Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société France Télécom a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les titres de recettes n° 5467, 5468, 5469, 5470, 5471, 5472 et 5473 émis par le maire de la ville de Caen le 22 juillet 2010 mettant à sa charge les sommes de 3 521 689,70 euros, 112 561,30 euros, 595 547,50 euros, 82 716,45 euros, 65 933,60 euros, 10 499,70 euros et 23 044,21 euros au titre de redevances d'occupation d'infrastructures de télécommunications dans les zones d'aménagement concerté de Folie-Couvrechef, Decaen, Beaulieu (deux titres), Gardin (deux titres) et Claude Monet, portant sur les années 2001 à 2010 ;
Par un jugement n° 1002555 du 16 mai 2012, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la société France Télécom.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 juillet 2012 et 26 septembre 2012, un mémoire en réplique enregistré le 5 août 2013, et des mémoires enregistrés les 10 janvier 2014 et 31 août 2015, la société France Télécom, représentée par MeA..., aux droits de laquelle s'est substituée en cours de procédure la société Orange, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 16 mai 2012 ;
2°) d'annuler les titres de recettes émis par le maire de la ville de Caen le 22 juillet 2010 ;
3°) d'enjoindre à la ville de Caen, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de lui restituer les sommes perçues sur le fondement des titres de perception annulés, augmentées des intérêts à compter de la date d'encaissement de ces sommes par le Trésor public, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, les intérêts étant capitalisés à compter du 1er juillet 2013, ainsi qu'à chaque échéance ultérieure ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Caen, outre les dépens de l'instance, une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-le jugement ayant été notifié par courrier du 29 mai 2012, sa requête d'appel, enregistrée le 27 juillet 2012, n'est pas tardive ;
- en indiquant que le monopole établi par le code des postes et télécommunications (CPT) au profit de l'établissement public France Télécom en matière de réseaux de télécommunications porte uniquement sur " les installations " et non sur les " infrastructures ", le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement ;
- les titres de recettes émis par le maire de Caen le 22 juillet 2010 sont irréguliers, dès lors qu'ils n'indiquent pas les bases de liquidation de la créance en cause, les redevances d'occupation ne précisant pas en particulier les mètres linéaires de fourreaux que France Télécom utilise effectivement ;
- la ville de Caen ne saurait revendiquer la propriété des infrastructures et ouvrages de génie civil réalisés dans les ZAC avant le 1er janvier 1997, dès lors qu'avant cette date, l'Etat, puis l'exploitant public, détenaient un monopole de l'établissement et de l'exploitation des réseaux de télécommunications, sur le fondement des articles L. 33 et L. 33-1 du code des postes et télécommunications, que l'ensemble des biens attachés aux services relevant de l'Etat (DGT) ont été transférés à l'établissement public France Télécom par l'effet de l'article 22 de la loi du 2 juillet 1990, que ces biens ont ensuite été transférés par l'article 1 de la loi du 26 juillet 1996 à la société anonyme France Télécom, et qu'aucune des exceptions au monopole existant avant le 1er janvier 1997 ne concernait les réseaux établis dans les ZAC des collectivités territoriales ;
- les collectivités territoriales étaient incompétentes en matière de télécommunications avant la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 et l'insertion de l'article L. 1511-6 dans le code général des collectivités territoriales ;
- il n'existait pas, avant le 1er janvier 1997, de distinction légale entre les réseaux de télécommunications et les infrastructures susceptibles de les accueillir, de sorte que le jugement est entaché d'erreur de droit sur ce point ;
- les " réseaux de télécommunications " comprenant les installations ou équipements de télécommunications mis en place par les collectivités territoriales dans les ZAC, ces collectivités, conformément aux dispositions de l'article R. 311-11 du code de l'urbanisme, étaient alors dans l'obligation de remettre ces ouvrages à l'exploitant public et de lui en transférer la propriété ;
- les droits prétendument liés à la maîtrise d'ouvrage des travaux de réalisation des infrastructures de télécommunications sont inopposables à France Télécom, propriétaire légitime de ces infrastructures ;
- bien qu'elle n'ait pas respecté les obligations formelles de recensement des pièces organisant le transfert de propriété des ouvrages de génie civil dans le dossier de réalisation des ZAC litigieuses, conformément à l'article R. 311-1 précité du code de l'urbanisme, la ville de Caen a néanmoins remis les infrastructures en cause à l'opérateur de télécommunications, de sorte qu'elle a opéré, de fait, le transfert de propriété exigé par le code de l'urbanisme ;
- en l'absence de remise, la collectivité se serait exposée à une sanction pénale, en application de l'article L. 39 du CPT ;
- en outre, les ouvrages de génie civil réalisés avant le 1er janvier 1997, dont elle revendique la propriété, ne pouvaient pas être affectés à une activité de service public qui aurait été exercée par la ville de Caen, de sorte que ces ouvrages n'ont jamais pu relever du domaine public de cette collectivité ;
- dès le 10 mars 1998, elle a adressé à la ville de Caen la déclaration des installations établies sur le domaine public, en application des articles L. 47 et L. 48 du CPT, et de l'article 3 du décret n° 97-683 du 30 mai 1997, de sorte qu'elle a disposé à compter de cette date d'un titre d'occupation régulier du domaine public communal ;
- le fait qu'elle a livré les fourreaux, pris en charge l'entretien des ouvrages de génie civil et a été destinataire des déclarations d'intention de commencement de travaux soumises aux dispositions du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 démontre qu'elle a toujours été propriétaire de ces infrastructures ;
- France Télécom est également propriétaire des infrastructures de télécommunications réalisées par la SEM Normandie Aménagement après le 1er janvier 1997 dans la ZAC Claude Monet, en application des articles 1 et 3 de la convention conclue le 20 janvier 2005 avec la SEM du Grand Caen, qui organise expressément le transfert de propriété des ouvrages de génie civil réalisés dans le cadre de la ZAC, alors même que le " certificat de conformité ", qui est une simple garantie, n'aurait pas été délivré ;
- elle s'est vu, en effet, remettre les infrastructures de génie civil et les a exploitées ;
- les redevances d'occupation d'infrastructures de télécommunications exigées par la ville sont, par ailleurs, entachées d'illégalité ;
- la ville de Caen n'a justifié à aucun moment le choix des bases de calcul retenues pour fixer cette redevance au niveau de 2 euros par mètre linéaire et par an ;
- depuis 1999, les montants des redevances susceptibles d'être exigées par les collectivités territoriales pour la mise à disposition d'ouvrages de génie civil accueillant des câbles de télécommunications sont strictement encadrés, en fonction de la " couverture des coûts correspondant à cette mise à disposition ", en application de l'article L. 1511-6 du CGCT, puis à compter du 10 juillet 2004, par l'article L. 45-1 du code des postes et communications électroniques (CPCE), qui prévoit que " le prix facturé pour l'occupation de tout ou partie de fourreaux reflète les coûts de construction et d'entretien de ceux-ci " ;
- en écartant, en outre, l'application de l'article L. 45-1, devenu L. 45-9 du CPCE, aux redevances litigieuses en raison notamment de son contenu et de sa date d'entrée en vigueur, le tribunal a méconnu le champ d'application de la loi ;
- eu égard aux tarifs pratiqués par d'autres collectivités territoriales, et à l'amortissement des ouvrages en cause, le montant de 2 euros par mètre linéaire et par an, en outre révisable, fixé par la délibération du 9 juillet 2001, est excessif par rapport aux coûts correspondant à la mise à disposition des ouvrages de génie civil, qui doivent refléter les coûts de construction et d'entretien de ces derniers ;
- les bases de liquidation sont d'ailleurs inexactes, puisque France Télécom doit payer des redevances d'occupation du domaine public qui ne correspondent pas aux longueurs effectivement utilisées ;
- enfin, France Télécom ne saurait avoir à s'acquitter de redevances pour l'occupation du domaine public par les ouvrages de génie civil, d'une part, et pour l'occupation de ces ouvrages par des câbles de communication qu'elle exploite, d'autre part.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2012, et des mémoires enregistrés les 20 décembre 2013 et 31 mars 2014, la ville de Caen, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Orange au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est tardive ;
- le jugement est suffisamment motivé ;
- les bases de liquidation et les modalités de calcul des titres de recettes sont détaillées avec précision, notamment par référence à des annexes et au courrier du 13 juillet 2010 qui en précise le fondement juridique ;
- France Télécom ne saurait se prévaloir du dispositif légal et réglementaire relatif au monopole légal dont elle disposait en sa qualité d'établissement public avant le 1er janvier 1997 pour revendiquer la propriété des fourreaux, alors qu'il est constant que ce monopole ne portait à l'époque que sur les lignes de télécommunications ;
- aucune collectivité n'a jamais été sanctionnée pour avoir réalisé et financé ces infrastructures de génie civil ensuite remises en exploitation à l'opérateur historique ;
- une distinction est opérée entre les ouvrages de génie civil et les réseaux de télécommunications, dès lors que ces ouvrages ne permettent pas, à eux-seuls, d'effectuer une transmission de signaux de télécommunication ou un échange d'information nécessaire à cette transmission ;
- à supposer même que la ville ait pu établir les infrastructures en cause en méconnaissance du monopole dont bénéficiait l'opérateur historique, cette méconnaissance du monopole ne pourrait la priver du droit de propriété dont elle dispose sur ces infrastructures ;
- les droits attachés à la maîtrise d'ouvrage sont, en outre, opposables à France Télécom ;
- l'ancien article R. 311-11 du code de l'urbanisme ne reconnaît aucunement une propriété automatique à France Télécom des fourreaux réalisés dans une ZAC, ni même une remise automatique des équipements publics réalisés aux différentes collectivités et établissements publics participant au projet ;
- le dispositif de l'article R. 311-11 se borne à offrir la possibilité, pour la collectivité à l'initiative de la ZAC, de se rapprocher d'autres personnes publiques pour leur confier la maîtrise d'ouvrage et le financement des équipements à réaliser ;
- les formalités prévues à l'article R. 311-11 n'ayant pas été réalisées, la ville n'a jamais entendu faire réaliser les fourreaux sous la maîtrise d'ouvrage de France Télécom et opérer un transfert de propriété ;
- il ne peut y avoir un transfert de propriété " de fait " par une simple opération de remise, alors qu'il s'agit d'un bien de retour appartenant ab initio au concédant, et qu'aucun acte authentique constatant un quelconque transfert n'a été établi ;
- la fiche de déclaration des installations de France Télécom du 10 mars 1998, ainsi que les 5 titres de recettes émis par la ville pour le paiement de redevances pour occupation du domaine public de la collectivité, ne prouvent en rien la qualité de propriétaire de l'appelante ;
- le fait que la ville de Caen ait pu à un moment donné reconnaître à France Télécom la propriété des fourreaux sur le fondement d'un jugement ultérieurement annulé ne saurait permettre à France Télécom de revendiquer la propriété des fourreaux dès lors que les biens relevant du domaine public de la ville sont imprescriptibles ;
- France Télécom ne saurait non plus se fonder sur sa maintenance et sur le fait qu'elle aurait été destinataire de déclarations d'intention de commencement de travaux (DICT) pour démontrer sa qualité de propriétaire, dès lors que ces formulaires sont adressés à l'exploitant, aux termes de l'article 7 du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 ;
- par ailleurs, France Télécom n'établit pas être propriétaire des ouvrages de génie civil réalisés dans la ZAC Claude Monet après le 1er janvier 1997, faute d'accord de la ville sur le principe d'une telle cession ;
- en vertu de l'article 3 de la convention du 20 janvier 2005, le transfert de propriété devait être acté via la production d'un certificat de conformité attestant de la bonne exécution des travaux ; or ce certificat n'a pas été établi, et en vertu de l'article 15 de la convention de concession et de mandat du 15 janvier 2001, les voiries, espaces libres et réseaux constituent des biens de retour qui appartiennent au concédant et qui lui reviennent de plein droit dès leur achèvement ;
- enfin, les redevances d'occupation d'infrastructures ne sont pas entachées d'illégalité ;
- les bases de calcul retenues pour fixer le montant de la redevance à 2 euros par mètre linéaire et par an sont dûment justifiées, dès lors qu'elles ont été établies à partir des études du Comité des réseaux d'initiative publique (CRIP) et sur les éléments de coûts du génie civil ;
- le champ d'application de la loi n'a pas été méconnu, dès lors que les dispositions de l'article L. 45-1 du CPCE, issues de la loi du 9 juillet 2004, ne pouvaient s'appliquer à la délibération prise le 9 juillet 2001 fixant le tarif ;
- le caractère excessif du montant des redevances d'occupation n'est pas établi, dès lors qu'elles n'avaient pas à être proportionnées au coût du service rendu, mais devaient être fonction de l'avantage procuré à l'occupant privatif ;
- l'AVICCA précise que la gestion d'un petit patrimoine à l'échelle d'une commune pour des durées de location courtes peut conduire à des coûts supérieurs à 1 euro par mètre linéaire et par an ;
- en outre, les coûts de construction concernant des ZAC récemment créées ne sont pour l'essentiel pas amortis, sauf pour la ZAC Folie-Couvrechef créée en 1971, il y a plus de trente ans ;
- les bases de liquidation, effectuées sur la base des déclarations effectuées par l'opérateur lui-même, ne sont pas entachées d'inexactitude en ce qui concerne la longueur des linéaires effectivement occupés par France Télécom, qui n'a jamais contesté le recensement du 5 septembre 2005 ;
- le moyen tiré de ce que le tribunal aurait admis le paiement de doubles redevances est dénué de tout fondement ;
Un courrier du 31 juillet 2015 a été adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Un avis d'audience emportant clôture d'instruction immédiate a été adressé aux parties le 7 septembre 2015.
Un mémoire, enregistré le 25 septembre 2015, a été présenté pour la commune de Caen postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des postes et communications électroniques ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- la loi n° 90-1170 du 29 décembre 1990 :
- la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 ;
- la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ;
- la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 ;
- la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 ;
-la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet,
- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant MeA..., représentant la société France Télécom, devenue Orange, et de MeB..., représentant la commune de Caen.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Caen a été enregistrée le 1er octobre 2015.
Une note en délibéré présentée pour la société France Télécom a été enregistrée le 9 octobre 2015.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Caen a été enregistrée le 16 octobre 2015.
1. Considérant que, par une délibération du 9 juillet 2001, le conseil municipal de la ville de Caen a fixé au montant annuel de deux euros par mètre linéaire, révisable selon l'indice TP 01, la redevance à mettre à la charge des opérateurs de télécommunications, par voie de convention, en contrepartie de l'occupation d'infrastructures appartenant à la commune ; que, par les titres de recettes n° 5467, 5468, 5469, 5470, 5471, 5472 et 5473 émis le 22 juillet 2010, le maire de la ville de Caen a constitué la société France Télécom débitrice des sommes de 3 521 689,70 euros, 112 561,30 euros, 595 547,50 euros, 82 716,45 euros, 65 933,60 euros, 10 499,70 euros et 23 044,21 euros au titre de redevances d'occupation, au cours des années 2001 à 2010, d'infrastructures de télécommunications réalisées dans les zones d'aménagement concerté ( ZAC) Folie-Couvrechef, Decaen, Beaulieu, Gardin et Claude Monet, qui ont été créées respectivement le 21 avril 1971, le 19 décembre 1988, le 7 janvier 1991, le 21 décembre 1992 et le 15 janvier 2001 ; que pour chacune des zones d'aménagement concerté Beaulieu et Gardin, deux titres ont été émis selon que les infrastructures ont été posées avant ou après 1997 ; que la société France Télécom, qui n'a pas accepté la signature d'une convention relative à l'occupation des infrastructures dont s'agit, et aux droits de laquelle s'est substituée la société Orange, relève appel du jugement du 16 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces titres de recettes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'après avoir cité les articles L. 33 et L. 33-1 du code des postes et télécommunications, les premiers juges ont estimé que la société France Télécom ne pouvait " utilement invoquer les dispositions du code des postes et télécommunications, applicables lors des opérations d'aménagement en cause, en vertu desquelles les réseaux de télécommunications ouverts au public ne pouvaient être établis que par l'exploitant public, dès lors que le monopole ainsi institué ne concernait que les installations de télécommunications elles-mêmes, et non les infrastructures destinées à les accueillir, lesquelles ne constituent pas des réseaux de télécommunications au sens des dispositions de ce code, et qu'en tout état de cause, une atteinte à ce monopole n'aurait pu par elle-même priver la ville de Caen de son droit de propriété " ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement manque en fait ;
Sur la régularité des titres de recettes :
3. Considérant qu'un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la dette, alors même qu'il est émis par une personne publique autre que l'Etat pour lequel cette obligation est expressément prévue par l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; qu'en application de ce principe, la ville de Caen ne pouvait mettre en recouvrement les redevances d'occupation dues par la société France Télécom au titre des années 2001 à 2010 sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fondait pour mettre les sommes en cause à la charge de la société débitrice ;
4. Considérant que les sept titres de recettes contestés mentionnent que la créance correspond à la redevance d'occupation d'infrastructures de télécommunications posées, selon le cas avant ou après 1997, dans chaque zone d'aménagement concerté qu'elle désigne, que cette redevance est due pour les années 2001 à 2010, en vertu d'un état annexe joint à l'avis des sommes à payer qui précise pour chaque année d'occupation, en se référant à la délibération du conseil municipal du 9 juillet 2001, le nombre de mètres linéaires pris en compte, le montant unitaire retenu après application d'un prorata pour l'année 2001, et de la formule de révision pour les autres années, ainsi que le montant global de chaque redevance ; que les indications portées sur les titres et les états annexes, éclairées au demeurant par une lettre adressée par le maire de Caen à France Télécom le 13 juillet 2010, comportaient ainsi une information suffisante sur les bases de liquidation de la créance en cause en ce qui concerne tant son montant que sa nature ; que, par suite, et alors même qu'elle contesterait l'exactitude de la longueur des fourreaux qu'elle a effectivement utilisée, la société France Télécom n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été mise à même de discuter utilement les bases de calcul des sommes mentionnées sur les titres exécutoires ; que le moyen tiré du défaut de motivation de ces titres ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur le bien fondé des titres de recettes ;
En ce qui concerne la propriété des ouvrages :
5. Considérant, en premier lieu et d'une part, que l'article L. 33 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction issue du décret du 12 mars 1962 portant révision du code des postes, télégraphes et téléphones (1ère partie, législative), prévoyait qu' " aucune installation de télécommunications ne peut être établie ou employée à la transmission de correspondances que par le ministre des postes et télécommunications ou avec son autorisation " ; que, dans sa rédaction ensuite modifiée par la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et applicable jusqu'au 1er janvier 1991, cet article prévoyait qu'" aucune installation de télécommunications ne peut être établie ou employée à la transmission de correspondances que par le ministre des postes et télécommunications ou avec son autorisation ou, dans les cas prévus par l'article 10 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, avec l'autorisation de la Commission nationale de la communication et des libertés. / (...) " ; que, dans sa rédaction applicable du 1er janvier 1991 au 27 juillet 1996, telle que résultant de la loi du 29 décembre 1990 sur la réglementation des télécommunications, l'article L. 33-1 du même code prévoyait que " Les réseaux de télécommunications ouverts au public ne peuvent être établis que par l'exploitant public. / (...) " ; que l'article L. 32 du même code définissait le réseau de télécommunications comme " toute installation ou tout ensemble d'installations assurant soit la transmission, soit la transmission et l'acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l'échange des informations de commande et de gestion qui y est associé, entre les points de terminaison de ce réseau " ; que l'exploitant public mentionné à l'article L. 33-1 précité était l'établissement public France Télécom, créé par la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, dont l'article 22 prévoyait que " Les droits et obligations de l'Etat attachés aux services relevant de la direction générale de la poste et de la direction générale des télécommunications sont transférés de plein droit respectivement à La Poste et à France Télécom. / L'ensemble des biens immobiliers du domaine public ou privé de l'Etat attachés aux services relevant de la direction générale de la poste et de la direction générale des télécommunications, ainsi que les biens mobiliers de ces services, sont transférés de plein droit et en pleine propriété à La Poste et à France Télécom. / (...) " ;
6. Considérant, d'autre part, que la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications a mis un terme au monopole qui était celui de l'Etat puis de France Télécom pour l'établissement de réseaux de télécommunications ; qu'en outre, la personne morale de droit public France Télécom a été transformée en une entreprise nationale à forme de société anonyme par la loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, l'article 1er de cette loi ayant prévu que " les biens, droits et obligations de la personne morale de droit public France Télécom sont transférés de plein droit, au 31 décembre 1996, à l'entreprise nationale France Télécom à l'exception de ceux mentionnés à l'alinéa suivant. Les biens de la personne morale de droit public France Télécom relevant du domaine public sont déclassés à la même date " ;
7. Considérant que la société Orange, venant aux droits de la société France Télécom, soutient que les chambres de tirage et fourreaux en cause, et dont elle conteste que la ville de Caen puisse en être propriétaire au titre de son domaine public avant le 1er janvier 1997, ont été établis à une époque où l'Etat ou l'exploitant public France Télécom disposaient d'un monopole légal d'établissement des installations de télécommunications, puis des réseaux de télécommunications ouverts au public, aucune autorisation n'ayant alors été délivrée à la ville de Caen pour lui permettre de déroger à ce monopole institué par la loi ; que la société Orange ajoute que des ouvrages de génie civil tels que ces chambres de tirage et ces fourreaux sont au nombre des installations de télécommunications visées à l'article L. 33 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction citée au point 5 ci-dessus et font partie d'un réseau de télécommunications, tel que défini par l'article L. 32 du même code, dans sa rédaction citée au même point ; qu'elle relève enfin que, jusqu' à la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, les collectivités territoriales et leurs groupements étaient incompétents pour créer de telles infrastructures, dès lors que c'est seulement à compter de cette loi qu'à l'article L. 1511-6, ensuite abrogé en 2004, du code général des collectivités territoriales, ont été prévues les conditions dans lesquelles ces collectivités et groupements pouvaient créer des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications ;
8. Considérant, toutefois, que, si la méconnaissance du monopole qui, en vertu des articles L. 33 et L. 33-1 du code des postes et télécommunications, était reconnu à l'Etat puis à l'exploitant public France Télécom pour l'établissement des installations puis des réseaux de télécommunications, était, en particulier, pénalement réprimée par les dispositions de l'article L. 39 du code des postes et télécommunications, devenu le 11 juillet 2004 code des postes et télécommunications électroniques, il ne résulte, en revanche, d'aucune règle de droit ni d'aucun principe que cette méconnaissance aurait, en outre, trouvé sa sanction dans l'appropriation, par l'Etat ou par l'exploitant public France Télécom, d'infrastructures de télécommunications qui auraient été établies par une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales en méconnaissance de ce monopole ; que, de même, la circonstance qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 1999, de telles infrastructures auraient été créées par une telle collectivité ou un tel groupement, alors qu'ils auraient été sans compétence à cet effet, n'avait pas pour conséquence, en l'absence d'une quelconque règle en ce sens, l'appropriation de ces infrastructures par l'Etat ou l'exploitant public France Télécom ; qu'il en résulte que le moyen de la requête tiré, d'une part, de l'existence d'un monopole légal à l'époque où ont été créés les chambres de tirage et fourreaux en cause, d'autre part, de ce que ces chambres de tirage et fourreaux devraient être regardés comme des installations de télécommunications et comme faisant partie d'un réseau de télécommunications et, enfin, de ce que la ville de Caen aurait, alors, été sans compétence pour créer de telles infrastructures de télécommunications, n'est, en l'absence d'un titre permettant de fonder la propriété de la société Orange sur ces chambres de tirage et fourreaux, pas de nature à fonder une telle propriété ; que ce moyen doit, par suite, être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les chambres de tirage et fourreaux dont la société Orange revendique la propriété ont été établis avant 1997 dans les zones d'aménagement concerté Folie Couvrechef, Decaen, Beaulieu et Gardin, non par l'Etat ou par l'exploitant public France Télécom, mais par la ville de Caen, qui en a assuré le financement et la maîtrise d'ouvrage, dans le cadre de marchés publics de travaux, qui ne sauraient être regardés comme ayant été passés pour le compte de l'Etat ou de l'exploitant public France Télécom ; que les circonstances que les ouvrages en cause auraient été réalisés avec la participation technique de l'administration des télécommunications ou des services de France Télécom, et que leur gestion et leur exploitation leur auraient été confiées après leur achèvement, n'ont pu avoir pour effet d'opérer un transfert des droits de propriété sur ces ouvrages ; qu'en outre, le monopole revendiqué sur les installations de télécommunications ne concernait, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, que les installations de télécommunications elles-mêmes, en l'occurrence les équipements destinés à la transmission des signaux, et non les infrastructures passives destinées à les accueillir, qui ne constituent pas des " réseaux de télécommunication " au sens des dispositions précitées des articles L. 32 et L. 33-1 du code des postes et télécommunications, ainsi que l'ont d'ailleurs précisé l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) et le Conseil de la concurrence dans leurs avis rendus respectivement le 30 mai 1997 et le 1er décembre 1998 ; qu'ainsi, pour établir sa propriété sur les infrastructures aménagées dans les ZAC en cause avant 1997, à défaut pour la collectivité à l'initiative de la ZAC d'avoir respecté les formalités préalables à l'établissement du programme des équipements publics, la société requérante ne saurait davantage utilement invoquer les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 311-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable entre le 17 mars 1986 et le 29 mars 2001, ensuite reprise au a) de l'article R. 311-7 du même code, aux termes duquel " lorsque le programme des équipements publics comporte des équipements dont la maîtrise d'ouvrage et le financement incombent normalement à d'autres collectivités ou établissements publics, le dossier doit comprendre les pièces faisant état de l'accord de ces personnes publiques sur le principe de la réalisation de ces équipements, les modalités de leur incorporation dans leur patrimoine et, le cas échéant, sur leur participation au financement ", dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le financement et la maîtrise d'ouvrage de ces infrastructures n'incombaient pas à l'Etat ou à France Télécom et qu'aucun acte n'avait prévu leur incorporation dans leur patrimoine ; que la société Orange ne saurait non plus se prévaloir du relevé des installations adressé à la ville de Caen le 10 mars 1998 ou du paiement à cette commune de redevances d'occupations domaniales entre 2004 et 2007 ; que, par ailleurs, les déclarations d'intention de commencement de travaux adressées à France Télécom, en sa qualité d'exploitante des ouvrages en application de l'article 7 du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991, sont restées sans incidence sur la propriété de ces infrastructures affectées au service public des télécommunications et spécialement aménagées à cette fin ; qu'enfin, faute pour ces installations d'avoir jamais été la propriété de l'Etat, la société Orange ne saurait utilement soutenir que la propriété en aurait été successivement transférée à l'exploitant public France Télécom puis à l'entreprise nationale France Télécom par l'effet de l'article 22 de la loi du 2 juillet 1990 et de l'article 1er de celle du 26 juillet 1996 relative à cette entreprise ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la société Orange aurait été propriétaire des ouvrages réalisés en régie par la ville de Caen dans les zones d'aménagement concerté avant le 1er janvier 1997 doit être écarté ;
10. Considérant, en troisième et dernier lieu, que pour la réalisation après le 1er janvier 1997, de la zone d'aménagement concerté Claude Monet, le maire de Caen a signé, en vertu d'une délibération du 15 janvier 2001, une convention de concession et de mandat avec la société d'économie mixte du Grand Caen, dénommée société Normandie Aménagement, dont l'article 15 du cahier des charges prévoit que : " ceux des ouvrages réalisés en application du présent traité de concession qui ne sont pas destinés à être cédés aux utilisateurs, et notamment les voiries, espaces libres et réseaux, constituent des biens de retour qui appartiennent au concédant au fur et à mesure de leur réalisation et qui lui reviennent gratuitement et de plein droit dès leur achèvement (...) Les collectivités publiques autres que le concédant, les concessionnaires de service public et les associations syndicales ou foncières intéressés par les ouvrages réalisés sont invités aux opérations de remise ; le concédant, propriétaire de ces biens de retour, leur remet les ouvrages en présence du concessionnaire de l'opération d'aménagement. Le concessionnaire a l'obligation de faire préparer et présenter à la signature du concédant ou, le cas échéant, des personnes autres intéressées, un acte authentique constatant le transfert de propriété des terrains d'assiette des voies, espaces plantés ou non plantés, réseaux divers ou autres équipements (...) " ; que si la société France Télécom a conclu le 20 janvier 2005 une convention avec le concessionnaire dont l'article 3 prévoyait que " les installations et le réseau téléphonique (hormis les installations en domaine privé des parcellaires) deviennent la propriété de France Télécom ", ce transfert de propriété était expressément subordonné à la remise par France Télécom au concessionnaire d'un certificat de conformité attestant de la bonne exécution des travaux ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel acte ait été établi ; qu'en outre, en présence de " biens de retour " appartenant au concédant en application de l'article 15 de la concession, le transfert de propriété des ouvrages n'aurait pu légalement intervenir " de fait ", sans la signature par le concédant d'un acte authentique constatant ce transfert au profit de France Télécom ; que, dès lors, en ce qui concerne la zone d'aménagement concerté Claude Monet, le moyen ne peut davantage être retenu ;
En ce qui concerne la prescription :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2321-4 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa rédaction issue de l'article 21 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 : " Les produits et redevances du domaine public ou privé d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 se prescrivent par cinq ans, quel que soit leur mode de fixation. Cette prescription commence à courir à compter de la date à laquelle les produits et redevances sont devenus exigibles. " ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 : " (...) Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (...) " ; que l'article L. 2321-4 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa version en vigueur du 1er juillet 2006 au 19 juin 2008 disposait que : " Les produits et redevances du domaine public ou privé d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 sont soumis, quel que soit leur mode de fixation, à la prescription quinquennale édictée par l'article 2277 du code civil. Cette prescription commence à courir à compter de la date à laquelle les produits et redevances sont devenus exigibles " ; qu'aux termes de l'article 2227 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 19 juin 2008 : " L'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers et peuvent également les opposer " ; qu'aux termes de l'article 2262 du même code dans cette même rédaction : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu' on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi " ; qu'enfin, selon l'article 2277 de ce code dans cette même rédaction : " Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : (...) Des loyers, des fermages et des charges locatives (...) et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts " ;
12. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 2277 du code civil que la prescription quinquennale qu'il édicte, laquelle doit être interprétée strictement, ne vise que les créances payables et exigibles périodiquement ; qu'à défaut de dispositions ou de clauses contractuelles définissant les modalités d'émission et de recouvrement des redevances dues au titre de l'occupation du domaine public par France Télécom à la commune de Caen, la créance détenue par cette dernière ne peut être regardée comme étant soumise au régime de la prescription quinquennale spéciale édictée par l'article 2277 du code civil ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 2321-4 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 s'appliquent aux prescriptions des indemnités représentatives de la redevance d'occupation du domaine public à compter du 19 juin 2008, date de l'entrée en vigueur de ladite loi ; qu'ainsi, la société France Télécom, devenue Orange, n'est pas fondée à soutenir que la créance communale, qui porte sur les années 2001 à 2010 était prescrite à la date d'émission des titres de recettes litigieux le 22 juillet 2010 ;
En ce qui concerne le tarif des redevances :
13. Considérant, en premier lieu, que la redevance instituée par la délibération du conseil municipal de Caen du 9 juillet 2001 a pour objet l'utilisation, par des opérateurs de télécommunication, des infrastructures de télécommunications dont la ville de Caen est propriétaire et qui sont affectées à l'usage du service public des télécommunications en vue duquel elles ont été spécialement aménagées ; que la société Orange ne pouvait opposer à cette délibération les dispositions codifiées à l'article L. 45-1 puis à l'article L. 45-9 du code des postes et communications électroniques en vertu desquelles " le prix facturé pour l'occupation ou la vente de tout ou partie de fourreaux reflète les coûts de construction et d'entretien de ceux-ci ", dès lors que ces dispositions issues de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 n'étaient pas applicables aux " infrastructures de communications électroniques " et donc aux redevances pour occupation du domaine public visées par cette délibération ; qu'il appartenait, en conséquence, au conseil municipal d'établir les redevances en tenant compte des avantages procurés à l'occupant des infrastructures de télécommunications ;
14. Considérant, en deuxième lieu, que pour fixer le tarif des redevances litigieuses à 2 euros par mètre linéaire de fourreau et par an, le conseil municipal de la ville de Caen s'est fondé sur les études du Comité des réseaux d'initiative publique (CRIP) réalisées au regard de la situation des collectivités ayant participé à ses travaux, sur les éléments de coûts du génie civil, et sur une comparaison avec les tarifs pratiqués par d'autres collectivités se trouvant dans une situation identique, ainsi qu'avec ceux pratiqués par l'opérateur lui-même ; que ce prix comprend la fourniture et la pose d'un fourreau de diamètre 100, destiné à être sous-tubé, avec une durée d'amortissement de 20 ans, la réalisation du sous-tubage étant destinée à l'accueil ultérieur d'un opérateur de téléphonie ; que le coût total de location a ainsi pu être évalué à l'époque, selon les éléments de calcul figurant au dossier, à un chiffre compris entre 13 et 15 francs par fourreau et par an, soit 2 euros du mètre linéaire, hors coût de la maintenance ; que, contrairement à ce que soutient la société Orange, la ville de Caen a pris en compte l'amortissement des ouvrages dans le calcul des tarifs de location ; qu'ainsi, cette collectivité justifie des éléments pris en compte pour le calcul des redevances ;
15. Considérant, en troisième lieu, que le prix ainsi appliqué doit être regardé, ainsi que le soutient la ville de Caen, comme raisonnable comparé au coût de l'offre " liaison de génie civil sur le domaine public routier " dite LGC DPR proposée par France Télécom, qui prévoit un tarif de location compris entre 5 et 9 euros par mètre linéaire et par an, suivant le type de zone et la durée de location ; que si la société Orange soutient que le tarif de la location ne saurait excéder 1 euro par mètre linéaire et par an, la ville reprend à son compte la position critique émise par l'association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (AVICCA), qui estime, dans sa consultation publique d'octobre 2007 commandée par l'autorité de régulation des communications électroniques et de la Poste (ARCEP), et consacrée à la " situation concurrentielle des fourreaux de communications électroniques et leur régulation éventuelle ", que " cet ordre de grandeur correspond à la location d'un patrimoine important sur de longues durées, et que gérer un petit patrimoine à l'échelle d'une commune, pour des durées de location courtes, peut conduire à des coûts supérieurs " ; qu'en se bornant, en outre, à se référer au tarif de son offre LGC ZAC, fixé à 0,95 euro, qui ne fait que refléter les " coûts d'exploitation/maintenance ", la société Orange se base, ainsi qu'elle l'indique elle-même, sur un " coût de patrimoine nul ", dès lors que la propriété du génie civil (GC) dans les zones d'aménagement concerté lui a été transférée à titre gratuit ; qu'ainsi, la société requérante a pris le parti de ne pas rémunérer " l'actif " mais seulement l'exploitation et la maintenance des infrastructures de génie civil ; que, ce faisant, la société Orange n'établit pas que le tarif fixé par la commune, qui entend au contraire valoriser son patrimoine, serait excessif au regard des avantages de toute nature que cette société est susceptible de tirer de l'occupation du domaine public ; que, par suite, quand bien même le tarif appliqué ferait l'objet d'une révision annuelle sur la base d'un indice TP, et ne tiendrait pas compte des infrastructures effectivement utilisées, mais seulement de celles mises à disposition, le montant des redevances dont la société France Télécom a été constituée débitrice ne peut être regardé comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
16. Considérant, enfin, que la circonstance que la société France Télécom aurait été rendue débitrice, entre 2004 et 2007, de redevances pour permission de voirie prévues à l'article L. 47 du code des postes et communications électroniques à raison de l'occupation d'infrastructures dont elle s'estimait propriétaire, et que la Ville de Caen s'est engagée à lui rembourser si tel n'était pas le cas, est sans incidence sur le bien fondé des titres de recettes en litige ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la ville de Caen, que la société France Télécom, devenue Orange, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
18. Considérant que le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de la requête, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société requérante ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L.761-1 et R. 761 du code de justice administrative :
19. considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Caen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Orange au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Orange une somme de 2 000 euros à verser à la ville de Caen au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ; qu'il y a également lieu de laisser les dépens, y compris la contribution pour l'aide juridique, à la charge de la société Orange.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société France Télécom, devenue Orange, est rejetée.
Article 2 : La société Orange versera à la ville de Caen la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et à la ville de Caen.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 octobre 2015.
Le rapporteur,
J-F. MILLET
Le président,
A. PÉREZLe greffier,
S. BOYÈRE
La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT02207
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