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12/11/2015 | FRANCE | N°14NT02975

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 12 novembre 2015, 14NT02975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Perrot a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, de condamner la commune de Châlette-sur-Loing (45120) à lui verser une indemnité de 55 000 euros en réparation des préjudices résultant des agissements de harcèlement moral dont il estimait avoir été victime dans l'exercice de ses fonctions, d'autre part, d'annuler l'arrêté du maire de cette commune du 23 novembre 2012 opposant la prescription quadriennale à sa réclamation préalable indemnitaire.

Par un jugement n° 120

3620, 1300207 du 9 septembre 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Perrot a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, de condamner la commune de Châlette-sur-Loing (45120) à lui verser une indemnité de 55 000 euros en réparation des préjudices résultant des agissements de harcèlement moral dont il estimait avoir été victime dans l'exercice de ses fonctions, d'autre part, d'annuler l'arrêté du maire de cette commune du 23 novembre 2012 opposant la prescription quadriennale à sa réclamation préalable indemnitaire.

Par un jugement n° 1203620, 1300207 du 9 septembre 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 novembre 2014 et 18 octobre 2015, M. A... Perrot, représenté par Me Herren, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 septembre 2014 ;

2°) de condamner la commune de Châlette-sur-Loing à lui verser la somme de 55 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Châlette-sur-Loing la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué qui est insuffisamment motivé est entaché d'irrégularité ; les moyens qu'il avait présentés à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire du 23 novembre 2012 lui opposant la prescription quadriennale n'ont reçu aucune réponse ; il a été fait une analyse lacunaire de ses moyens dénonçant le harcèlement moral dont il a été victime et il n'a pas été statué sur la question de son isolement professionnel ni sur celle de l'altération de son état de santé ;

- c'est tort que les premiers juges ont accueilli la fin de non recevoir tirée de ce qu'il devait contester le bien fondé de la prescription qui lui était opposée dans le cadre du litige indemnitaire introduit parallèlement et non dans celui de l'excès de pouvoir pour rejeter sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2012 ;

- les premiers juges ont fait une appréciation erronée des faits invoqués ; tous les éléments qu'il a rapportés montrent le développement injustifié d'une critique de sa manière de servir, le développement de consignes tatillonnes, l'imputation de la responsabilité de vol de matériels conduisant à une entreprise de dénigrement caractérisée ; sa situation professionnelle et matérielle a été affectée par plusieurs mesures litigieuses telles que son éviction du service technique, la diminution conséquente de ses responsabilités, sa mise à l'isolement au deuxième étage de la mairie ; les procédures disciplinaires dont il a été l'objet méritaient d'être requalifiées en procédés de harcèlement moral ;

- c'est ainsi à tort que ses demandes indemnitaires ont été rejetées.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 janvier 2015, la commune de Châlette-sur-Loing, représentée par Me Weyl, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. Perrot la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête n'est pas recevable car tardive ;

- les moyens soulevés par M. Perrot ne sont pas fondés.

La commune de Châlette-sur-Loing a produit un mémoire enregistré le 19 octobre 2015 ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Herren, avocat de M. Perrot et de Me Weyl, avocat de la commune de Châlette-sur-Loing.

1. Considérant que M. Perrot, ingénieur subdivisionnaire territorial, a été recruté par la commune de Châlette-sur-Loing le 12 juin 1987 en qualité de directeur des services techniques ; qu'il a fait l'objet à partir de l'année 2002 de diverses mesures qu'il estime constitutives d'un harcèlement moral ; qu'il a formé, par un courrier du 2 novembre 2011, une demande tendant à la réparation des préjudices subis du fait de ces agissements, demande qui a été implicitement rejetée ; que, par un arrêté du 23 novembre 2012, le maire de Châlette-sur-Loing a opposé à la demande indemnitaire de M. Perrot la prescription quadriennale pour les faits intervenus entre 2002 et le 31 décembre 2007 ; que M. Perrot a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à obtenir réparation du préjudice subi, évalué par lui à la somme de 55 000 euros ; que, par une seconde demande, il a demandé à cette juridiction d'annuler l'arrêté précité du 23 novembre 2012 ; qu'il relève appel du jugement du 9 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses deux demandes ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que lorsque, dans le cadre d'un litige indemnitaire, l'administration oppose à la créance objet de ce litige la prescription prévue par les dispositions de la loi n° 68-1250 visée ci-dessus du 31 décembre 1968, le créancier qui entend contester le bien-fondé de la prescription doit le faire devant le juge saisi de ce même litige ; que, dans cette hypothèse, le créancier n'est, par conséquent, pas recevable à demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation de la décision opposant la prescription quadriennale à la créance dont il se prévaut ;

3. Considérant qu'à la date du 24 janvier 2013, à laquelle M. Perrot a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande d'annulation de l'arrêté du maire de Châlette-sur-Loing du 23 novembre 2012 opposant la prescription quadriennale à sa demande indemnitaire, la prescription avait été opposée à l'intéressé par la commune dans le cadre du recours de plein contentieux introduit par lui le 30 octobre 2012 et tendant à la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 55 000 euros ; que, dès lors, si M. Perrot entendait contester le bien-fondé de la prescription opposée à sa demande indemnitaire, il ne pouvait le faire que dans l'instance relative à cette demande ; que c'est, par suite, à bon droit que les juges de première instance ont accueilli la fin de non recevoir opposée sur ce point et pour ce motif par la commune de Châlette-sur-Loing et rejeté comme irrecevable le recours pour excès de pouvoir formé par M. Perrot contre l'arrêté du 23 novembre 2012 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. Perrot, le tribunal administratif d'Orléans a pris en compte sa contestation relative à l'exception de prescription quadriennale en l'écartant au point 22 du jugement attaqué par voie de conséquence dès lors que l'action en responsabilité engagée par l'intéressé à l'encontre de la commune était rejetée dans son principe ; qu'ainsi, aucune omission à statuer de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué ne peut être retenue ;

5. Considérant, enfin, que le tribunal a précisément analysé les moyens du requérant visant à démontrer le harcèlement moral dont il estimait avoir été victime en distinguant, pour y apporter une réponse circonstanciée, ce qui avait trait à la mise en cause de ses compétences professionnelles et à l'éviction de ses fonctions, à la mise en cause de son honnêteté, à l'atteinte portée à ses droits, à la question de l'isolement professionnel, aux mesures humiliantes dont il aurait été victime, enfin à la dégradation de son état de santé ; que le jugement attaqué est ainsi suffisamment motivé ;

Sur la responsabilité de la commune de Châlette-sur-Loing :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.... " ; que sont prohibés les agissements qui excèdent les limites de l'exercice normal du pourvoir hiérarchique ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, par ailleurs, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; que, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit être intégralement réparé ;

7. Considérant, en premier lieu, que M. Perrot qui s'est vu, par une décision du 21 novembre 2006, retirer ses fonctions de directeur des services techniques et confier l'étude de dossiers spécifiques, n'apporte en appel aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges, sur la base des pièces versées au dossier, quant aux divers dysfonctionnements, relevés à partir du mois de septembre 2002 et jusqu'en 2006, constatés dans les services dont il avait la responsabilité et aux difficultés rencontrées par lui pour exercer ses fonctions d'encadrement ; que le requérant ne verse aucun élément permettant d'écarter les griefs extrêmement graves qui lui ont été adressés par son employeur s'agissant de son intervention et de son immixtion dans une procédure d'attribution de marché public, comportement qui a conduit d'ailleurs au prononcé d'une sanction d'exclusion de trois jours par un arrêté du maire du 17 février 2005, qui n'a pas été contesté ; que compte tenu de la nature des critiques et griefs émis sur la manière de l'agent d'exercer ses fonctions, la circonstance que l'arrêté du 16 avril 2007 rapportant la décision citée ci-dessus du 21 novembre 2006 par laquelle les fonctions de directeur des services techniques avaient été retirées à l'intéressé a été annulé par le tribunal administratif faute pour la commune d'avoir fait application des dispositions réglementaires pertinentes ne saurait révéler une quelconque intention de la commune de nuire envers son agent ; que, dans ces conditions, il n'apparaît pas que le maire de Châlette-sur-Loing, en prenant la décision de retirer ses fonctions de directeur des services techniques à M. Perrot, aurait excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique dans l'organisation de ses services ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. Perrot sans l'établir, il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait à un quelconque moment accusé l'intéressé des vols de matériels qui ont eu lieu en 2005 et 2006, le directeur général des services s'étant borné à lui demander de diligenter une enquête administrative ; que le requérant ne démontre ainsi pas plus en appel qu'en première instance une volonté de nuire de la part de sa hiérarchie ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les différentes décisions prises par l'employeur de M. Perrot affectant tant son régime indemnitaire que les questions de la gratuité du logement mis à sa disposition et de l'allocation d'une indemnité de logement n'ont été que la conséquence de l'évolution des fonctions qui lui ont été confiées, en particulier du retrait ou du rétablissement de ses responsabilités de directeur des services techniques ; qu'elles ne révèlent aucun traitement discriminatoire ni aucune atteinte portée aux droits que l'intéressé détenait de son statut ;

10. Considérant, en dernier lieu et pour le surplus, que M. Perrot se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens et griefs que ceux qu'il avait développés en première instance et auxquels il a été répondu de manière précise et complète par les juges de première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs ainsi retenus par le tribunal administratif et tirés de ce que les fonctions de responsable du service de l'accessibilité des handicapés, les tâches confiées et ses conditions de travail n'ont pas eu pour effet de caractériser des agissements de harcèlement moral à l'encontre de l'intéressé, de l'absence de " mesures tatillonnes et humiliantes " révélant également aux dires du requérant de tels agissements, enfin de ce que, bien que M. Perrot souffre d'un état dépressif, il n'est pas établi qu'il aurait été victime de la part de l'administration d'un comportement vexatoire, dégradant et répété de nature à porter atteinte à son état de santé et susceptible de caractériser là encore des faits de harcèlement moral commis à son encontre ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les faits invoqués par M. Perrot, même pris dans leur ensemble, ne constituent pas des éléments susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, caractérisant une faute de la commune de Châlette-sur-Loing de nature à lui ouvrir droit à réparation ; qu'il suit de là que M. Perrot n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Châlette-sur-Loing, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. Perrot demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Châlette-sur-Loing et de mettre à la charge de M. Perrot la somme de 1500 euros au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Perrot est rejetée.

Article 2 : M. Perrot versera la somme de 1500 euros à la commune de Châlette-sur-Loing au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...Perrot et à la commune de Châlette-sur-Loing.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 novembre 2015.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02975
Date de la décision : 12/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : HERREN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-11-12;14nt02975 ?
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