Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, la restitution des cotisations de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale, de prélèvement social et de contribution additionnelle à ce prélèvement auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007, à raison des revenus qu'il a perçus lors de la liquidation de trois contrats d'assurance-vie de source belge, augmentées des intérêts moratoires et, d'autre part, la mise à la charge de l'Etat du versement d'une somme à déterminer au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 0900150 du 30 juin 2011, le tribunal administratif de Rennes l'a déchargé de ces cotisations et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant au versement d'intérêts moratoires et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 17 octobre 2011 et le 21 septembre 2012, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 juin 2011 en ce qu'il a fait droit à la demande de M. A...tendant à la décharge des cotisations de contribution sociale généralisée, de prélèvement social et de contribution additionnelle à ce prélèvement auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007, à raison des revenus qu'il a perçus lors de la liquidation de trois contrats d'assurance-vie de source belge ;
2°) de remettre ces cotisations à la charge de M.A.en France
Il soutient que :
- en application des stipulations des articles 2 et 16 de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964, les revenus perçus par M. A... en 2007 résultant des produits des contrats d'assurance-vie constituent des revenus du capital imposables en France tant au titre de l'impôt sur le revenu que des contributions sociales, lesquelles entrent dans la catégorie des impositions de toute nature ;
- M. A...ne peut revendiquer, s'agissant de revenus du patrimoine, l'application de la règle d'unicité des législations applicables posée par le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ; la Cour de justice de l'Union européenne ne s'est pas prononcée sur la question de la compatibilité avec le droit communautaire des contributions prélevées sur les revenus de placement ou les revenus du patrimoine ; il ne peut être fait un raisonnement par analogie avec les contributions sociales sur les revenus d'activité et de remplacement, celles-ci ne présentant pas les mêmes similitudes :
- au surplus, les premiers juges ont commis une erreur de fait en estimant que M. A...exerçait, au cours de l'année d'imposition en litige, les fonctions d'administrateur au sein d'une société belge alors que cette activité se rapporte à l'année 2008 ;
- la législation française sur les modalités de détermination des contributions sociales n'entrave pas la liberté de circulation et n'entraîne aucune discrimination.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 juin 2012 et le 30 mars 2015, M. A..., représenté par la Selarl Valadou-Josselin et associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus ;
- le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 modifié ;
- le code général des impôts ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bataille,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., ressortissant belge et domicilié..., a perçu, au titre de l'année 2007, des revenus résultant de la liquidation de trois contrats d'assurance-vie de source belge ; qu'il a souscrit, en France, une déclaration du 9 août 2007 aux termes de laquelle il a opté pour le prélèvement libératoire sur les produits de ces contrats et s'est acquitté des sommes de 17 279 euros au titre de l'impôt sur le revenu et de 25 342 euros au titre des cotisations de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale, de prélèvement social ainsi que de contribution additionnelle à ce prélèvement ; que, par une réclamation du 2 octobre 2008, M. A... a demandé la restitution de la somme de 25 342 euros qu'il a spontanément acquittée au titre de ces contributions et prélèvements sociaux ; que cette réclamation ayant été rejetée par une décision du 19 novembre 2008, M. A...a saisi le tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement du 30 juin 2011, a fait droit à ses conclusions tendant à la restitution de ces cotisations et a rejeté le surplus de sa demande tendant au versement d'intérêts moratoires et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat relève appel de ce jugement en tant qu'il a déchargé M. A...des cotisations de contribution sociale généralisée, de prélèvement social et de contribution additionnelle à ce prélèvement au titre de l'année 2007 ;
Sur le principe de l'imposition :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, de l'article 1600-0 D du code général des impôts, et de l'article 125 A du même code, dans sa rédaction alors applicable, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France sont assujetties à une contribution sociale généralisée sur les produits de placement lorsqu'elles ont opté pour le prélèvement libératoire sur les produits attachés aux contrats d'assurance-vie souscrits auprès d'entreprises d'assurance établies hors de France dans un Etat membre de la Communauté européenne ; qu'en vertu des dispositions combinées de l'article L. 245-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, et du II de l'article 1600-0 F bis du code général des impôts, ces personnes sont assujetties à un prélèvement social sur ces mêmes revenus ainsi qu'à une contribution additionnelle à ce prélèvement en vertu des dispositions du 2° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du règlement du Conseil du 14 juin 1971, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. (...) les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre (...) " ; que le b) du 2 de ce même article dispose que : " la personne qui exerce une activité non salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre (...) " ;
4. Considérant que, par les arrêts C-169/98 et C-34/98 du 15 février 2000, et par l'arrêt C-623/13 du 26 février 2015, la Cour de justice des Communautés européennes, devenue Cour de justice de l'Union européenne, a dit pour droit, d'une part, qu'un prélèvement participant au financement de régimes obligatoires de sécurité sociale relève du champ d'application du règlement n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 modifié, s'il existe un lien direct et suffisamment pertinent entre ce prélèvement et certaines des branches de la sécurité sociale énumérées à l'article 4 de ce règlement, alors même qu'il serait assis sur des revenus de la personne assujettie indépendamment de l'exercice de toute activité professionnelle, d'autre part, que l'existence ou l'absence de contrepartie en termes de prestations est dépourvue de pertinence pour l'application de ce règlement et que la circonstance qu'un prélèvement soit qualifié d'impôt par une législation nationale n'exclut pas que ce même prélèvement puisse être regardé comme relevant du champ d'application du règlement n° 1408/71, enfin, que ne peuvent être assujetties à des contributions relevant du champ d'application du règlement n° 1408/71 les personnes qui résident en France mais qui ne relèvent pas du régime français de sécurité sociale ;
5. Considérant qu'il n'est pas contesté que les prélèvements fiscaux litigieux, assis sur les produits des contrats d'assurance-vie de source belge perçus par M.A..., présentent, dès lors qu'il participent au financement de régimes obligatoires français de sécurité sociale, un lien direct et suffisamment pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 du règlement du 14 juin 1971 et qu'ils entrent ainsi dans le champ de ce règlement ; qu'il suit de là qu'ils sont soumis au principe d'unicité de législation posé par l'article 13 de ce règlement ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A..., qui exerçait un mandat d'administrateur au sein de la société Private Insurer, dont le siège social est en Belgique, était affilié, au titre de l'année 2007, à un régime de sécurité sociale belge pour travailleurs indépendants en vertu de la législation de cet Etat ; que, par suite, et en application des dispositions de l'article 13 du règlement du Conseil du 14 juin 1971, M. A...n'était pas soumis à la législation sociale française et relevait, ainsi que l'a constaté le tribunal administratif, du seul régime de sécurité sociale belge ;
7. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 2 de la convention franco-belge du 10 mars 1964 : " (...) 3. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont : (...) B. En ce qui concerne la France : / 1° l'impôt sur le revenu des personnes physiques ; / 2° la taxe complémentaire ; / l'impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales ; / 4° la contribution foncière des propriétés bâties et des propriétés non bâties et les taxes annexes à ces contributions. (...) " ; qu'il résulte de ce texte que la convention franco-belge n'est pas applicable à la contribution sociale généralisée, au prélèvement social et à la contribution additionnelle à ce prélèvement ; que, par suite, le ministre ne peut utilement se prévaloir de cette convention pour soutenir que M. A...doit être soumis à ces contributions ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de M. A... tendant à la restitution des cotisations de contribution sociale généralisée, de prélèvement social et de contribution additionnelle à ce prélèvement auxquelles il a été assujetti au titre des revenus de placement qu'il a perçus en 2007 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à M. B... A.en France
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2015.
Le président-rapporteur,
F. Bataille L'assesseur le plus ancien,
S. Aubert
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11NT027772