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29/10/2015 | FRANCE | N°14NT01310

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 29 octobre 2015, 14NT01310


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 75 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010, et la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Of

fice national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 75 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010, et la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010, et la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la contamination de son mari, M. D... A..., par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1102325, 1102326 du 5 mars 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 mai 2014 et 29 septembre 2015, sous le n°14NT01312, M. D... A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1102325,1102326 du 5 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 75 000 euros, toutes causes de préjudices confondues, en réparation du dommage qu'il a subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010, date de sa demande préalable, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et le tribunal administratif de Rennes lui ont opposé la prescription quadriennale au lieu de la prescription de 10 ans auquel est tenu l'auteur du dommage par application de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique ; il ne pouvait engager d'action contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales avant que cet établissement ne devienne compétent pour indemniser les victimes de contamination au VHC, le 1er juin 2010 ;

- la législation sur cette prescription devrait évoluer sous peu et il y a lieu d'attendre les évolutions législatives en cours ; il y a lieu de surseoir à statuer dans cette attente ;

- comme de nombreux hémophiles, M. A...a été contaminé par le VHC par des produits sanguins provenant d'un centre de transfusion sanguine ;

- il a été contaminé dès l'âge de trois ans ; les traitements administrés lui ont causé des souffrances ainsi qu'un préjudice d'anxiété, un préjudice sexuel.

Vu le jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la prescription quadriennale était acquise lorsque M. A...a engagé son action en lui adressant une demande indemnitaire le 20 décembre 2010.

Une mise en demeure a été adressée le 29 avril 2015 à la Mutualité sociale agricole.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 mai 2014 et 29 septembre 2015, sous le n°14NT01310, Mme C...A..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1102325,1102326 du 5 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande et celle de son époux ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 30 000 euros, toutes causes de préjudices confondus, en réparation du dommage qu'a subi son mari, M. D...A..., du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010, date de sa demande préalable, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et le tribunal administratif de Rennes lui ont opposé la prescription quadriennale au lieu de la prescription de 10 ans auquel est tenu l'auteur du dommage par application de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique ; il ne pouvait engager d'action contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales avant que cet établissement ne devienne compétent pour indemniser les victimes de contamination au VHC, le 1er juin 2010 ; la législation sur cette prescription devrait évoluer sous peu et il y a lieu d'attendre les évolutions législatives en cours et de surseoir à statuer dans cette attente ;

- comme de nombreux hémophiles, M. A...a été contaminé par le VHC par des produits sanguins provenant d'un centre de transfusion sanguine ;

- son préjudice est constitué par la difficulté à avoir un enfant, l'anxiété de son mari et par un préjudice sexuel.

Vu le jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la prescription quadriennale était acquise lorsque Mme A...a engagé son action en lui adressant une demande indemnitaire le 20 décembre 2010.

Une mise en demeure a été adressée le 29 avril 2015 à la mutualité sociale agricole.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que les requêtes n°14NT01312 de M. D... A...et n°14NT01310 de Mme C...A...sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. D... A..., né le 16 octobre 1974, atteint depuis sa naissance d'une hémophilie B sévère ayant rendu nécessaire l'administration régulière de produits sanguins en grande quantité depuis son enfance, a été identifié comme porteur du virus de l'hépatite C le 21 mai 1992 ; qu'estimant que cette contamination était imputable aux transfusions qu'il a reçues de produits sanguins qui n'avaient pas été soumis à des procédés d'inactivation efficace non généralisés avant 1987, il a formé, ainsi que son épouse, une demande d'indemnisation auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le 16 décembre 2010, qui a explicitement rejeté ces demandes le 4 avril 2011 en opposant la prescription quadriennale ; que M. et Mme A...ont chacun saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de cet établissement à les indemniser des préjudices subis du fait de la contamination litigieuse ; que par un jugement du 5 mars 2014 dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les prétentions indemnitaires de M. et Mme A...;

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par l'ONIAM :

3. Considérant, d'une part, que la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 n'a pas rendu la prescription décennale applicable aux actions par lesquelles les victimes de contaminations d'origine transfusionnelle recherchaient la responsabilité du centre de transfusion sanguine ayant élaboré les produits sanguins transfusés, sous réserve du cas où ce centre n'aurait pas eu une personnalité morale distincte de celle d'un établissement de santé ; que si l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, issu de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, et l'article L. 3122-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi, confient à l'ONIAM l'indemnisation des personnes contaminées par certains agents pathogènes à l'occasion de transfusions de produits sanguins ou d'injections de médicaments dérivés du sang, les actions fondées sur ces dispositions ne peuvent être regardées comme entrant dans le champ de la prescription décennale dès lors que l'ONIAM n'est pas appelé à assurer une réparation en lieu et place du professionnel ou de l'établissement de santé qui a procédé à l'administration des produits sanguins, la responsabilité de ce professionnel ou de cet établissement n'étant pas normalement engagée en pareil cas ; que, dès lors que l'ONIAM est un établissement public doté d'un comptable public, ces actions sont soumises à la prescription quadriennale, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur les collectivités publiques : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. " ; que, s'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées ; qu'il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime ;

5. Considérant que la consolidation d'un état de santé ne signifie pas que celui-ci ne peut plus évoluer, mais seulement que la phase active de la maladie s'est achevée et que le patient entre dans une phase de son état de santé au cours de laquelle les séquelles permanentes de la maladie peuvent être décrites et appréciées dans leurs conséquences sur ses conditions de vie, sans que cela fasse obstacle à ce que cet état de santé soit susceptible d'aggravation ou d'amélioration ; qu'il résulte de l'instruction que M.A..., dont la séropositivité au virus de l'hépatite C a été mise en évidence le 21 mai 1992, a subi à compter du mois de janvier 2000 un traitement d'une année par bithérapie qui a permis une éradication de l'ARN circulant après six mois de traitement ; que les différents documents médicaux, et notamment le certificat établi le 14 septembre 2001 par le professeur Guyader qui a pris en charge M.A..., indiquent que l'ARN viral négatif depuis plus de six mois après l'arrêt du traitement permet de conclure à une probable guérison définitive de l'infection virale C, le risque de rechute étant inférieur à 5 % ; que ce praticien, dans un courrier du 16 septembre 2002, relève que les examens de contrôle attestent de la guérison virologique du patient ; que l'attestation médicale établie par le docteur Guillet du centre hospitalier régional et universitaire de Rennes confirme l'absence persistante de l'ARN circulant du VHC sur la base des analyses sanguines réalisées au mois de juin 2009 ; qu'ainsi, et comme le fait valoir pertinemment l'ONIAM, la date de guérison virologique de M. A...peut être arrêtée au mois de juillet 2001, c'est-à-dire six mois après le terme de son traitement antiviral sans résurgence de l'ARN circulant du VHC ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 2008, le point de départ de la prescription peut être fixé au 1er janvier 2002, cette prescription étant acquise le 31 décembre 2005 au bénéfice de l'EFS chargé d'indemniser les personnes contaminées par certains agents pathogènes à l'occasion de transfusions de produits sanguins auquel s'est substitué l'ONIAM depuis le 1er juin 2010 ; que c'est par suite à bon droit que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a pu, et ainsi que le tribunal administratif de Rennes l'a confirmé, opposer la prescription quadriennale aux demandes d'indemnisation adressées le 16 décembre 2010 par M. et Mme A...à cet établissement ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'une éventuelle évolution législative invoquée par l'intéressé et qui lui serait plus favorable, que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n°14NT01312 présentée par M. D... A...et la requête n°14NT01310 présentée par Mme C...A...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme C...A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la Mutualité sociale agricole.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 octobre 2015

Le rapporteur,

F. LEMOINE

Le président,

O. COIFFET

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°s 14NT01310, 14NT01312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01310
Date de la décision : 29/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-04-02-01 Comptabilité publique et budget. Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale. Régime de la loi du 31 décembre 1968. Champ d'application.


Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : DESARNAUTS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-10-29;14nt01310 ?
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