Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...D...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) à lui verser la somme de 136 166,52 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C.
Par un jugement n° 1103725 du 11 juin 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2014, Mme E...D..., représentée par Me Cartron, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2014 ;
2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) à lui verser la somme de 136 166,52 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2010 et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de l'Oniam la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'hépatite chronique C constitue une pathologie évolutive et sa guérison ne saurait être regardée comme acquise au 26 janvier 2003 ;
- sa créance n'est pas prescrite dès lors que la loi du 4 mars 2002 a porté le délai de prescription à 10 ans et qu'en tout état de cause elle n'a eu connaissance de l'étendue de sa créance que le 13 novembre 2008 ;
- elle est fondée à se voir reconnaître son droit à indemnisation sur le fondement de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 et de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique dans la mesure où elle établit avoir bénéficié d'une transfusion de produits sanguins à l'occasion de son accouchement le 27 janvier 1982 ;
- elle peut prétendre à une indemnisation des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux qui présentent un lien direct avec sa contamination.
Par un courrier en date du 14 octobre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine a informé la cour qu'elle n'entendait pas intervenir dans la présente instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2014, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que l'action engagée par Mme D...était atteinte par la prescription quadriennale.
Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2014, l'établissement français du sang (EFS), représenté par MeA..., conclut à ce que l'Oniam lui soit substitué et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de toute partie succombante au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
- le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 ;
- le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., substituant Me Cartron, avocat de Mme D... ;
1. Considérant que le diagnostic d'une contamination de Mme D... par le virus de l'hépatite C a été posé le 22 février 1993 ; que Mme D...a suivi plusieurs traitements à compter du 30 août 1993, et qu'elle a été déclarée guérie par le médecin qui la suivait le 26 janvier 2003 ; qu'imputant cette contamination à la transfusion de produits sanguins dont elle avait bénéficié lors de l'accouchement de son premier enfant, le 27 janvier 1982, au centre hospitalier universitaire de Rennes, l'intéressée a saisi le 14 mars 2008 le juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes d'une demande d'expertise, laquelle a été confiée par une ordonnance du 9 mai 2008 au professeur Rautureau ; que ce dernier a remis son rapport le 13 novembre 2008 ; que Mme D...a alors présenté une réclamation préalable indemnitaire auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), substitué à l'établissement français du sang (EFS) ; que, suite au rejet de sa demande le 23 août 2011, l'intéressée a saisi le tribunal administratif de Rennes de conclusions tendant à la condamnation de l'Oniam à lui verser la somme de 136 166,52 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par un jugement du 11 juin 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que Mme D...relève appel de ce jugement ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. " ; que l'article 3 du même texte dispose que : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. " ; qu'aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique issu de la loi du 4 mars 2002 : " Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. / Ces actions ne sont pas soumises au délai mentionné à l'article 2232 du code civil. " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique alors en vigueur : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins (...) sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4. / Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite C et des transfusions de produits sanguins (...). L'office recherche les circonstances de la contamination, notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, que la prescription décennale qu'il institue s'applique aux actions en responsabilité tendant à la réparation de dommages résultant d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins et dirigées contre des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés ; qu'il résulte par ailleurs de l'ensemble des dispositions du chapitre II du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, issu de la même loi et complété par la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale, que le législateur a entendu soumettre également à la prescription décennale les actions engagées contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 ou sur le fondement de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, afin d'obtenir la réparation des conséquences anormales d'un acte médical ou des préjudices d'une particulière gravité résultant d'une infection nosocomiale, l'office étant appelé, dans le cadre de ces dispositions, à indemniser en lieu et place d'un professionnel ou d'un établissement de santé la victime d'un dommage que celui-ci a causé dans l'accomplissement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins ;
5. Considérant, en revanche, que la loi du 4 mars 2002 n'a pas rendu la prescription décennale applicable aux actions par lesquelles les victimes de contaminations d'origine transfusionnelle recherchaient la responsabilité du centre de transfusion sanguine ayant élaboré les produits sanguins transfusés, sous réserve du cas où ce centre n'aurait pas eu une personnalité morale distincte de celle d'un établissement de santé ; que si l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, issu de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, et l'article L. 3122-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi, confient à l'Oniam l'indemnisation des personnes contaminées par certains agents pathogènes à l'occasion de transfusions de produits sanguins ou d'injections de médicaments dérivés du sang, les actions fondées sur ces dispositions ne peuvent être regardées comme entrant dans le champ de la prescription décennale dès lors que l'Oniam n'est pas appelé à assurer une réparation en lieu et place du professionnel ou de l'établissement de santé qui a procédé à l'administration des produits sanguins, la responsabilité de ce professionnel ou de cet établissement n'étant pas normalement engagée en pareil cas ; que, dès lors que l'Oniam est un établissement public doté d'un comptable public, ces actions sont soumises à la prescription quadriennale ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport rédigé par le professeur Rautureau que, le 28 novembre 2001, un an après l'arrêt de son traitement, Mme D... ne présentait plus d'anomalies sur le plan hépatique, l'acide ribonucléique (ARN) du virus de l'hépatite C étant négatif et la cytolyse absente ; que les mêmes constatations étaient faites les 28 novembre 2002, 26 janvier 2003 ainsi que le 11 août 2006 en dépit d'une légère augmentation des transaminases qui, selon l'expert, " n'était pas le témoin d'une rechute de la virémie C qui avait disparue " ; qu'en 2008 seule était relevée une correction insuffisante de l'hypothyroïdie sans aucun signe d'atteinte hépatique ; qu'en conclusion il précisait que si l'intéressée avait été contaminée par le virus de l'hépatite C, sa consolidation pouvait être fixée au 28 novembre 2002, 2 ans après la fin du second traitement, et ajoutait que la maladie hépatique devait être regardée comme guérie ; que, dans ses dires à l'expert, le docteur Bégué-Simon, médecin conseil de Mme D..., indiquait qu'il lui semblait logique de retenir comme date de consolidation celle du 26 janvier 2003, à laquelle le docteur Lorho, qui avait vu en consultation l'intéressée le 28 novembre 2002 pour une surveillance après traitement d'une hépatite chronique active C, confirmait en effet à cette dernière l'absence d'anomalie à l'hémogramme et aux bilans biologique, hépatique et thyroïdien ; que, dans ces conditions, et en l'absence d'éléments de nature à établir que l'état de santé de Mme D...se serait aggravé depuis, c'est à bon droit que les juges de première instance ont estimé qu'à la date du 26 janvier 2003 l'intéressée avait une connaissance suffisante de sa créance et qu'en conséquence, le délai de quatre ans prévu à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ayant fini de courir au 1er janvier 2008, l'Oniam était fondé à opposer à Mme D... la prescription de cette créance ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Oniam, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme D... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme D... le versement à l'EFS de la somme qu'il demande au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Etablissement français du sang tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et à l'Etablissement français du sang.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2015.
Le rapporteur,
V. GÉLARDLe président,
I. PERROT
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01928