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15/10/2015 | FRANCE | N°15NT01782

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 octobre 2015, 15NT01782


Vu I) la procédure suivante dans l'instance 15NT01782 :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Candé (Maine-et-Loire) à lui verser une provision de 74 523,99 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des désordres causés à sa maison d'habitation par les travaux de démolition réalisés en novembre 2010 sur l'immeuble mitoyen appartenant à la commune.

Par une ordonnance n° 1501366 du 3 juin 2015, le juge des référés du tribunal administra

tif de Nantes a condamné la commune de Candé à verser à Mme B...une provision de 20 00...

Vu I) la procédure suivante dans l'instance 15NT01782 :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Candé (Maine-et-Loire) à lui verser une provision de 74 523,99 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des désordres causés à sa maison d'habitation par les travaux de démolition réalisés en novembre 2010 sur l'immeuble mitoyen appartenant à la commune.

Par une ordonnance n° 1501366 du 3 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de Candé à verser à Mme B...une provision de 20 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 juin et 16 juillet 2015, la commune de Candé, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 3 juin 2015 ;

2°) de rejeter dans sa totalité la demande de MmeB... ;

3°) de mettre à la charge de celle-ci le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le juge des référés, la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître du litige car les travaux litigieux, réalisés sur le domaine privé de la commune, ne constituent pas des travaux publics ; les travaux n'étaient justifiés que par des motifs de gestion du patrimoine et le bénéficiaire de la cession n'était pas encore connu lors de l'exécution des travaux ;

- l'ordonnance est irrégulière car entachée d'une contradiction de motifs dès lors que le juge des référés a relevé d'une part que les désordres d'humidité subis par la maison d'habitation étaient nouveaux et, d'autre part, que l'état sanitaire de la maison, ancienne et mal isolée, devait être pris en considération ;

- le lien de causalité entre les travaux et les dommages n'est pas établi, car les désordres dus à l'humidité préexistaient ; le préjudice résultant d'une surconsommation d'électricité n'est pas établi, car contrairement à ce que soutenait MmeB..., sa consommation d'électricité a baissé de 5% en 2011, l'année suivant l'exécution des travaux ;

- compte tenu des contradictions dont est entaché le rapport de l'expert, la provision demandée par Mme B...ne présente pas un degré suffisant de certitude lui permettant d'obtenir gain de cause ;

- à titre subsidiaire, un partage de responsabilité avec Mme B...doit être retenu compte tenu de l'absence de diligences accomplies pour remédier aux désordres constatés ;

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2015, MmeB..., représentée par MeA..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que la provision mise à la charge de la commune de Candé soit portée à 76 023,99 euros, ou, à titre subsidiaire à la somme de 38 011,99 euros, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2014 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) à ce que soit mis à la charge de la commune de Candé les frais de l'expertise s'élevant à 3 410,73 euros ;

4°) à ce que soit mise à la charge de cette collectivité la somme de 6 943,20 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige dès lors que la démolition répondait à un but d'utilité générale afin d'assurer la sécurité publique ;

- l'ordonnance n'est pas entachée de contradiction de motifs ;

- le rapport de l'expert désigné par le tribunal permet de conclure à la réalité des désordres affectant le mur pignon de sa propriété à la suite des travaux réalisés à la demande de la commune ; le lien de causalité est ainsi établi ;

- la responsabilité sans faute de la commune est engagée en raison des travaux qui ont un caractère de travaux publics ; à titre subsidiaire si la qualité d'usager devait lui être reconnue, la responsabilité de la commune serait également totalement engagée du fait des carences dans l'exécution des travaux ;

- le juge des référés a sous-évalué le montant de la provision mise à la charge de la commune alors qu'elle subit un trouble de jouissance de 300 euros par mois depuis décembre 2010, soit une somme de 17 400 euros, que les dommages constatés ont entraîné une surconsommation d'électricité évaluée à 420 euros, que les frais de remise en état de l'intérieur du logement doivent être évalués à 16 228,41 euros auxquels s'ajoute la somme de 1 000 euros pour l'achat de déshumidificateurs, et que les travaux de reprise du mur pignon préconisés par l'expert s'élèvent à la somme de 35 975,58 euros ; elle a enfin subi un préjudice moral qui doit être évalué à 5 000 euros, soit une somme totale de 76 023,99 euros à parfaire ;

- si la cour devait retenir l'ancienneté de la maison pour limiter le préjudice réparable, le pourcentage mis à sa charge ne pourrait pas être supérieur à 50% et le préjudice serait alors évalué à la somme de 38 011,99 euros ;

Vu II) la procédure suivante dans l'instance 15NT01783 :

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 juin et 16 juillet 2015, la commune de Candé, représentée par Me E..., demande à la cour de surseoir à l'exécution de l'ordonnance n° 1501366 du 3 juin 2015 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à Mme B...une provision de 20 000 euros.

Elle soutient que dans l'hypothèse probable où les juges du fond infirmeraient l'ordonnance contestée, l'exécution immédiate de cette décision laisse présager la perte de la somme octroyée à MmeB..., compte tenu de l'insolvabilité probable de l'intéressée, qui a fait part de ses difficultés financières lors des opérations d'expertise, et en l'absence de constitution de garantie ordonnée par le juge des référés.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2015, MmeB..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Candé en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la commune de Candé n'établit pas que l'exécution de l'ordonnance lui causerait un préjudice de nature à justifier le sursis à exécution de l'ordonnance et les montants en cause en l'espèce ne justifient pas davantage que le sursis à exécution soit ordonné ;

- le juge des référés a librement apprécié la nécessité de constitution d'une garantie sur les sommes dont le versement a été ordonné.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Specht,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant la commune de Candé, et de Me A..., représentant Mme B....

1. Considérant que les requêtes n°15NT01782 et 15NT01783 présentées par la commune de Candé sont dirigées contre une même ordonnance et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête n°15NT01782 :

2. Considérant que la commune de Candé (Maine-et-Loire) a fait réaliser les 23 et 24 novembre 2010 des travaux de démolition d'un bâtiment situé rue Brossays du Perray, inoccupé et insalubre, qui avait été antérieurement affecté successivement à un usage d'atelier municipal, de syndicat d'initiative et de local associatif ; que Mme B..., propriétaire d'une maison mitoyenne, soutient que ces travaux sont à l'origine de désordres affectant le mur pignon de sa propriété et a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande en référé tendant à la condamnation de la commune de Candé à lui verser une provision de 74 823,99 euros à parfaire en réparation des divers préjudices subis ; que la commune de Candé relève appel de l'ordonnance du 3 juin 2015 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à Mme B...une provision de 20 000 euros ; que Mme B...demande, par la voie de l'appel incident, que la provision accordée en première instance soit portée à la somme de 76 023,99 euros ou, à titre subsidiaire à la somme de 38 011,99 euros ;

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

3. Considérant que les travaux immobiliers exécutés pour le compte d'une collectivité publique dans un but d'utilité générale présentent le caractère de travaux publics ; que les dommages causés à l'occasion de tels travaux relèvent de la compétence du juge administratif ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les travaux de démolition du bâtiment jouxtant l'habitation de MmeB..., confiés à l'entreprise Chazé TP par la commune de Candé, ont essentiellement été décidés, en raison de l'état du bâtiment, pour des motifs de sécurité publique ; que, par suite, alors même que le bâtiment appartenait au domaine privé de la commune, ces travaux réalisés dans un but d'intérêt général revêtent le caractère de travaux publics ; que le litige relatif à ces travaux relève par voie de conséquence de la compétence de la juridiction administrative ; que, dès lors, la commune de Candé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif s'est estimé compétent ;

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance :

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Candé, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas entaché son ordonnance de contradiction de motifs en relevant à la fois que les désordres causés à l'habitation résultaient des travaux et que, la maison étant mal isolée et vétuste, il y avait lieu de tenir compte de l'état du bâtiment pour l'évaluation du préjudice ;

En ce qui concerne le caractère non contestable de l'obligation de la commune de Candé :

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable... " ;

7. Considérant que, même en l'absence de faute, la collectivité maître de l'ouvrage est responsable vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport déposé le 8 juillet 2014 par l'expert désigné par le tribunal, dont les termes sont dépourvus de contradiction, que les travaux de démolition de l'immeuble appartenant à la commune ont endommagé et exposé aux intempéries le mur pignon de la maison de MmeB..., qui était auparavant pour une partie protégé, entraînant des infiltrations d'eau, un important taux d'humidité intérieur rendant selon l'expert les locaux insalubres, la présence de moisissures sur les murs et le décollement des revêtements muraux dans les pièces situées du côté du mur pignon ; que, dans ces conditions, les travaux en litige doivent être regardés comme étant à l'origine directe et certaine des désordres ainsi apparus, lesquels constituent pour Mme B... un dommage anormal et spécial ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient également pour cause une faute de Mme B...de nature à exonérer même partiellement la commune de Candé de sa responsabilité ; que, par suite l'obligation de réparation à la charge de la commune de Candé n'est pas sérieusement contestable ;

En ce qui concerne le montant de la provision :

9. Considérant qu'il résulte des termes du rapport de l'expert judiciaire que la maison d'habitation de MmeB..., ancienne et mal isolée, présentait également des désordres intérieurs sans lien avec les conséquences des travaux en litige ; que, compte tenu, d'une part, du coût des travaux relatifs à la réfection extérieure du mur pignon et des travaux intérieurs nécessaires à la réparation des désordres imputables aux travaux de démolition, tels que détaillés par l'expert judiciaire dans son rapport, ainsi que des préjudices résultant du trouble de jouissance subi par Mme B...et, d'autre part, de l'état antérieur vétuste de la maison, c'est par une juste appréciation que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de Candé à verser à l'intéressée une provision de 20 000 euros tous postes de préjudices confondus, montant portant intérêts à compter du 1er août 2014 et capitalisation des intérêts ; que les conclusions présentées par Mme B...tendant à ce que la provision accordée soit portée à un montant supérieur doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les frais et honoraires d'expertise :

10. Considérant qu'il appartiendra au juge du fond, saisi par MmeB..., de se prononcer sur la partie qui assumera la charge définitive des frais d'expertise ; que, par suite, les conclusions présentées par Mme B... tendant à ce que les frais de l'expertise judiciaire, liquidés et taxés à la somme de 3 410,73 euros TTC par une ordonnance du 2 septembre 2014 du président du tribunal administratif de Nantes soient mis à la charge de la commune de Candé ne peuvent qu'être rejetées ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Candé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à Mme B...une provision de 20 000 euros ; que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés de ce tribunal n'a pas accueilli la totalité de sa demande ;

Sur la requête 15NT01783 :

12. Considérant que, dès lors que le présent arrêt statue sur la requête à fin d'annulation de l'ordonnance attaquée, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance, présentées par la commune de Candé dans sa requête enregistrée sous le n°15NT01783, sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur cette dernière requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Candé demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Candé la somme de 6 943,20 euros demandée par Mme B...au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 15NT01782 de la commune de Candé est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par Mme B...dans l'instance n° 15NT01782 sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 15NT01783 de la commune de Candé.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Candé et Mme D...B....

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 octobre 2015.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01782, 15NT01783


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01782
Date de la décision : 15/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL PUBLI-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-10-15;15nt01782 ?
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