt de la requête, la commune, qui aurait pu refuser ces permis sur le fondement de l'article R. 111-2 du même code, a encouragé le démarrage des travaux, que le quantum de responsabilité à la charge de la commune est sous-évalué, et qu'un quantum maximum de responsabilité de 10 % devrait rester à leur charge ;

- les préjudices actuels, directs, matériels et certains dont ils sont fondés à obtenir réparation s'élèvent à 3 474 342,32 euros, soit 845 397,93 euros au titre des travaux inutilement exécutés, 111 032, 45 euros au titre des frais bancaires, 48 883, 61 euros au titre des frais d'immobilisation financière pour les travaux, 6 454, 84 euros au titre des frais d'immobilisation financière pour le remboursement de la dette, 1 740, 29 euros au titre des frais d'huissier, 1 592, 56 euros au titre des frais de notaire, 2 010 745, 92 euros au titre de la perte de valeur vénale du terrain, 428 494,72 euros au titre du manque à gagner et 20 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

- au titre des travaux inutilement exécutés, ils sont fondés à être indemnisés des frais d'étude, de constitution du dossier de permis, des honoraires d'architecte et de géomètre, des frais d'entretien et de défrichement du terrain, de viabilisation et de raccordement aux réseaux, dès lors que tout nouveau projet sur le terrain est inenvisageable en raison de l'incertitude sur la constructibilité des parcelles ;

- les frais bancaires prélevés sur l'association foncière urbaine (AFU) par la banque s'élèvent à 78 168,45 euros auxquels s'ajoutent les frais des prêts qu'ils ont consentis pour remplacer l'ouverture de crédit qui leur avait permis de financer la viabilisation du lotissement, à hauteur de 32 864 euros, soit un total de 111 032, 45 euros ;

- le préjudice lié à l'immobilisation financière pour les travaux s'élève à 48 883, 61 euros dès lors que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ils ont financé les travaux grâce à l'ouverture de crédit, que seul le retard dans la commercialisation des lots les a contraints à solliciter des emprunts en remplacement de cette ouverture de crédit, et que les travaux de démolition du hangar ont été financés sur les fonds propres des consorts A...C...;

- ils ont droit à être indemnisés du préjudice résultant de l'immobilisation financière des sommes ayant servi au financement de la dette ;

- ils ont droit à être indemnisés des frais de notaire liés à la cession d'une partie du terrain par la mairie, à l'AFU et aux mandats d'hypothèque à hauteur de 1 592,56 euros ;

- ils ont droit à être indemnisés de la perte de valeur vénale du terrain dès lors que seule la mise en oeuvre de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et le changement des règles de constructibilité, et non les caractéristiques objectives des terrains, rend ceux-ci inconstructibles, que l'article R. 111-2 leur fait supporter une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif poursuivi qui n'est pas d'intérêt général mais l'objectif privé de la SAS Favé comme l'avait constaté le commissaire enquêteur, qu'alors même qu'ils n'ont pas acquis les terrains en cause en vue de l'opération de lotissement, leur préjudice correspond à la différence entre le prix des terrains constructibles viabilisés et celui de terrains non constructibles, soit de 2 010 745, 92 euros, déduction faite du coût des travaux de viabilisation ;

- le refus de l'indemnisation de la perte de valeur vénale et du manque à gagner est contraire aux stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils ont droit à être indemnisés du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à hauteur de 20 000 euros dès lors que les procédures engagées leur ont causé d'importants soucis, qu'ils sont désormais dans une situation financière très préoccupante, et qu'ils ont été contraints de vendre leurs biens et d'hypothéquer leurs résidences principales, ce qui s'est répercuté sur leur santé physique et morale ;

- la requête présentée par Mme A... C...-A...Q..., propriétaire indivise avec ses frères G...et R... LeC..., est recevable ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2014, la commune de Plouédern, représentée par Me Buors, avocat, conclut à ce que la cour :

1°) rejette la requête d'appel formée par les consorts A...C...;

2°) par la voie de l'appel incident, annule le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 février 2014 en ce qu'il l'a condamne à verser aux consorts A...C...la somme de 24 943,52 euros assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation des intérêts, et rejette l'appel en garantie de l'Etat ;

3°) à titre subsidiaire, réduise sa part de responsabilité compte tenu des fautes commises par les consorts A...C...et les tiers, et condamne l'Etat à la garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre ;

4°) mette à la charge des consorts A...C...le versement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont retenu à tort sa responsabilité dont elle doit être totalement exonérée, ou à titre subsidiaire, réduite, en raison des fautes sérieuses commises par les requérants, les professionnels et intermédiaires auxquels ils ont fait appel, et par l'Etat, et de l'absence de justification des réparations sollicitées ;

- les requérants ont, par leur négligence et leur imprudence, concouru à la réalisation du préjudice ;

- elle s'en remet à la sagesse de la cour sur l'opportunité d'organiser une expertise judiciaire sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative préalablement au versement de toute indemnité aux requérants.

Par un mémoire enregistré le 27 novembre 2014, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA), dite Groupama Loire-Bretagne, représentée par Me Lahalle, avocat, conclut à ce que la cour :

1°) rejette la requête d'appel formée par les consorts A...C...;

2°) par la voie de l'appel incident, annule le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 février 2014 ;

3°) à titre subsidiaire, condamne l'Etat à garantir la commune de Plouédern des éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son égard ;

4°) mette à la charge des consorts A...C...le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance est irrecevable s'agissant de MM. G...et Jean-LucA...C... ;

- les fautes et imprudences des requérants, des professionnels et de l'Etat sont de nature à exonérer totalement la commune de toute responsabilité ;

- à titre subsidiaire, les préjudices dont les requérants demandent l'indemnisation sont dépourvus de caractère certain, deux instances devant le tribunal administratif tendant à l'indemnisation des mêmes préjudices et la commune ne peut être condamnée à indemniser deux fois le même préjudice ;

- à titre infiniment subsidiaire, l'Etat, en tant qu'instructeur du permis d'aménager, chargé du contrôle de la réglementation afférente aux ICPE et de porter à connaissance des collectivités l'ensemble des informations à sa disposition en matière de prévention des risques, doit être condamné à garantir la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2014, la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut à ce que la cour rejette l'appel en garantie formé par la commune de Plouédern et la société Groupama Loire-Bretagne.

Elle soutient que la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée ni sur le fondement contractuel ni du fait d'une carence dans l'exercice du " porter à connaissance " dès lors que l'exploitation de l'usine de traitement du lisier de porcs a été autorisée postérieurement à l'approbation du plan local d'urbanisme, que, lors de l'instruction du permis d'aménager, le maire était informa de la présence de l'unité de traitement et que le " porter à connaissance " ne porte pas sur l'ensemble des dispositions d'urbanisme en vigueur et notamment sur celles que la collectivité ne peut ignorer, à savoir les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et la présence de l'installation classée.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 23 décembre 2014, l'association foncière urbaine libre " Ty Nevez ", représentée par MeD..., conclut aux mêmes fins que la requête ;

Par un mémoire en intervention, enregistré le 23 décembre 2014, M. J...A...P..., représenté par MeD..., conclut aux mêmes fins que la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Piltant,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeI..., substituant MeD..., représentant les consorts A...C..., de Me Buors, représentant la commune de Plouédern et de MeH..., substituant Me Lahalle, représentant Groupama Loire Bretagne.

1. Considérant que par un arrêt du 31 août 2010, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé le jugement du 23 juillet 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé le permis d'aménager, délivré le 28 janvier 2008 par le maire de la commune de Plouédern (Finistère) aux consorts A...C..., en vue de réaliser un lotissement sur un ensemble de huit parcelles situées au lieudit Bégavel sur la commune de Plouédern ; que, par jugement du 21 février 2014, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Plouédern à verser la somme de 24 943,52 euros aux consorts A...C...en réparation des préjudices subis par ces derniers du fait de l'illégalité du permis d'aménager mentionné ci-dessus ; que les consorts A...C...relèvent appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait intégralement droit à leurs demandes ; que la commune de Plouédern, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 24 943,52 euros aux consorts A...C...et en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat la garantisse des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur l'intervention volontaire :

2. Considérant que l'association foncière urbaine libre " Ty Nevez " et M. A...P...ne justifient pas d'un droit propre auquel l'arrêté à intervenir est susceptible de préjudicier ; que, par suite, leur intervention est irrecevable ;

Sur la fin de non recevoir opposée par Groupama Loire-Bretagne :

3. Considérant que le 19 février 2011, M. G...A...C...et M. Jean-LucA...C...ont donné mandat à Mme N...A...C...- A...Q...pour intenter un recours indemnitaire à l'encontre de la commune de Plouédern et les représenter dans l'instance ; que Mme A...C...-A... Q...doit donc être regardée comme agissant en qualité de mandataire de MM. A...C...; qu'ainsi la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Plouédern et la société Groupama Loire-Bretagne tirée de son absence de qualité à agir doit être écartée ;

Sur l'appel incident de la commune de Plouédern :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

4. Considérant en premier lieu, que le maire de la commune de Plouédern a délivré le 28 janvier 2008 aux consorts A...C...un permis d'aménager en vue de la réalisation d'un lotissement de 49 lots sur huit parcelles d'une contenance totale de 44 247 m² situées au lieudit Bégavel sur le territoire de la commune de Plouédern ; que par un arrêt du 31 août 2010 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé le jugement du 23 juillet 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé ce permis en raison de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le maire de Plouédern au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en délivrant un permis d'aménager sur des terrains situés à trois cents mètres d'un important élevage de porcs et à deux cents mètres d'une unité de méthanisation et de séchage de lisier de porcs et de déchets organiques, malgré les nuisances olfactives potentielles générées par l'exploitation de cette porcherie industrielle ; qu'il en résulte qu'en délivrant un permis d'aménager illégal, le maire de Plouédern a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

5. Considérant en deuxième lieu, que les consorts A...C..., ont déposé le 29 septembre 2007 une demande de permis d'aménager en se fondant sur les dispositions du plan local d'urbanisme de la commune de Pouédern approuvé le 18 septembre 2006 qui classait les terrains objets de l'autorisation annulée en zone constructible 1AUH ; que le maire de la commune de Plouédern a délivré le permis d'aménager en cause en visant les dispositions du plan local d'urbanisme ; que la circonstance que les consorts A...C...n'ont pas pu apporter la preuve d'un affichage complet et régulier de ce permis n'est pas de nature à caractériser une faute de leur part dès lors que ce permis a été annulé pour erreur manifeste d'appréciation du maire au regard des dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme ; que la commune ne peut utilement se prévaloir ni de ce que les consorts A...C...ont imprudemment commencé les travaux de réalisation du lotissement projeté alors même qu'une requête était introduite contre le permis d'aménager devant le tribunal administratif, ni de ce qu'ils ne pouvaient pas ignorer que leurs terrains se situaient à proximité de l'élevage porcin le plus important du département et susceptible d'engendrer des nuisances ; que, par suite, les consorts A...C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a limité la responsabilité de la commune aux deux tiers des conséquence dommageables de l'illégalité du permis d'aménager du 28 janvier 2008 ;

6. Considérant en troisième lieu, que, si la commune de Plouédern soutient que les interventions des professionnels de l'immobilier agissant pour le compte des requérants dans l'élaboration du projet litigieux et sa réalisation sont de nature à l'exonérer de sa responsabilité en tant qu'ils ont manqué à leur devoir de conseil et ont engagé leur responsabilité à l'égard des consorts A...C..., les fautes éventuelles commises par ces professionnels relèvent des relations contractuelles de droit privé entre ceux-ci et les requérants et sont sans lien direct avec les préjudices subis par les requérants ; que par suite, l'existence de ces éventuelles fautes ne sont pas de nature à atténuer la responsabilité de la commune ;

7. Considérant en quatrième lieu, que, si la commune de Plouédern soutient que la responsabilité de l'Etat est engagée au titre de la convention de mise à disposition des services de l'Etat pour l'instruction des autorisations et actes relatifs à l'occupation des sols, signée le 9 septembre 2004, la circonstance que le service compétent de la direction départementale de l'équipement du Finistère a instruit la demande de permis d'aménager en cause ne peut être utilement invoquée, dès lors qu'il n'est pas établi que ce service aurait commis une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire de Plouédern ; que les circonstances que les services de l'Etat ont délivré des autorisations au titre des installations classées pour la protection de l'environnement pour l'exploitation d'un élevage porcin et d'une unité de méthanisation situés à proximité des terrains en cause et qu'ils auraient commis une faute lors de l'élaboration du plan local d'urbanisme communal en permettant à ces terrains d'être classés en zone constructible sont sans lien direct avec les préjudices qui résultent de la seule illégalité du permis d'aménager accordé par le maire de la commune de Plouédern ; que par suite, la commune ne peut pas se soustraire à sa responsabilité à l'égard des consorts A...C...compte tenu de l'absence de faute de l'Etat ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appel incident de la commune de Plouédern tendant à ce qu'elle soit exonérée de la responsabilité lui incombant doit être rejeté ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne le coût des travaux inutilement exécutés :

9. Considérant que les consorts A...C...ne sauraient obtenir que l'indemnisation du coût des travaux effectués pendant la période où ils étaient titulaires d'une autorisation de lotir exécutoire, c'est-à-dire du 28 janvier 2008 date de l'obtention de l'autorisation annulée au 23 janvier 2009, date du jugement du tribunal administratif de Rennes ;

10. Considérant qu'il ressort de l'instruction que l'association foncière urbaine dénommée " Association Ty Nevez " a acquitté des factures portant sur les travaux du projet de lotissement à hauteur de 735 569, 73 euros ; que les requérants ne peuvent faire état d'aucun préjudice fondé sur la réalisation de ces travaux qui auraient été inutilement exécutés dès lors qu'ils n'en ont pas acquitté directement le coût ; qu'il en résulte que les factures en cause ne peuvent fonder, pour ce qui les concerne, un droit à réparation ; qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, seuls les frais de démolition du hangar, d'un montant de 35.545,60 euros, directement acquittés par les requérants en juin 2008, peuvent donner lieu à indemnisation ;

11. Considérant que les travaux de reconstruction d'un abri de jardin, d'un chenil et d'un mur de clôture appartenant de M. et MmeL..., d'un montant total de 2 643,43 euros, n'étaient pas indispensables à la réalisation du lotissement ; que par suite, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, les consorts A...C...ne peuvent prétendre à une indemnisation de ces chefs de préjudice ;

12. Considérant que, pour justifier des travaux de réfection de l'assainissement individuel de M. et MmeL..., les requérants produisent deux devis d'un montant de 9 981,13 euros et 345 euros datés respectivement des 29 septembre et 19 novembre 2010 ; que ces devis, postérieurs à la date du jugement du tribunal administratif de Rennes ne peuvent, en tout état de cause, donner lieu à indemnisation ;

13. Considérant que les factures d'un montant de 1 392,44 euros, de 321,72 euros et 873,38 euros établies au nom de M. J...F..., qui n'est pas partie à l'instance, ne peuvent pas donner lieu à indemnisation ;

14. Considérant que, pour justifier des frais d'aménagement des routes communales à hauteur de 58 164,53 euros, les requérants produisent une estimation des travaux d'un montant de 44 223 euros ; qu'en l'absence de justificatif du paiement effectif, ces travaux ne peuvent pas donner lieu à indemnisation ;

15. Considérant que, pour justifier des frais d'entretien du terrain, les requérants produisent deux factures d'un montant de 308,59 euros et 237,38 euros datés respectivement des 1er septembre 2009 et 31 juillet 2010 ; que ces factures, postérieures à la date du jugement du tribunal administratif de Rennes ne peuvent pas, en tout état de cause, donner lieu à indemnisation ;

En ce qui concerne les frais financiers des emprunts contractés en vue de la réalisation du lotissement :

16. Considérant, d'une part, que, pour les même motifs que ceux retenus, à bon droit par les premiers juges, les frais bancaires acquittés par l'association foncière urbaine, et non par les consorts A...C..., ne peuvent pas faire l'objet d'une indemnisation ;

17. Considérant, d'autre part, que les frais bancaires des prêts consentis pour terminer la viabilisation du terrain résultent de prêts souscrits postérieurement à la date du jugement du tribunal administratif de Rennes ; qu'il suit de là qu'ils ne peuvent pas, en tout état de cause, faire l'objet d'une indemnisation ;

En ce qui concerne les frais d'immobilisation financière :

18. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 17 et 18 que les consorts A...C...ne peuvent prétendre à être indemnisés du préjudice résultant du coût de l'immobilisation financière liée au remboursement de la dette ;

19. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 11 que les consorts A...C...ont droit à être indemnisés du coût de l'immobilisation de la somme de 35 545,60 euros qu'ils ont engagée pour le paiement des travaux de démolition du hangar ; qu'il y a lieu, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, de fixer le montant de cette indemnisation à 1 510, 88 euros ;

En ce qui concerne les frais de constats d'huissier de justice :

20. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la facture de 175 euros du 24 avril 2009 adressée par Me Gouretà M. B...L...aurait un lien de causalité directe avec l'illégalité fautive de la commune ; que la facture de 210 euros du 24 avril 2009 a été adressée à Mme K...A...P...qui n'est pas partie à l'instance ; qu'en revanche, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la facture de 195 euros du 21 janvier 2009 concerne l'affichage du permis de lotir accordé aux consorts A...C...; que, par suite, les requérants peuvent prétendre à une indemnisation de ce chef de préjudice à hauteur de 195 euros ;

En ce qui concerne les frais de notaire :

21. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'association foncière urbaine " Association Ty Nevez ", créée le 14 mars 2008, avait pour objet la gestion de l'opération de lotissement des consorts A...C...; que les motifs d'annulation du permis d'aménager entraînant l'impossibilité d'envisager une nouvelle opération de lotissement sur ces parcelles, la création de cette association s'avère inutile ; que par suite, les consorts A...C...peuvent prétendre à être indemnisés des frais de notaire de 358,80 euros engagés en vue de la constitution de l'Association Ty Nevez ;

22. Considérant, d'autre part, que les frais de constitution des mandats d'hypothéquer nécessaires à la mise en place de la garantie bancaire pour les prêts personnels des requérants accordés en 2010 sont postérieurs au jugement du tribunal administratif de Rennes et ne peuvent pas, de ce fait, donner lieu à indemnisation ;

En ce qui concerne la dépréciation de la valeur du terrain et le manque à gagner :

23. Considérant, d'une part, que si la délivrance d'une autorisation de lotir est susceptible de créer des droits, elle n'emporte pas, par elle-même, droit de construire ; que, par suite, la faute que commet la commune en accordant une autorisation de lotir illégale, si elle est de nature à engager sa responsabilité, n'est pas directement à l'origine de la perte de valeur vénale des terrains du lotissement ; qu'en tout état de cause, les requérants, qui étaient dès l'origine propriétaires des terrains concernés par leur demande d'autorisation de lotir et ne les ont donc pas acquis en vue de procéder à cette opération rendue impossible, ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice à ce titre ;

24. Considérant, d'autre part, que l'autorisation de lotir n'emportant pas droit à construire, le préjudice allégué tiré de l'abandon du projet de lotissement n'est pas susceptible d'indemnisation ;

Sur le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

25. Considérant que les consorts A...C..., qui ont dû renoncer à leur projet, sont fondés à demander l'indemnisation de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence ; qu'il en sera fait une juste appréciation en leur allouant une somme de 10 000 euros à ce titre ;

26. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise judiciaire, qu'il y a lieu de condamner la commune de Plouédern à verser au consorts A...C...la somme globale de 47 610,28 euros, en réparation des préjudices subis ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

27. Considérant que les consorts A...C...ont droit aux intérêts de la somme de 47 610,28 euros à compter du 31 mars 2011, date de réception de leur demande préalable par la commune de Plouédern ;

28. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par les requérants dans le cadre de leur demande devant le tribunal administratif de Rennes ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 31 mars 2012, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'appel en garantie de l'Etat par la commune de Plouédern et la société Groupama Loire-Bretagne :

29. Considérant, en premier lieu, que les services de l'Etat, mis à la disposition des communes pour l'élaboration des documents d'urbanisme et l'instruction des demandes d'occupation des sols, agissent en concertation permanente avec le maire qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont confiées ; que la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée, à ce titre, envers les communes, que lorsqu'un de ses agents commet une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire ; que la commune et la société d'assurance Groupama Loire-Bretagne n'établissent pas qu'un agent de l'Etat aurait commis une faute de cette nature, dans le cadre du concours que les services de la direction départementale de l'équipement du Finistère a prêté à la collectivité en vue de la délivrance par le maire de l'arrêté du 28 janvier 2008 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une faute de cette nature aurait été commise en l'espèce ;

30. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'instruction que le maire de la commune de Plouédern était pleinement informé de l'existence d'une installation classée pour la protection de l'environnement et de l'instruction d'une demande de création d'une unité de méthanisation à proximité des parcelles objet du permis d'aménager annulé ; que le 26 avril 2007, le conseil municipal de Plouédern a donné un avis défavorable au projet de création d'une unité de traitement du lisier de porcs par méthanisation a proximité des parcelles des consorts A...C...; que toutefois, le 3 octobre 2007, le maire a transmis un avis favorable pour le projet litigieux aux services instructeurs de la demande ; qu'ainsi la collectivité et son assureur ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de services de l'Etat pour faute résultant de l'absence d'information de la collectivité sur la présence d'une installation classée à proximité du projet des requérants alors qu'il est établi que le maire avait connaissance de la présence de cette installation ;

31. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de l'instruction d'une part, que la collectivité s'est attachée les services d'un bureau d'étude privé et n'a pas eu recours aux services de l'Etat pour l'accompagner dans l'élaboration de son plan local d'urbanisme ; que d'autre part, les dispositions de l'article R. 121-1 du code de l'urbanisme qui obligent le préfet à porter à connaissance du maire les dispositions particulières applicables à un territoire concerné lors de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme n'induisent pas une information de la collectivité sur les installations classées présentes sur le territoire communal ; qu'enfin aux termes des dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune " ; que lors de l'approbation du plan local d'urbanisme communal le 18 septembre 2006, le conseil municipal a classé le secteur où se situent les parcelles des requérants en zone 1 AUH, en sachant que ce secteur se situait à proximité d'une installation classée pour la protection de l'environnement ; qu'ainsi la collectivité et son assureur ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat pour défaut d'assistance lors de l'élaboration de son plan local d'urbanisme ;

32. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appel en garantie de la commune de Plouédern et de la société d'assurance Groupama Loire-Bretagne doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge des consorts A...C..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par la commune de Plouédern ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Plouédern la somme de 2 000 euros demandée par les consorts A...C...au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1 : Les interventions de l'association foncière urbaine libre " Ty Nevez " et de M. J...A...P...ne sont pas admises.

Article 2 : La somme que la commune de Plouédern a été condamnée à verser aux consorts A...C...par le jugement du 21 février 2014 du tribunal administratif de Rennes est portée à 47 610,28 euros (quarante sept mille six cent dix euros et vingt huit centimes).

Article 3 : Les intérêts sur la somme de 47 610,28 euros que la commune de Plouédern est condamnée à verser aux consorts A...C..., échus à la date du 31 mars 2012, seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le jugement du 21 février 2014 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La commune de Plouédern versera aux consorts A...C...une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts A...C..., l'appel incident, l'appel en garantie de l'Etat et les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentés par la commune de Plouédern sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme N...A...C...-A...Q..., à M. G...A...C..., à M. Jean-LucA...C..., à Mme O...A...P..., à M. et Mme B...L..., à la commune de Plouédern, à la société d'assurance Groupama Loire-Bretagne, à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, à l'association foncière urbaine libre (AFUL) "ty nevez" et à M. J...A...P....

Une copie sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2015.

Le rapporteur,

Ch. PILTANTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 14NT00665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00665
Date de la décision : 27/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Christine PILTANT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SELARL AVOXA RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-11-27;14nt00665 ?
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