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01/10/2015 | FRANCE | N°14NT01303

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 01 octobre 2015, 14NT01303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bonduelle Traiteur International a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation partielle des deux décisions du 20 juin 2011 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire prononçant à son encontre la déchéance totale des aides, de montants respectifs de 556 650 et 222 660 euros, qui lui avaient été accordées en 2003 au titre du FEOGA et d'une prime d'orientation agricole nationale, et lui demandant le reversement d

es sommes en cause.

Par un jugement n° 1200183 du 13 mars 2014, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bonduelle Traiteur International a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation partielle des deux décisions du 20 juin 2011 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire prononçant à son encontre la déchéance totale des aides, de montants respectifs de 556 650 et 222 660 euros, qui lui avaient été accordées en 2003 au titre du FEOGA et d'une prime d'orientation agricole nationale, et lui demandant le reversement des sommes en cause.

Par un jugement n° 1200183 du 13 mars 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à cette demande et annulé les décisions du 20 juin 2011 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire en tant qu'elles prononçaient la déchéance des aides et subventions pour un montant supérieur à 27 510 euros.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés les 16 mai et 14 août 2014 et le 4 septembre 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 mars 2014 et de rejeter la demande présentée par la société Bonduelle Traiteur International.

Il soutient que :

- les premiers juges ont méconnu l'étendue de leurs pouvoirs de plein contentieux en ne prononçant pas la sanction adaptée à la situation de la société ;

- les décisions contestées ne sont pas entachées d'une insuffisance de motivation en droit et en fait, dès lors qu'elles étaient accompagnées d'une lettre en expliquant les motifs et visaient les textes réglementaires européens et nationaux au titre desquels les aides avaient été octroyées et qui régissent les sanctions appliquées, et que le motif retenu fondé sur la fraude était en lui-même suffisant pour retirer les aides ;

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2014, la société Bonduelle Traiteur International, représentée par Me Coutrelis, conclut au rejet du recours, subsidiairement à l'annulation au fond des décisions ministérielles du 20 juin 2011 et, en tout état de cause, à ce que la somme de 3000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 2988/95 du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

- le règlement (CE) n° 1257/1999 du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le FEOGA ;

- le règlement (CE) n° 1750/1999 de la Commission du 23 juillet 1999 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) ;

- le règlement (CE) n° 817/2004 du 29 avril 2004 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Coutrelis, avocat de la société Bonduelle Traiteur International.

1. Considérant que, par deux arrêtés du 26 mai 2003, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a attribué à la société Caugant SA, devenue par absorption la société Bonduelle Traiteur International, d'une part, une aide communautaire au titre du fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), d'un montant de 556 650 euros, et, d'autre part, une aide nationale sous la forme d'une prime d'orientation agricole (POA) d'un montant de 222 660 euros, pour la réalisation d'un projet d'extension des installations et des équipements d'une usine de fabrication de salades de légumes à Rosporden (Finistère) présenté en avril 2002 à l'administration ; qu'à la suite de contrôles effectués sur place par le service de contrôle du ministère de l'économie, des finances et du commerce extérieur en 2007 et 2008, plusieurs anomalies ont été relevées ; que la commission interministérielle de coordination des contrôles a, lors de sa séance des 21, 23 et 24 octobre 2008, validé les conclusions de ce contrôle et conclu au reversement total de l'aide FEOGA par la société ; que, par deux décisions du 20 juin 2011, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire a prononçé à l'encontre de la société Bonduelle Traiteur International la déchéance totale des aides FEOGA et POA qui lui avaient été attribuées au motif de " fausse déclaration faite intentionnellement ", lui demandant le reversement des sommes en cause ; que la société Bonduelle Traiteur International, estimant que seule une partie des aides litigieuses, pour un montant de 27 510 euros, avait été perçue indûment, a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation des décisions du 20 juin 2011 en tant qu'elles concernaient une somme supérieure à 27 510 euros ; que, par un jugement du 13 mars 2014, cette juridiction a fait droit à la demande de la société ; que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'eu égard aux pouvoirs dont dispose le juge administratif lorsqu'il statue dans le cadre du contentieux de l'excès de pouvoir, il ne lui appartient pas, contrairement à ce que soutient le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, de se substituer à l'administration pour déterminer à sa place les mesures à prendre ; qu'il s'ensuit que le ministre n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient méconnu l'étendue de leur compétence en ne prononçant pas à sa place la mesure appropriée ;

Sur la légalité des décisions ministérielles des 20 juin 2011 :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue " ; qu'aux termes de l'article 2 de ce règlement : " 1. Les contrôles et les mesures et sanctions administratives sont institués dans la mesure où ils sont nécessaires pour assurer l'application correcte du droit communautaire. Ils doivent revêtir un caractère effectif, proportionné et dissuasif, afin d'assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés. (...) 4. Sous réserve du droit communautaire applicable, les procédures relatives à l'application des contrôles et des mesures et sanctions communautaires sont régies par le droit des Etats membres " ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indument perçus (...). / 2. L'application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l'avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d'intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire (...). / 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 72 du règlement CE n° 817/2004 du 29 avril 2004 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) : " 1. En cas de constatation d'une fausse déclaration faite par négligence grave, le bénéficiaire en cause est exclu pour l'année civile considérée de toutes les mesures de développement rural prises au titre du chapitre concerné du règlement CE N° 1257/1999. En cas de fausse déclaration faite délibérément, il en est exclu également pour l'année qui suit. 2 Les sanctions prévues au paragraphe 1. s'appliquent sans préjudice de sanctions supplémentaires prévues au niveau national. " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) - (...) imposent des sujétions ; / - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

5. Considérant que la décision par laquelle l'autorité administrative compétente impose au bénéficiaire d'une aide agricole régie par un texte de l'Union européenne de reverser les montants d'aide indûment perçus a le caractère d'une décision défavorable retirant une décision créatrice de droits au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, en tant qu'elle retire une aide financière qui avait été précédemment octroyée à son bénéficiaire, et d'une décision imposant une sujétion, au sens des mêmes dispositions, en tant qu'elle assujettit l'opérateur économique concerné, selon des modalités qu'elle définit, à l'obligation de reverser l'aide indue ; qu'ainsi une telle décision doit être motivée ; que les dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, qui constituent une garantie pour le bénéficiaire de l'aide, trouvent à s'appliquer de manière identique à la récupération d'aides indûment versées sur le fondement de dispositions du droit national ; qu'elles n'ont pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la récupération des sommes octroyées, dès lors qu'il appartient à l'administration de veiller au respect de la procédure qu'elles instituent et qu'il est loisible à celle-ci, en cas d'annulation d'une décision de reversement irrégulière, de prendre une nouvelle décision, sous réserve du respect des règles de prescription applicables ;

6. Considérant que si la décision prononçant la déchéance totale des droits de la société Bonduelle Traiteur International pour l'aide européenne accordée au titre du FEOGA porte le visa de plusieurs règlements communautaires, du décret n°99-1060 du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l'Etat pour les projets d'investissement et de l'arrêté ministériel du 26 mai 2013 portant attribution de la subvention FEOGA et si la décision qui prononce la déchéance totale des droits de cette société pour l'aide nationale accordée sous la forme de la prime d'orientation agricole vise les décrets n° 78-806 du 1er août 1978 relatif à la prime d'orientation pour les entreprises de stockage, de transformation et de commercialisation des produits agricoles et alimentaires et n°99-1060 du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l'Etat pour les projets d'investissement ainsi que l'arrêté ministériel du 26 mai 2013 portant attribution de la subvention POA, elles se bornent à indiquer, dans leur article 1er , que le " motif de l'annulation " est fondé sur " une fausse déclaration faite délibérément " et, dans leur article 2, que la société est tenue au reversement de la somme en cause ; qu'ainsi ces décisions ne permettaient pas à la société, s'agissant de l'application de ces différents textes aux faits reprochés à la société détaillés dans le courrier précité du 9 septembre 2009 de notification des différentes anomalies, de connaître et de débattre des raisons ayant conduit l'administration à retenir la qualification juridique de " fausse déclaration faite délibérément ", ni d'identifier celle des dispositions des arrêtés du 26 mai 2013 d'octroi des aides qui n'auraient pas été respectées et justifieraient qu'une décision de déchéance totale de droit pour les aides en cause soit prononcée à son encontre ; que ni la référence au courrier de notification des anomalies du 9 septembre 2009 ni le visa des conclusions de la commission interministérielle de coordination des contrôles des 21, 23 et 24 octobre 2008 ne pouvaient, en l'espèce, suppléer à cette absence d'énoncé des motifs de droits fondant les décisions contestées ; que c'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont prononcé l'annulation de ces décisions pour ce motif ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande présentée par la société Bonduelle Traiteur International tendant à l'annulation partielle de ses décisions du 20 juin 2011 en tant qu'elles concernaient un montant global d'aides et subventions supérieur à 27 510 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui succombe, le versement à la société Bonduelle Traiteur International de la somme de 2000 euros sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Bonduelle Traiteur International une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à la société Bonduelle Traiteur International.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller,

Lu en audience publique le 1er octobre 2015.

Le rapporteur,

O. COIFFET

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01303
Date de la décision : 01/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : COUTRELIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-10-01;14nt01303 ?
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